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Page:Delâtre - L’Égypte en 1858.djvu/27

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nons un deuil éternel de notre Dieu après l’avoir injustement mis à mort. En un mot, tout en nous leur paraît absurde, incohérent, odieux, et ils n’ont pas toujours tort. Peut-on regarder sans rire la tournure que nous donne notre costume ? Peut-on songer sans dégoût à toutes les entraves que nous mettons au commerce et aux communications entre peuple et peuple ?

Les bazars d’Alexandrie sont, comme tous les bazars d’Orient, des rangées non interrompues de misérables échoppes dont les toits se joignent ou ne se joignent pas, et tantôt produisent une obscurité profonde, tantôt laissent passage à la lumière par quelques solutions de continuité. Les marchands se tiennent assis sur leur comptoir garni de nattes ; ils attendent les chalands en fumant leurs longues pipes de bois de cerisier et en se lissant la barbe. Quoique si voisins, rarement ils causent entre eux ; mais quelquefois ils se regardent avec des yeux hébêtés. Quand on pénètre dans un bazar turc, il semble qu’on entre dans quelque corridor des catacombes de Rome, et on serait presque tenté de réclamer comme là le secours d’un flambeau. D’autres fois je me croyais dans quelque galerie du musée Tousseau de Londres ou du cabinet d’Histoire naturelle de Paris. Tous ces musulmans, en habits bariolés, en barbe noire ou blanche, me faisaient l’effet de figures de cire qu’on va voir par curiosité, ou de bêtes exotiques habilement empaillées. Cependant deux ou trois fois ces bêtes nous prouvèrent qu’elles n’étaient pas empaillées et qu’elles pouvaient encore mordre : elles nous adressèrent des injures et crachèrent où nous avions passé. Je leur rendis la pareille en épuisant contre eux tout mon vocabulaire d’imprécations arabes, et ils se turent en grognant comme l’hyène dans sa cage. Depuis la guerre d’Orient, l’insolence des Arabes ne connaît plus de bornes. Ils croient que les chrétiens ont soutenu la Turquie parce que la grâce de Mahomet les a touchés, et qu’ils ne tarderont pas à se convertir à la véritable religion. Il y en a qui pré-