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Page:Delâtre - L’Égypte en 1858.djvu/36

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ciens des modernes, c’est que les anciens étaient propres et que les modernes sont sales. Les anciens se baignaient tous les jours ; ils appelaient cela se laver ; les modernes se lavent une fois par an ; ils appellent cela se baigner. Dans les langues modernes, se laver se dit seulement des mains et du visage ; ou ne lave jamais les autres parties du corps ; on les baigne, mais une fois par an seulement. Chez les anciens, les bains étaient une précaution hygiénique quotidienne, une simple opération de toilette ; chez les modernes, ils sont un moyen thérapeutique dont on n’use que dans les cas graves. Il s’ensuit que les modernes sont sales, tandis que les anciens étaient propres. C’est au christianisme qu’est due cette révolution hygiénique. Les prêtres défendaient aux fidèles de se toucher et de se regarder ; le corps devait toujours rester couvert. Les fidèles détruisirent toutes les statues, parce qu’elles étaient nues ; ils démolirent tous les thermes, parce qu’on s’y livrait aux abominations de la natation, de l’ablution et de la lutte. Ils montreront encore plus d’acharnement contre les thermes que contre les temples mêmes ; ils conservèrent quelques temples intacts, mais pas un seul établissement de bains n’échappa à leur fureur : cela s’appelait civiliser le monde. Cet état de choses dura quatorze siècles. Le monde retomba dans la stupidité et la crasse. Enfin, un beau jour on déterra à Porto d’Anzio l’Apollon qu’on a surnommé du Belvéder. Dès lors, on se mit à étudier le dessin et on rechercha la beauté des formes. Les anciens étaient plus sains que les modernes, parce qu’ils étaient plus propres ; et ils étaient plus beaux que les modernes, parce qu’ils étaient plus artistes.

Je me mets à interpeller, en guise de leçon d’arabe, tous les fellahs que je rencontre, et par ce moyen je recueille de précieux renseignements sur leur condition et sur celle de l’Égypte. La langue arabe n’a jamais fait mes délices. J’en trouve la formation admirable, mais je n’en puis supporter la littérature. Quand on a bu aux sources pures