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L’ÉGYPTE EN 1858.[1]

III.


Nous passons deux bras du Nil, le premier sur un pont, le second sur un bateau à vapeur qui fait le service entre les deux rives, en attendant que le pont soit achevé. Le cours du Nil n’a rien d’extraordinaire ; mais le seul son de ce mot Nil, la seule idée qu’on voit ces flots célèbres, remplissent l’âme d’enthousiasme et l’imagination de souvenirs. Le Nil, ce fleuve mystérieux dont après tant de siècles, la source est encore inconnue ; le Nil, ce fleuve sacré dont les inondations sont régulières comme les révolutions des astres, dont les dévastations sont un bienfait ; ce fleuve qui submerge l’Égypte, afin de la nourrir ; qui suffirait à confirmer la croyance des anciens que les fleuves sont des dieux ; le voilà à nos pieds roulant ses eaux verdâtres et troubles parsemées de canges et de caïques. Le voilà ce fleuve prodigieux qui étend ses ondes comme un manteau sur la nudité du désert, ou comme des ailes maternelles et fécondantes qui couvent pendant trois mois cette terre inerte et font éclore de son sein tous les trésors de Flore, de Pomone et de Cérès. Je m’incline devant sa majesté, et, faisant du creux de ma main une coupe, je bois quelques gouttes de son onde salutaire.

Νεῖλος est un mot purement grec, comme la plupart des mots relatifs aux choses de l’Égypte. Il a toute l’apparence d’un adjectif dérivant du verbe νέω, couler. Il est né de νέω, comme δειλός (peureux), de δέω (craindre) ; il signifie cou-

  1. 3e article. Voir les numéros de juillet et août.