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La liberté ravie
Ici se reconquiert,
Pour jouir de la vie
Il faut vivre au désert.


Le docteur Castelnovo me fait faire la connaissance de Clot-Bey. Celui-ci nous mène voir l’École de médecine dont il est le directeur. Fondée par Méhémet-Aly, supprimée par Abbas-Pacha, elle a été rétablie par Saïd-Pacha en 1857. Elle occupe un vaste bâtiment quadrangulaire, situé sur le bord du Nil et ayant autrefois servi de caserne aux troupes de l’expédition française. Au milieu de l’édifice s’ouvre une nouvelle cour ornée d’arbres gigantesques. Nous commençâmes notre tournée par l’hôpital attaché à l’établissement. On mettait des carreaux aux fenêtres qui en manquaient depuis de longues années. C’est la venue présumée du prince Napoléon qui valait aux malades cet excès de bienveillance. Jusque-là toutes les représentations des professeurs de l’école avaient échoué devant l’apathie du Turc imbécile qui porte le titre pompeux de ministre de l’instruction publique et qui regarde tout l’argent consacré aux établissements de l’instruction comme de l’argent perdu. D’ailleurs, il faut convenir que l’absence de carreaux aux fenêtres avait un grand avantage : l’air circulait librement dans ces dortoirs fétides et chassait une partie des odeurs nauséabondes qui s’exhalent des grabats pourris sur lesquels les malades reposent, et des hardes impures qu’on voit éparses sur le sol ou accrochées aux murs.

Nous descendons à la salle des cours. La chaire était occupée par le professeur de botanique qui donnait une leçon de physiologie végétale ; il traitait la question si intéressante de la transmutation des plantes ; mais il n’avait devant lui ni livre, ni gravure, ni le moindre spécimen naturel pour servir d’appui à l’explication. Les auditeurs, au nombre d’environ cent, assis sur les degrés d’un échafaudage demi-circulaire, paraissaient prêter une grande attention aux paroles du professeur, mais aucun d’eux ne prenait