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des notes. Il y avait parmi eux des Arabes, des Abyssins, des Coptes chrétiens, mais point de nègres. Ceux-ci, que la langue arabe ne désigne pas autrement que sous le nom d’esclaves (abd), sont rigoureusement exclus des écoles destinées aux fils des hommes libres.

De là nous nous rendons à l’amphithéâtre anatomique. Nous trouvons deux cadavres de nègres couchés sur des tables de marbre. Le premier de ces cadavres avait tout le haut de la joue droite emporté. Clot-Bey s’approche en disant :

— Ah ! je vois qu’on a cherché à faire l’extraction de l’œil.

Mais en examinant mieux, un doute lui vient et il demande aux gardiens qui a fait cela. L’un de ces hommes répond qu’il croit que ce sont les hiboux. Un autre répond : — Non, ce sont les rats.

— Les rats ! s’écrie Clot-Bey, les rats ! Il y a des rats ici ?

Nous entrons dans la pharmacie. C’est une salle basse tellement humide, que la chaux se détache des murs par écailles et par plaques, comme dans une salpêtrière. On y voit des armoires, mais dans ces armoires il n’y a ni vases ni bocaux, ou, s’il y en a, ils sont vides. Le gouvernement égyptien n’a jamais voulu comprendre que, pour avoir de bons médicaments, il faut les acheter en gros. La pharmacie de l’école achète ses médicaments au fur et à mesure chez les pharmaciens du Caire qui ne lui livrent que leurs marchandises avariées. Avec ce système, on dépense infiniment plus qu’en faisant des provisions à l’avance, et on n’a rien de bon à donner aux malades. Mais à cela on objecte : Si on fait des provisions, qui les gardera ? qui empêchera les insectes de les détruire et les Arabes de les voler ? La comptabilité est une servitude à laquelle les Arabes n’ont jamais pu s’assujettir. Il faudrait confier la direction de la pharmacie à des Européens, et dans ce cas, le but qu’on veut atteindre serait manqué, puisque avant tout il s’agit d’initier les Arabes aux avantages de l’Europe, et comme ils ne les