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soumettre au ministre la supplique de ces pauvres diables qui, presque tous, pour surcroît de malheur, sont pères de famille, et doivent suffire à l’entretien de leurs enfants avec trois francs de rente.

Avant de partir, nous voulons visiter le jardin botanique. Les carrés sont tracés, mais dans la plupart d’entre eux il ne croit que des orties. L’ortie est Une plante intéressante, mais un ou deux individus suffiraient pour l’instruction des élèves. Clot-Bey s’enquiert pourquoi on ne sème pas une plus grande variété de plantes.

— Nous manquons de jardinier, observent les professeurs.

— Il faut en demander au ministre.

— Le ministre ne répondra pas, ou s’il répond, ce sera pour nous dire que nous n’avons qu’à cultiver nous-mêmes notre jardin botanique.

De l’école des hommes nous passons à celle des femmes située sur une place du Caire, non loin du Mouski.

Nous entrons dans une cour délabrée. Au fond de cette cour on voit une masure dont la porte est assiégée par un tas de gaupes déguenillées, tenant chacune un marmot à cheval sur leurs épaules ou couché sur leurs bras. Ce bouge c’est le bureau de vaccination, et ces femmes sont des mères qui viennent faire vacciner leurs nourrissons. Voilà un progrès réel accompli dans les mœurs arabes, le seul peut-être qui soit sorti de tout le mouvement scientifique dont Clot-Bey fut l’initiateur. Ici, du moins, on n’emploie ni la violence, ni l’argent pour obtenir cette concession aux usages européens. La vaccination a quelque chose d’étrange et de mystérieux qui devait plaire aux imaginations orientales ; elle a un rapport évident avec la circoncision ; aussi son succès a été immédiat, et il se soutient.

Sous un hangar attenant au bouge, sont assis sur une natte étendue par terre, sept ou huit petits garçons qui dorment le visage couvert de mouches, ou qui regardent fixement et stupidement le soleil. Ces garçons sont des or-