6io Correspondance.
excite en moy. le m'en retiens neantmoins, conjidcranl que, Ji bien vos lettres me font extrêmement chères & vtiles, il ne faut pas que ie face le mefme lugement des miennes : pource qu'encore que vous vous cachic-r^, autant qu'il vous efl pofjible, ie trouue toufiours beaucoup dm- 5 flruéîions dans les vojîres; & quand ie m'cfforcerois à mettre en parade tout ce que i'ay de meilleur, ic ne Jçau- rois rien efcrire digne de vous. En cette diucrfilé néant- moins, nous conuenons en vnpoinél, quoyque nous y [oyons conduits par chemins differens : vous m'affeurcr^ que vous lo auei beaucoup de bienueillance pour moy, & en cela i'y peux refpondre, que ie vous honore parfaiélemenl, & en vn degré d'affedion, où ne montent point les amitiés ordi-' naires. Dans la connoiffance que vous aue^ de la nature & de la valeur des pafjions, fï vous mette^ l'amour dans m 1 5 rang honorable, vous vous contenterej de ce feu l mouuc- ment de mon ame,fans confiderer la foibleffe de tous les autres.
Mais, aufuiet de l'amour, il faut, M, que ie vous con- feffe franchement mon ignorance : après en auoir Icu 20 mille belles chofes dans les Anciens, l'en fuis demeuré, comme autrefois de la lumière, que ie fentois bien efîre très agréable & très neceffaire, mais que ie ne connoiffois point du tout. l'efprouue, romme les autres hommes, les ioyes & les douceurs de cette paffion ; mais, à vray dire, ie ^5 ne la connois pas bien, & ne pourrois déterminer precife- ment quel efl ce mouuement de l'ame. Tant de fortes d'ap- pétits differens, tant d' inclinations fans raifons apparentes, fi grand nombre d'obieéîs des iouiffances fi bi-^arres me confondent, en forte que ie me refous à aimer ce que ie ^o penferay le mériter, fans m' informer plus auant.
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