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MADAME AROUET.

le présent, et généreux dans la prévision où sa femme lui survivrait. Voltaire nous apprend que sa mère avait connu Ninon, dont son mari, du reste, était notaire ; ce qui n’annonce pas infiniment de pruderie. Aussi ne fut-elle pas exempte de certains soupçons, et, encore à l’heure qu’il est, sans malveillance systématique, pourrait-on se demander si son dernier rejeton est bien le fils du receveur des amendes de la chambre des comptes ou celui de Chateauneuf, l’ami de la maison et le parrain de François-Marie. À prendre au sérieux et à la lettre un quatrain de Voltaire au duc de Richelieu, l’honneur de cette problématique paternité ne reviendrait ni a l’un ni à l’autre :

Je crains bien qu’en cherchant de l’esprit et des traits,
Le bâtard de Rochebrune
Ne fatigue et n’importune
Le successeur d’Armand et les esprits bien faits.[1]

Rochebrune, que Duvernet nous peint comme prenant le plus vif intérêt à l’enfant, était un chansonnier aimable[2], dont l’œuvre considérable est une cantate d’Orphée, mise en musique par Clérambault, et qui mourut en 1732. Voltaire, en se déclarant son bâtard, ne l’entendait, c’est à croire, qu’en Apollon ; il voulait dire que, s’il procédait du poëte chansonnier, ce n’était encore que du côté gauche et illégitime : on ne

  1. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. LIV, p. 663. Lettre de Voltaire au duc de Richelieu ; à Cirey, ce 8 juin 1744.
  2. Duvernet, la Vie de Voltaire (Genève, 1786), p. 9. Voltaire, dans le Cadenat, a dit :
     
    Sermons par Vénus approuvés
    Dont Rochebrune orne ses chansonnettes.