bis, le jeune Arouet vit augmenter sa pension de cent francs. Le froid fut horrible, et préfet et élèves grelottaient à qui mieux mieux au coin d’un méchant feu. L’épreuve dut être rude pour le frileux poëte qui, dès la Saint-Jean, trouvait à propos de se rapprocher de la cheminée[1]. La première place, en hiver, n’était pas le haut bout du banc, c’était l’endroit le plus voisin du poêle ; et Voltaire, que ses compositions en éloignaient, jouait des coudes et des mains pour se frayer un chemin jusqu’à ce centre disputé. Cela donnait souvent lieu à des discussions plus ou moins vives. Un jour qu’il s’était laissé distancer, et que le poële était cerné comme une forteresse, il dit à un de ses camarades plus jeune que lui : « Range-toi, sinon je t’envoie chauffer chez Pluton. — Que ne dis-tu en enfer ? répliqua celui-ci, il y fait encore plus chaud. — Bah ! l’un n’est pas plus sûr que l’autre. »
Voilà une repartie qui sent le fagot. Et cette autre que lui prête le même historien. Au réfectoire, l’un de ses voisins prétend qu’il lui a caché son verre ; un tiers, prenant parti pour le spolié, somme le ravisseur de restituer le bien du prochain : « Arouet, rends-lui son verre ; tu es un taquin qui n’ira jamais au Ciel. — Tiens, que dit-il avec son Ciel, s’écrie Arouet ; le Ciel, c’est le grand dortoir du monde[2]. » Nous citons, et nous allons citer les deux ou trois anecdotes relatives à son séjour au collège Louis-le-Grand, tout en les