Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mier entraînement, pour entraver par mon mariage les hautes espérances de votre destinée. Je dois à vous et à vos parents de vous empêcher, dans l’élan de votre générosité, de vous créer cet obstacle à vos succès dans le monde.

— Si vos inclinations sont d’accord avec ce que vous appelez votre devoir… commença Henry.

— Elles ne le sont pas, répondit Rose en rougissant.

— Alors vous partagez mon amour ? dit Henry. Dites-le moi seulement, Rose ; un seul mot pour adoucir l’amertume de ce cruel désappointement.

— Si j’avais pu le faire sans nuire à celui que j’aimais, répondit Rose, j’aurais…

— Reçu cette déclaration d’une manière toute différente, dit vivement Henry ; ne me le cachez pas au moins, Rose.

— Peut-être, dit Rose. Voyons ! ajouta-t-elle en dégageant sa main, pourquoi prolonger ce pénible entretien ? bien pénible pour moi surtout, malgré le bonheur durable dont il me laissera le souvenir : car ce sera pour moi un bonheur que de savoir la place honorable que j’ai tenue dans votre cœur, et chacun de vos triomphes dans la vie ne fera qu’accroître ma fermeté et mon courage. Adieu, Henry ! car nous ne nous rencontrerons plus comme nous nous sommes rencontrés aujourd’hui ; soyons longtemps et heureusement unis par d’autres liens que ceux que cette conversation suppose, et puissent les prières ferventes d’un cœur droit et aimant faire descendre sur vous toutes les bénédictions, les faveurs du ciel !

— Encore un mot, Rose, dit Henry. Dites-moi vous-même vos raisons ; laissez-moi les entendre de votre propre bouche.

— L’avenir qui vous est ouvert est brillant, répondit Rose avec fermeté ; vous pouvez prétendre à tous les honneurs auxquels on peut atteindre dans la vie publique, avec de grands talents et de puissants protecteurs ; mais ces protecteurs sont fiers, et je ne fréquenterai jamais ceux qui tiendraient en mépris la mère qui m’a donné la vie, pas plus que je ne veux attirer de disgrâces ou d’avanies au fils de celle qui m’a si bien tenu lieu de mère. En un mot, dit la jeune fille en détournant la tête, car elle sentait son courage l’abandonner, il y a sur mon nom une de ces taches que le monde fait rejaillir sur des têtes innocentes ; je ne veux la faire partager à personne ; nul autre que moi n’en aura le reproche.

— Un mot encore, Rose, ma chère Rose ! un seul mot, dit Henry en se jetant à ses pieds ; si je n’avais pas été dans une