Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/419

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laborieuse ; il lutta et souffrit beaucoup dans les commencements : mais, comme il savait se contenter de peu et qu’il avait de la bonne volonté, il finit par réussir, et, après avoir été garçon de ferme et charretier, il est aujourd’hui le plus joyeux éleveur du Northamptonshire.

Et maintenant celui qui écrit ces lignes regrette de toucher au terme de sa tâche et voudrait poursuivre encore le fil de cette histoire.

J’aimerais à m’arrêter près de quelques-uns de ces personnages au milieu desquels j’ai vécu si longtemps, et à partager leur bonheur en tâchant de le dépeindre. Je voudrais montrer au lecteur Rose Maylie, dans toute la fleur et la grâce d’une jeune ménagère, répandant au milieu du cercle qui l’entoure le bonheur et la joie, animant de sa gaieté le coin du feu pendant l’hiver et les causeries sous les arbres pendant l’été. Je voudrais la suivre au milieu des champs et entendre sa douce voix pendant les promenades du soir, au clair de la lune. Je voudrais la suivre, bonne et charitable au dehors et s’acquittant chez elle, douce et souriante, de ses devoirs domestiques ; je voudrais retracer l’affection qu’elle portait à l’enfant de sa pauvre sœur, affection qu’Olivier lui rendait si bien pendant les longues heures qu’ils passaient ensemble à s’entretenir des amis qu’ils avaient si tristement perdus ; je voudrais, une fois encore, rappeler sous mes yeux ces bonnes et joyeuses petites figures d’enfants groupées autour de ses genoux, et écouter leur joyeux babil ; je voudrais évoquer les éclats de leur rire franc et pur, avec la larme de bonheur et d’émotion qui brille dans les yeux bleus de leur mère. Oh ! oui, toutes ces scènes délicieuses, tous ces regards, tous ces sourires, toutes ces pensées et ces paroles innocentes… je voudrais les repasser encore sous ma plume l’une après l’autre.

M. Brownlow s’attacha de plus en plus à son fils adoptif, en voyant tout ce que promettait sa bonne et généreuse nature ; il retrouvait en lui les traits de l’amie de sa jeunesse, et cette ressemblance ravivait dans son cœur de vieux souvenirs, doux et tristes à la fois. Les deux orphelins, qui avaient connu l’adversité, gardèrent des rudes épreuves de leur jeunesse un sentiment de compassion pour les malheurs des autres, et de fervente reconnaissance envers Dieu qui les avait protégés et sauvés. Mais à quoi bon ces détails, puisque j’ai dit qu’ils étaient vraiment heureux ? Le bonheur est-il possible sans une affection vive, sans ces sentiments d’humanité et de bonté pour