Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/375

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— Un gentleman très-généreux ! s’écria Mme Gamp avec enthousiasme.

— Non, non, dit l’entrepreneur, ce n’est pas du tout un gentleman très-généreux. Vous vous trompez à son égard. Mais c’est un gentleman affligé, un gentleman rempli de regrets ; il sait ce que l’argent a le pouvoir de faire pour lui procurer quelque consolation et pour témoigner de son amour et de sa vénération envers le défunt. L’argent, ajouta M. Mould, tournant lentement sa chaîne de montre autour de ses doigts et lui faisant décrire ainsi un cercle à chaque article de dépense, l’argent peut lui donner des ornements de velours ; il peut lui donner des cochers en manteaux de deuil et en grandes bottes ; il peut lui donner des plumes d’autruche teintes en noir ; il peut lui donner nombre de suivants à pied, vêtus dans le meilleur style des cérémonies funèbres et portant des bâtons garnis de cuivre ; il peut lui donner une tombe élégante ; il peut lui donner une place dans l’abbaye de Westminster, s’il veut faire cette grosse dépense. Et qu’on vienne nous dire après cela que l’or est un vil métal, quand il peut nous procurer de si belles choses, mistress Gamp !

— Mais quelle bénédiction du ciel, monsieur, dit Mme Gamp, qu’il y ait des gens comme vous pour les vendre ou les louer !

— Vous avez raison, mistress Gamp, répondit l’entrepreneur, nous remplissons nos fonctions avec honneur ; nous faisons le bien sans ostentation, et nous rougirions qu’il en fût question sur nos petits mémoires. Que de consolations n’ai-je pas répandues parmi mes semblables, grâce à mes quatre chevaux à longues queues pour lesquels, tout harnachés et tout attelés, je ne demande jamais plus de dix livres dix schellings !… »

Mme Gamp avait sur les lèvres une réponse convenable, quand elle fut interrompue par l’apparition d’un des hommes au service de M. Mould. C’était le maître des cérémonies en personne, un individu obèse : il portait un gilet descendant trop bas sur ses jambes pour ne pas choquer toutes les idées reçues en fait de grâce et d’élégance ; il était orné de ce trait qu’on appelle au figuré un nez en pied de marmite, et avait la face toute diaprée de boutons. C’était une plante délicate dans son jeune temps ; mais, à force de s’épanouir dans l’épaisse atmosphère des funérailles, la tendre fleur n’était plus que graine et bourgeons.

« Eh bien, Tacker, dit M. Mould, tout est-il prêt en bas ?