Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/376

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— C’est un beau spectacle, monsieur, répondit Tacker. Jamais je n’ai vu les chevaux plus fringants et plus frais ; ils agitent leurs têtes comme s’ils savaient combien coûtent les plumes qui les décorent. Un, deux, trois, quatre, ajouta M. Tacker, en prenant sur son bras gauche un nombre égal de manteaux de deuil.

— Tom est-il là avec le gâteau et le vin ? demanda M. Mould.

— Il est prêt à venir au premier appel, monsieur, répondit Tacker.

— Alors, dit M. Mould, remettant sa montre dans son gousset et se regardant au petit miroir à barbe, afin de s’assurer que son visage avait bien l’expression voulue ; alors je pense que nous pouvons procéder. Donnez-moi le paquet de gants, Tacker. Ah ! quel homme c’était ! Ah ! Tacker, Tacker, quel homme c’était ! »

M. Tacker, qui, vu sa haute expérience en fait d’obsèques, eût pu être un excellent acteur de pantomime, adressa un clignement d’œil à Mme Gamp sans rien perdre de la gravité de son maintien, et suivit son maître dans la chambre voisine.

Il était important pour M. Mould (et c’était même une des exigences de sa profession) de ne point paraître connaître le docteur, bien qu’en réalité ils fussent tout près voisins et que souvent, comme dans le cas actuel, ils travaillassent de compagnie. Ainsi il s’avança pour lui remettre ses gants de chevreau noirs, de l’air d’un homme qui ne l’aurait jamais vu de sa vie ; tandis que, de son côté, le docteur se tenait à distance, aussi indifférent, en apparence, que s’il n’eût jamais entendu parler d’entrepreneurs, ou comme s’il avait bien pu passer devant leurs magasins sans s’être jamais trouvé en rapport avec eux.

« Comment ? des gants ! dit le docteur. Après vous, M. Pecksniff.

— Je n’y consentirai pas, répliqua ce dernier.

— Vous êtes trop bon, dit le docteur en prenant une paire. Je disais, monsieur, que je fus appelé vers une heure et demie, pour donner mes soins au malade. Comment ? du gâteau et du vin !… Du porto ! Je vous remercie. »

M. Pecksniff prit sa part des rafraîchissements.

« Vers une heure et demie, monsieur, reprit le docteur, je fus appelé pour donner mes soins au malade. Au premier bruit de la sonnette de nuit, je me levai, j’ouvris la fenêtre et