Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/407

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moignages, par la seule raison qu’il éprouvait une secrète méfiance de l’affaire ; il pensa que ce serait peu convenable et peu digne d’un gentleman. Il remercia donc le général de la promesse qu’il lui avait faite de le mettre directement en rapport avec l’agent, et il convint avec lui de voir ce fonctionnaire le lendemain matin. Il pria alors le général de lui apprendre ce que c’était que les Watertoast Sympathizers, dont il avait parlé en s’adressant à M. La Fayette Kettle, et quelles étaient les infortunes auxquelles s’appliquait leur sympathie. Là-dessus le général, prenant son air le plus sérieux, répondit qu’il pourrait parfaitement s’éclairer sur ce point, dès le lendemain même, en assistant à un grand meeting de cette société, qui serait tenu dans la ville vers laquelle on se dirigeait : « Meeting que mes concitoyens m’ont invité à présider, » ajouta le général.

Ils n’atteignirent qu’à une heure avancée de la soirée le terme de leur voyage. Tout près du chemin de fer s’élevait un immense édifice peint en blanc, assez laid pour ressembler à un hôpital ; sur la façade se lisaient ces mots : Hôtel National. Par devant, il y avait une galerie de bois ou véranda. Là, quand le train s’arrêtait, on était tout surpris et presque effrayé d’apercevoir une grande quantité de semelles de bottes ou de souliers perdus dans la fumée de cigares ; du reste, pas d’autre trace de créatures humaines. Cependant, à la longue, apparaissaient quelques têtes et quelques épaules ; en rapprochant ces indices des bottes et des souliers, on arrivait à découvrir que certains locataires de l’hôtel, qui se plaisaient à mettre leurs talons là où les gentlemen des autres pays mettent habituellement leur tête, étaient en train de jouir à leur manière de la fraîcheur de la soirée.

Il y avait dans cet hôtel une grande salle à boire, ainsi qu’une grande salle publique, dans laquelle on apprêtait la table générale pour le souper. On voyait en ce lieu d’interminables escaliers blanchis à la chaux, de longues galeries en haut, en bas, également blanchies à la chaux ; des quantités de petites chambres à coucher blanchies à la chaux ; et à chaque étage une véranda s’étendait sur les quatre faces de la maison, qui formait un grand square de brique avec une mauvaise petite cour au centre, où séchaient quelques serviettes. Ça et là, des gentlemen arrivaient en bâillant, avec leurs mains dans leurs poches ; mais soit dans la maison, soit dehors, partout où une demi-douzaine de personnes étaient