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Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/452

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inférieurs à ses yeux) ; sans compter qu’il avait constamment à se concilier son riche et vieux parent, à l’adoucir, à lui donner des explications sur une foule d’incidents, peu agréables en apparence, bien faits pour jeter le trouble dans cette malheureuse soirée ; tout cela sans trouver chez aucun des assistants le moindre concours, la moindre assistance : c’était plus qu’il n’en fallait pour corrompre la gaieté factice et le bonheur affecté du plus honnête homme de la terre. Aussi, peut-être de toute sa vie n’éprouva-t-il jamais autant de soulagement qu’au moment où le vieux Martin, consultant sa montre, annonça qu’il était temps de se retirer.

« Nous avons, dit-il, commencé par retenir des chambres au Dragon. J’ai envie de faire un petit tour de promenade ce soir. Voici les nuits qui deviennent sombres : M. Pinch voudrait-il bien nous reconduire en nous éclairant jusque chez nous ?

— Cher monsieur, s’écria Pecksniff, je serai charmé de vous conduire moi-même. Merry, mon enfant, la lanterne.

— La lanterne, s’il vous plaît, ma chère, dit Martin ; mais je serais très-fâché de faire sortir votre père ce soir ; pour trancher le mot, je n’y consentirais pas. »

M. Pecksniff avait déjà son chapeau à la main ; mais devant une déclaration aussi nette il dut s’arrêter.

« Je prendrai M. Pinch, ou bien j’irai seul, dit Martin. Que décidez-vous ?

— Ce sera Thomas qui vous conduira, monsieur, répondit Pecksniff, puisque votre résolution à cet égard est si bien arrêtée. Thomas, mon bon ami, faites bien attention, s’il vous plaît. »

Cette recommandation n’était pas inutile à Tom : car le pauvre garçon éprouvait un tel tremblement nerveux, qu’il avait peine à tenir la lanterne. Son tremblement redoubla quand, sur l’ordre du vieillard, Mary posa sa main sur son bras… le bras de Tom Pinch !

« Ainsi, monsieur Pinch, dit Martin chemin faisant, vous êtes tout à fait bien dans cette maison, n’est-ce pas ? »

Tom répondit, avec plus d’enthousiasme encore qu’à l’ordinaire, qu’il avait contracté envers M. Pecksniff une dette de reconnaissance que le dévouement de toute une vie ne suffirait pas à payer.

« Depuis combien de temps connaissez-vous mon neveu ? demanda Martin.

— Votre neveu, monsieur ? dit Tom en hésitant.