Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/455

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— Allons, s’écria Tom, je vois que vous ferez mieux de descendre de cette barrière et de me laisser retourner au logis. Permettez-moi de passer, s’il vous plaît.

— Ne vous imaginez pas ça ! dit Jonas, étendant ses jambes. Vous ne passerez pas que cela ne me plaise. Et cela ne me plaît pas en ce moment. Je vois bien que vous avez peur que je ne vous fasse expier quelques-uns de vos bavardages de tout à l’heure, lâche que vous êtes !

— Je n’ai pas peur de grand’chose, j’espère, dit Tom, et certainement je n’ai pas peur que vous me fassiez rien. Je ne suis pas un rapporteur et je méprise toute bassesse. Vous vous êtes trompé sur mon compte. Ah ! s’écria-t-il avec indignation, est-ce bien là la conduite d’un homme dans votre position vis-à-vis d’un homme dans la mienne ? Laissez-moi passer, s’il vous plaît. Moins j’en dirai, mieux cela vaudra.

— Moins vous en direz !… répliqua Jonas, balançant plus que jamais ses jambes, sans prendre garde à cette requête ; avec ça que vous ne dites pas grand’chose, n’est-ce pas ? Je voudrais bien savoir comment cela se passait entre vous et certain vagabond appartenant à ma famille. Pas grand’chose, hein ? qu’en dites-vous ?

— Je ne connais pas de vagabond dans votre famille, s’écria Tom avec force.

— Vous en connaissez ! dit Jonas.

— Je n’en connais pas, dit Tom. Si vous voulez désigner votre oncle, vous pourriez lui donner un autre surnom que celui de vagabond. Toute comparaison entre vous et lui… ajouta Tom en faisant claquer ses doigts, car la colère commençait à le gagner ; toute comparaison entre vous et lui est terriblement à votre désavantage.

— En vérité !… ricana Jonas. Et que pensez-vous, maître Pinch, de sa chère mendiante… de son misérable rogaton ?

— Je ne veux pas dire un mot de plus, ni rester un moment de plus ici.

— Comme je vous l’ai déclaré déjà, dit froidement Jonas, vous êtes un menteur. Vous resterez ici jusqu’à ce que je vous permette de vous en aller. Voulez-vous bien vous tenir tranquille ! »

Il brandit sa canne au-dessus de la tête de Tom ; mais le coup fut évité, la canne se retrouva lancée en l’air, et Jonas lui-même roula dans le fossé. Dans la lutte de quelques moments qui s’engagea pour la possession de la canne, Tom l’avait