Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/78

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respecté parent, pour le disposer à écouter les impulsions de la nature et non les…

— Allez donc, p’pa ! s’écria Mercy.

— Eh bien ! la vérité est, ma chère, dit M. Pecksniff souriant à sa progéniture réunie, que j’ai perdu le mot. Le nom de ces animaux fabuleux, païens, j’ai regret de le dire, qui avaient l’habitude de chanter dans l’eau, ce nom m’a échappé. »

M. Georges Chuzzlewit souffla : « Cygnes. »

« Non, dit M. Pecksniff. Non pas des cygnes. Mais cela ressemble beaucoup à des cygnes. Je vous remercie. »

Le neveu à la figure ébauchée, parlant pour la première et pour la dernière fois, proposa : « Huîtres. »

« Non, dit M. Pecksniff avec son urbanité toute particulière, ce ne sont pas non plus des huîtres. Mais cela ne diffère pas tout à fait des huîtres. Excellente idée ; je vous remercie infiniment, mon cher monsieur. Attendez !… des sirènes. Ah ! mon Dieu ! des sirènes, voilà le mot. Je pense, dis-je, qu’il faudrait trouver un moyen pour disposer notre respecté parent à écouter les impulsions de la nature, et non des fascinations artificieuses comme celle des sirènes. À présent, nous ne devons pas perdre de vue que notre estimable ami a un petit-fils, auquel jusqu’à ces derniers temps il portait beaucoup d’attachement, et que j’eusse voulu voir ici aujourd’hui, car j’ai pour lui une estime réelle et profonde. Un beau jeune homme, un très-beau jeune homme ! Je vous soumettrai, si nous ne réussissons pas à dissiper la méfiance qui éloigne de nous M. Chuzzlewit, et à justifier de notre désintéressement par…

— Si M. Georges Chuzzlewit a quelque chose à me dire, interrompit brusquement la femme forte, je le prie de me le dire franchement et sans détours, au lieu de me regarder moi et mes filles, comme s’il voulait nous avaler.

— Quant à vous regarder, repartit aigrement M. Georges, j’ai entendu dire, mistress Ned, qu’un chien regarde bien un évêque ; en conséquence, moi qui suis par ma naissance un des membres de cette famille, je crois avoir jusqu’à un certain point le droit de regarder une personne qui n’y est entrée que par son mariage. Quant à vous avaler, je demanderai la permission de vous dire, quelque humeur que vous aient donnée vos jalousies et vos mécomptes, que je ne suis pas un cannibale, madame.

— Je n’en sais trop rien ! s’écria la femme forte.

— En tout cas, dit M. Georges Chuzzlewit, très-piqué de