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liques se servent souvent de cette épithète, les coutres tranchans.

Coutre est aussi un nom que l’on donne en plusieurs Eglises à celui qui a soin de sonner les cloches, & de garder les clés de l’Eglise. Templi foribus, ærique campano præpositus.

M. Chasselain remarque fort bien que coûtre est la même chose que custer, ou plutôt Kuster en allemand ; mais ce qu’il ajoûte n’est pas vrai, que ce nom vient de custode ablatif de custos, gardien, & que coûtre est à peu près comme Trésorier ; car Kuster est un mot purement teutonique & franc, & peut être aussi celtique, qui signifie celui qui orne, qui pare, comme il paroît par nos anciens mots accoustrer & accoustrement. Ainsi coûtre est proprement celui qui a soin d’orner, de parer l’Eglise, le Sacristain. Voyez encore Accoustrer. Ménage dans son Hist. de Sablé, Liv. II, c. 3, p. 26, remarque que dans l’original de la fondation du prieuré de Soulesmes on lit custoris, & que dans la liste des Chanoines de la Métropolitaine de Mayence, il y a de même custor pour custos ; & que c’est de là que s’est lait le mot de coûtre pour custos Ecclesiæ dans l’Eglise de Reims ; & dans celle de S. Quentin, pour conservator Ecclesiæ. Il ajoûte, L. IX, c. 8, p. 251, que custor s’est dit pour custos, comme arbor pour arbos ; mais on n’a point terminé en or les noms en os, dans la basse latinité, l’étymologie allemande paroît plus convenable.

COUTREMINE. s. f. C’est la même chose que Casemate.

COUTUMAT, que quelques-uns prononcent Contumat. s. m. Il se dit en Guienne, particulièrement à Bayonne, des lieux où se paye le droit de Coutume.

COUTUME. s. f. train de vie, ou suite d’actions ordinaires, qui étant plusieurs fois répétées donnent une habitude, ou facilité de les faire quand on veut. Consuetudo, mos, usus. La coutume adoucit les choses les plus rudes, & apprivoise jusqu’aux maux. Ablanc. Le péché s’établit par des coutumes qui deviennent des nécessités, & par des complaisances dont on se fait de misérables devoirs. Fléch. Les femmes aiment mieux pleurer par coutume, que se consoler par raison. Malh. Les impressions de la coutume & de l’éducation entraînent la plûpart des hommes, qui ne dogmatisent que sur ces vains fondemens. Nous nous endurcissons à tout par la coutume ; elle endort notre sentiment à la souffrance. Mont. Combien voit-on de Chrétiens courir à l’Eglise, moins par dévotion & par devoir, que par coutume & par bienséance. Fléch. La coutume forme notre train de vie, & diversifie notre nature comme il lui plaît. Mont. La coutume nous entraîne, & nous mettons au rang des vérités les erreurs qui sont devenues publiques. Charp.

Coutume & habitude dans une signification synonime. La coutume a rapport à l’objet ; elle le rend familier. L’habitude a rapport à l’action ; elle la rend facile. La coutume ou l’accoutumance naît de l’uniformité. L’habitude de la répétition.

Ce mot est dérivé à consuetudine, par contraction. Du Cange dit, qu’en la basse latinité on a dit custuma, custumarius, & custumare.

Coutume se dit aussi figurément de ce qui arrive ordinairement aux choses inanimées. Les pierres nouvellement tirées de la carrière, ont coutume de fendre à la gelée. Cette cheminée a coutume de fumer. Les arbres ont coutume de pousser au printemps. Les Rossignols ont coutume de chanter au mois de Mai. Le mot de coutume, quand il se trouve joint au verbe auxiliaire, comme il l’est dans les exemples de cet article, s’exprime en latin par le verbe solere.

On dit absolument, il en use comme de coutume. Il est plus gai que de coutume. Solito lætior.

Coutume se dit aussi des mœurs, des cérémonies, des façons de vivre des peuples qui ont passé en usage, ou en force de loi. Institutum, consuetudo. Les relations des Voyageurs nous apprennent d’étranges coutumes des peuples éloignés. Ils sont préoccupés de la bonté de leurs coutumes, comme nous des nôtres. Philon Juif, dit que Dieu n’a permis la confusion des langues, & la diversité des coutumes, que pour la punition du genre humain. S. Chrysostome compare la coutume aux successions : elle transfère à la postérité un usage héréditaire.

Coutume, presqu’en ce sens, se dit des choses qui étoient d’abord volontaires, & qui sont devenues nécessaires par l’usage. Mos, usus, consuetudo. Les étrennes sont passées en coutume. Les présens qu’on fait aux nouveaux mariés, que font les Officiers à leur réception en des charges, sont dûs, parce qu’ils ont passé en coutume.

☞ Ce que la plus grande partie des gens pratique, dit M. l’Abbé Girard, est un usage. Ce qui s’est pratiqué depuis long temps est une coutume. L’usage paroît être plus universel ; la coutume plus ancienne,

☞ L’usage s’introduit & s’étend. La coutume s’établit & acquiert de l’autorité. Le premier fait la mode, la seconde forme l’habitude. L’un & l’autre sont des espèces de loix, entièrement indépendantes de la raison dans ce qui regarde l’extérieur de la conduite.

☞ Il est quelquefois plus à propos de se conformer à un mauvais usage, que de se distinguer, même par quelque chose de bon. Bien des gens suivent la coutume dans la façon de penser, comme dans le cérémonial ; ils s’en tiennent à ce que leurs meres & leurs nourrices ont pensé avant eux.

Coutume, dans le droit Romain, est un droit non écrit, introduit par l’usage, du tacite consentement de ceux qui s’y sont volontairement soumis ; & cet usage, après avoir été observé pendant un temps considérable a force & autorité de loi. Nam diuturni mores consensu utentium comprobati legem imitantur.

☞ La coutume imite la loi, en ce qu’il lui arrive souvent d’introduire un droit nouveau. Elle interprête la loi, lorsqu’elle lui donne des extensions ou des modifications convenables pour la conserver autant qu’il est possible. Optima legum interpres consuetudo. Elle abroge quelquefois la loi par un non-usage de la loi, & par un usage contraire qui lui succède : non qu’elle soit supérieure à la loi, qui prévaut toujours sur elle dans les jugemens : mais la loi cessant d’être en vigueur & s’anéantissant d’elle-même par un non usage, la coutume qui est reçue en sa place, paroît avoir détruit & abrogé la loi.

☞ Voilà ce que les loix Romaines ont entendu par coutume, & l’autorité qu’elles lui ont donnée. Ce que nous pouvons appliquer à ce que nous appelons usage. Voyez ce mot.

☞ Suivant notre droit François, la coutume est une loi écrite, à laquelle le Roi donne la forme & le caractère de la loi, dont les dispositions sont déterminées & arrêtées par la reconnoissance & le consentement des habitans d’une province.

☞ Ce concours, du consentement du peuple avec l’autorité du Roi pour fixer & déterminer les coutumes & leur donner le caractère de loi, ne porte aucune atteinte à la puissance législative qui réside dans la personne du Souverain, puisque c’est le Prince qui fait la loi, qui nomme les Commissaires, auxquels il donne pouvoir de rédiger par écrit les coutumes, & que les députés des États n’y assistent que pour raison des usages de la province, dans lesquels ces députés demandent au nom des trois ordres d’être maintenus. ☞ Ainsi ce mot coutume signifie proprement le droit particulier ou municipal établi par l’usage en certaines provinces, qui a force de loi depuis qu’il a été rédigé par écrit. Jus municipale, moribus constitutum. Jus antiqui moris. Les coutumes sont souveraines dans leur ressort. Le Mait. Les coutumes sont réelles, & sont renfermées dans les limites de leur territoire. Il y a aussi des coutumes locales, qui sont en usage dans des lieux ou Seigneuries particulières.

La coutume de Normandie est appelée la sage coutume. La coutume de Paris sert de règle pour toutes les autres coutumes quand elles n’ont point de dispositions contraires. Du Moulin, &c. ont com-