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Mais ces trois formes sont toujours restées plus théoriques que pratiques, en ce qui concerne la contexture des mélodies. En réalité, les compositeurs, dans la succession des intervalles du M. mineur, ont depuis trois siècles suivi d’instinct l’antique gamme hypodorienne ou éolienne, en ajoutant la sensible lorsque leur goût ou leurs habitudes semblaient la requérir. La forme ii de la gamme mineure a été surtout employée, dans la musique vocale principalement, pour éviter la seconde augmentée du 6e au 7e degré, intervalle que les chanteurs avaient plus de peine à donner que la seconde majeure. Sous cette forme, le mineur ne semble ainsi différer du majeur que par l’accord du 1er degré, à la tierce mineure, et le M. ainsi constitué se comporte en tout comme le majeur, dont il n’apparaît ainsi que comme une variété.

De même qu’au xviie s. le système du M. majeur fut adopté contre une réaction contre la pluralité des M., incompatible avec les développements de l’art harmonique, de même, à l’époque actuelle, se dessine une réaction contre l’autocratie du M. majeur, dont les combinaisons paraissent épuisées. Déjà quelques musiciens du xviiie s. s’inquiétaient de l’étroitesse des limites fixées. Blainville, en 1751, proposa l’essai d’un « M. mixte », ou « 3e M. », ajouté aux M. majeur et mineur, qui était le M. de mi, dit M. phrygien, du système modal ecclésiastique ; il repoussait d’ailleurs l’idée d’établir d’autres M. sur chaque degré de la gamme diatonique, ce qui eût été simplement un retour aux traditions antiques et médiévales abandonnées. De nos jours, les tentatives de création de M. nouveaux ou d’adoption de M. empruntés au folklore ou aux musiques exotiques, sont nombreuses. (Voy. les exemples cités aux articles Chromatisme, Enharmonisme, Exotisme, Gamme.) * D’ailleurs, l’exemple donné par certaines musiques populaires, à l’étude desquelles les musiciens reviennent avec intérêt permet de constater la permanence d’anciens M., et aide à les faire revivre. Les mélodies bretonnes, par exemple, non seulement du vieux fonds traditionnel, mais encore improvisées de nos jours par les chanteurs populaires, offrent de très fréquents et notables spécimens de M. antiques, soit que ceux-ci représentent, comme le veulent quelques-uns, une survivance de l’ancienne musique celtique, soit plutôt que ces affinités se soient développées, dans des pays d’intense pratique religieuse, par l’usage suivi et quotidien des mélodies grégoriennes de la liturgie.

Les M. antiques ont connu aussi des formes chromatiques et enharmoniques, n’ayant d’ailleurs rien de commun avec ce que la théorie en usage depuis quatre siècles nomme ainsi. N’ayant laissé que très peu de traces dans le chant ecclésiastique occidental, d’où l’enharmonisme a disparu depuis le xie s., ces formes se sont perpétuées et amplifiées dans la musique byzantine et dans les arts voisins, ou dérivés, des Perses, des Arméniens, des Arabes et des Turcs. La base du chromatisme antique consiste dans la modification du 3e ton d’un tétracorde ; l’enharmonisme consistait à diviser le demi-ton en deux quarts de ton, en excluant, à l’époque archaïque, la tierce :

Tétracorde dorien

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      la1(_\markup { \italic "Chromatique I." } sold) fa( mi) \bar "||" \break
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      s8 
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      \bar "||" s4
      \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
      la1_\markup { \hspace #-2 { \italic "II." }} solb( fa!) mi \bar "||"
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    }
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    }
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  }
  \midi { }
}
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Il est hors de propos de parler ici des diverses variétés de ces genres, qui n’ont point laissé de trace dans notre musique classique. || 2. Au moyen âge, xiiie et xive s., les M., ou Modus, plur. modi, appelés aussi maneries, sont des formules rythmiques formant 2 groupes principaux, les M. à 2 et les M. à 3 éléments, qu’on aurait tort d’assimiler aux principes binaire et ternaire : leur classification et leur construction, qui repose sur les souvenirs de la métrique ancienne, a varié selon l’époque et selon les auteurs, de telle sorte qu’il est essentiel, pour tenter l’interprétation d’un document noté, d’en observer la date et la provenance. Dans les œuvres des troubadours et des trouvères, Beck distingue deux sortes de M. à 2 éléments, tous deux ternaires et formés de la succession d’une longue de deux temps et d’une brève de un temps : dans le 1er M., la longue précède la brève, ce qui répond au pied trochaïque des anciens │blanchenoire │blanchenoire │blanchenoire dans le 2e M., la brève précède la longue (pied iambique) │noireblanche │noireblanchenoire │blanche │. Le 3e M. à 3 éléments, est formé d’une longue parfaite de 3 temps, une brève de 1 temps et une « brebis altera » de