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SUR DEUX MÉMOIRES DE D’ALEMBERT.

leur vie, à tel jeu et sous telles conditions ; quelles doivent être leurs mises ?

Alors il faut trouver l’expression moyenne de la durée d’un coup. Jeune, on joue plus vite que vieux, le matin plus vite que sur la fin du jour. Ceci est un travail : on ne peut guère jouer que le temps qu’on travaillerait. Tout défalqué, le temps donné au repos et aux besoins et pris par les distractions et les maladies, le reste du jour qu’on emploie ou à un travail ou à un jeu continu sera peu de chose.

Il faut avoir la durée probable de la vie du plus âgé, car il faut qu’ils vivent tous les deux, il faut qu’ils aient chacun la plus grande somme qu’il soit possible de perdre à ce jeu.

Mais si la condition est de jouer toute la vie, je ne sais si l’expression du temps ne sera pas une quantité variable, car à chaque coup perdu ou gagné il faudra recommencer, et alors autres valeurs de la durée d’un coup, du jeu, de la vie, des mises, et puis qui sait si cette expression deux joueurs jouent ne restera pas illimitée ; ne supposera pas un état permanent et éternel, et si la question ne rentrera pas encore, par ce côté, dans la classe des abstractions ? Je soupçonne cette expression jouent dont on fait peut-être un état permanent dans la solution, et qui est un état momentané dans l’application, d’être en partie la cause de toutes ces différences que M. d’Alembert établit entre les coups successifs et les coups mêlés, car on n’a pas sitôt étendu la durée à l’infini que cette différence disparaît, et elle diminue à mesure que le nombre des coups ou que la notion de la durée du jeu s’accroît ; c’est une considération qui vaut la peine qu’on s’y arrête. Quand on dit dans l’énoncé d’un problème A et B jouent, peut-être suppose-t-on ou qu’ils jouent toujours ou qu’ils ne jouent qu’un seul coup.

M. d’Alembert dit que, dans le nombre des cas, celui où pile arrive toujours, et croix jamais, s’y trouve comme un autre… Oui, comme un autre qu’on spécifie pareillement. Or, pour amener un coup spécifié entre une infinité d’autres coups différents, il faut une infinité de jets ; une durée infinie, et les joueurs A et B ne peuvent plus être des hommes.

M. d’Alembert dit que si l’on prétend que croix arrive après un certain nombre de coups, au moins ce nombre est indéterminé et que quelque somme qu’on assigne à l’enjeu de Pierre