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LETTRE SUR LES ATLANTIQUES

trouver entre la mer Rouge et la Palestine quelque temple fameux dédié à l’Hercule de la Phénicie. Or l’histoire nous apprend qu’il y en avait un ; elle fait même mention des colonnes de ce temple, et il est écrit que le partage de Gadir, l’un des chefs Atlantiques, commençait à l’extrémité de la contrée, et s’étendait jusqu’aux colonnes d’Hercule ; l’embouchure du Nil voisine de ces colonnes s’appelait même l’embouchure herculéenne. Voilà donc d’autres colonnes d’Hercule que les nôtres et M. Baer bien joyeux[1].

Les prêtres de Saïs dirent assez impoliment à Solon : « Vous autres Grecs vous n’êtes que des enfants, et il n’y a jamais eu un Grec vieillard. L’Atlantide, avant l’arrivée des Atlantiques, était occupée par vos ancêtres qui furent le reste d’un petit nombre d’hommes échappés à une grande calamité ; c’était la patrie commune des Athéniens et des Égyptiens. La contrée voisine du fleuve Eridanus et de la ville Elissus fut submergée, et là il se forma un lac bourbeux, innavigable et dont les exhalaisons sont mortelles. Vous ne savez pas cela parce que, malgré votre vanité, vous n’êtes que des ignorants. »

Et M. Baer qui a écouté avec une avidité incroyable ce discours des prêtres de Saïs, dit : « Qu’est-ce que cette grande calamité, sinon le fer destructeur des Israélites ? Et ce lac bourbeux, innavigable et dont les exhalaisons sont mortelles, sinon le lac de Sodome et de Gomorrhe ou Asphaltite ? Et ce fleuve Eridanus, sinon le Jordanus en changeant seulement la tête ? Et cette ville Elissus dont Solon a fait le nom du verbe grec elisso, je coule, sinon la ville de Gilgal dont le nom signifie en hébreu roue, et qui fut située sur la rive du Jourdain, proche de la mer Morte ? » Que j’aime ces prêtres de Saïs qui disent des choses si dures et si bien placées aux Grecs, et qui suggèrent de si belles conjectures à M. l’aumônier de la chapelle de Suède !

Mais ce n’est pas tout. L’Atlantide avait, selon Platon et son interlocuteur, Critias, 3,000 stades en longueur, sur 2,000 en largeur vers la mer ; elle s’étendait du nord au midi ; elle était au nord bordée de montagnes ; sa forme était presque carrée, mais plus longue que large.

  1. C’est ici que finit la première lettre dans la Correspondance inédite de Grimm.