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ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE.

Il faut au cerveau, pour penser, des objets comme il en faut à l’œil pour voir.

Cet organe, aidé de la mémoire, a beau mêler, confondre, combiner et créer des êtres fantastiques, ces êtres existent épars.

Le cerveau n’est donc qu’un organe comme un autre et il a sa fonction particulière. Ce n’est même qu’un organe secondaire qui n’entrerait jamais en action sans l’entremise des autres organes.

Il est sujet à tous les vices des autres organes, il est vif ou obtus comme eux.

Il est paralysé dans les imbéciles : les témoins sont sains, le juge est nul.

Les objets agissent sur les sens ; la sensation dans l’organe a de la durée ; les sens agissent sur le cerveau, cette action a de la durée. Aucune sensation n’est simple ni momentanée, c’est, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, c’est un faisceau. De là naît la pensée et le jugement.

Mais s’il est impossible que la sensation soit simple, il est impossible que la pensée le soit ; elle le devient par abstraction, mais cette abstraction est si prompte, si habituelle que nous ne nous en apercevons pas.

Ce qui ajoute à notre erreur, ce sont les mots qui, tous pour la plupart, désignent une sensation simple.

Le cerveau n’est qu’un organe sécrétoire. L’état des fibrilles blanches répandues dans la substance du sensorium commune, de la fibre nerveuse, de la fibrille et de la fibre organique, varie selon la qualité de la sécrétion, et cette sécrétion est rare ou épaisse, pure ou impure, pauvre ou riche. Et de là, prodigieuse diversité des esprits et des caractères.

La pression des petites fibrilles blanches répandues dans la substance du cerveau amène la cessation de tout mouvement, de toute sensation, l’anéantissement, l’état de mort.

Piquez, irritez, comprimez le cerveau, il s’ensuivra ou la convulsion ou la paralysie des nerfs et des muscles.

Piquez, irritez, comprimez les nerfs, et vous transférerez la paralysie ou la convulsion au cerveau. Les nerfs forment avec le cerveau un tout semblable au bulbe et à ses racines filamenteuses.