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ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE.

Association fausse et capricieuse de l’idée du plaisir avec l’idée de beauté. Je suis si heureux entre les bras de cette femme ! donc elle est belle, donc il faut avoir l’œil comme elle l’a, la bouche comme elle l’a pour me rendre aussi heureux ; sophisme du plaisir.

Nous raisonnons de ses défauts comme de ceux d’un grand homme ; s’il n’était pas jaloux, fou, vain, capricieux, il ne serait pas ce génie[1].

Il s’établit une nécessité de cause et d’effet, et cette nécessité une fois présupposée, les défauts essentiels à la production du bel effet cessent d’être des défauts.

Le fumier perd sa qualité dégoûtante considéré comme le principe de la fécondité de la terre.

Les violents accès des passions peuvent dépraver les liqueurs. Témoin cet homme dont il est parlé dans les Mélanges des curieux de la Nature, année 1706, qui, dans le transport de la colère, se mordit lui-même et devint enragé[2].

Il y a les peines et les plaisirs de réminiscence ; les passions de réminiscence.

Les passions de réminiscence ont quelquefois produit à de longs intervalles des effets, inspiré des projets, entraîné à des procédés qu’elles n’avaient point occasionnés au moment où elles avaient été excitées. Ce qui porterait à croire que la mémoire d’une injure a plus d’effet que l’injure, et que le ressentiment est plus dangereux que la colère.

L’injure s’aggrave par la mémoire au delà de son effet au moment où on l’éprouve ; on se persuade qu’on ne s’est pas assez fâché et l’on se fâche trop.

Pourquoi sommes-nous plus susceptibles de douleur que de plaisir ou plus sensibles à la douleur ? C’est que la douleur agite les brins du faisceau d’une manière violente et destructive, et que le plaisir au contraire ne les tiraille pas jusqu’à les blesser, ou que, quand cela arrive, le plaisir se change en douleur.

L’un et l’autre.

De la sensation actuelle. — De la pensée. — De la mémoire.

  1. Voltaire.
  2. Il y a encore là, certainement, une observation incomplète et par conséquent fausse.