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ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE.

L’imagination dispose des sens : de l’œil, en montrant des objets où ils ne sont pas ; du goût, du toucher, de l’oreille.

Par l’application un peu forte, elle réalise au loin, sans rêver. C’est ainsi qu’un enfant fit voir sur un toit un serpent à tout un collège.

En rêve, ce sont les sens qui disposent de l’imagination par la sympathie des organes et par la sympathie des objets.

La nature n’a fait qu’un assez petit nombre d’êtres qu’elle a variés à l’infini ; peut-être qu’un seul, par la combinaison, mixtion, dissolution duquel tous les autres ont été formés.

Images, idée fausse[1], puisqu’on peut ôter une portion de la cervelle et laisser l’imagination intacte et la mémoire.

Si l’on y fait bien attention, on trouvera que ces tableaux nous semblent hors de nous, à une distance plus ou moins grande. On trouvera que nous les voyons, ces tableaux imaginaires, précisément comme nous voyons avec nos yeux les tableaux réels, avec une sensation forte des parties et une moindre sensation du tout et de l’ensemble.

On trouvera que les images du rêve sont très-souvent plus voisines et plus fortes que les images réelles.

On trouvera que les images réveillées dans le cerveau par l’agitation des organes sont aussi plus fortes que les images réveillées par l’agitation du cerveau même ; il est plus grand peut-être quand il est passif qu’il ne l’est quand il est actif. On peut suivre mon hypothèse ; le rêve qui monte est plus vif que le rêve qui descend.

J’ai une autre idée de l’imagination, c’est la faculté de se peindre les objets absents comme s’ils étaient présents.

C’est la faculté d’emprunter des objets sensibles des images qui servent de comparaison.

C’est la faculté d’attacher à un mot abstrait un corps.

Il est possible que l’imagination nous fasse un bonheur plus grand que la jouissance.

Un amant sans imagination désire sa maîtresse, mais il ne

  1. Diderot nous paraît répondre ici à la supposition qui explique la mémoire par la persistance et l’imagination par l’impression actuelle d’une image sur la substance même du cerveau. Il se ralliera cependant tout à l’heure à cette supposition ou, tout au moins, ne rendra pas un compte suffisant des différences qui l’éloignent de sa vraie manière de concevoir ces phénomènes.