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de douleur & d’affliction : on n’entendoit de tous côtés que des pleurs & des gémissemens ; les femmes qui étoient les ministres de ce culte, étoient obligées de se raser la tête, & de se battre la poitrine en courant les rues. L’impie superstition obligeoit celles qui refusoient d’assister à cette cérémonie, à se prostituer pendant un jour, pour employer au culte du nouveau Dieu, l’argent qu’elles gagnoient à cet infame commerce. Au dernier jour de la fête, le deuil se changeoit en joie, & chacun la témoignoit comme si Adonis eût été ressuscité : la premiere partie de cette solemnité s’appelloit ἀφανισμὸς, pendant laquelle on pleuroit le Prince mort ; & la deuxieme εὔρεσις, le retour, où la joie succédoit à la tristesse. Cette cérémonie duroit huit jours, & elle étoit célébrée en même tems dans la basse Egypte. Alors, dit encore Lucien qui en avoit été témoin, les Egyptiens exposoient sur la mer un panier d’osier, qui étant poussé par un vent favorable, arrivoit de lui-même sur les côtes de Phénicie, où les femmes de Byblos, qui l’attendoient avec impatience, l’emportoient dans la Ville, & c’étoit alors que l’affliction publique faisoit place à une joie universelle ». S. Cyrille dit qu’il y avoit dans ce petit vaisseau des lettres par lesquelles les Egyptiens exhortoient les Phéniciens à se réjoüir, parce qu’on avoit retrouvé le Dieu qu’on pleuroit. Meursius a prétendu que ces deux différentes cérémonies faisoient deux fêtes distinctes qui se célébroient à différens tems de l’année, & à six mois l’une de l’autre, parce qu’on croyoit qu’Adonis passoit la moitié de l’année avec Proserpine, & l’autre moitié avec Venus. Les Juifs voisins de la Phénicie & de l’Egypte, & enclins à l’idolatrie, adopterent aussi ce culte d’Adonis. La vision du Prophete Ezechiel, où Dieu lui montre des femmes voluptueuses assises dans le Temple, & qui pleuroient Adonis, & ecce ibi sedebant mulieres plangentes Adonidem, ne permet pas de douter qu’ils ne fussent adonnés à cette superstition. Mém. de l’Acad. des Belles-Lettres. (G)

ADONIQUE ou ADONIEN, adject. (Poës.) sorte de vers fort court, usité dans la poësie Greque & Latine. Il n’est composé que de deux piés, dont le premier est un dactyle, & le second un spondée ou trochée, comme rara juventus.

On croit que son nom vient d’Adonis, favori de Venus, parce que l’on faisoit grand usage de ces sortes de vers dans les lamentations ou fêtes lugubres qu’on célébroit en l’honneur d’Adonis. V. Adonies ou Adoniennes. Ordinairement on en met un à la fin de chaque strophe de vers sapphiques, comme dans celle-ci :

Scandit æratas vitiosa naves
Cura, nec turmas equitum relinquit,
Ocyor cervis & agente nimbos
Ocyor euro. Horat.

Aristophane en entremêloit aussi dans ses comédies avec des vers anapestes. Voyez Anapeste & Saphique. (G)

* Adonis, s. f. (Jardinage.) sorte de renoncule, qui a la feuille de la camomille ; sa fleur est en rose, ses semences sont renfermées dans des capsules oblongues. On en distingue deux especes.

Ray attribue à la graine d’adonis hortensis, flore minore, atro, rubente, la vertu de soulager dans la pierre & dans la colique.

Et mêlée à l’adonis ellebori radice, buphthalmi flore, de tenir la place de l’ellébore même dans les compositions médicinales.

ADOPTIENS, s. m. pl. (Théolog.) hérétiques du huitieme siecle, qui prétendoient que Jesus-Christ,

en tant qu’Homme, n’étoit pas fils propre ou fils naturel de Dieu, mais seulement son fils adoptif.

Cette secte s’éleva sous l’empire de Charlemagne vers l’an 783, à cette occasion. Elipand, Archevêque de Tolede, ayant consulté Felix, Evêque d’Urgel, sur la filiation de Jesus-Christ, celui-ci répondit que Jesus-Christ, en tant que Dieu, est véritablement & proprement fils de Dieu, engendré naturellement par le Pere ; mais que Jesus-Christ, en tant qu’Homme ou fils de Marie, n’est que fils adoptif de Dieu ; décision à laquelle Elipand souscrivit.

On tint en 791 un Concile à Narbonne, où la cause des deux évêques Espagnols fut discutée, mais non décidée. Felix ensuite se rétracta, puis revint à ses erreurs ; & Elipand de son côté ayant envoyé à Charlemagne une profession de foi, qui n’étoit pas orthodoxe, ce Prince fit assembler un Concile nombreux à Francfort en 794, où la doctrine de Felix & d’Elipand fut condamnée, de même que dans celui de Forli de l’an 795, & peu de tems encore après dans le Concile tenu à Rome sous le Pape Leon III.

Felix d’Urgel passa sa vie dans une alternative continuelle d’abjurations & de reohûtes, & la termina dans l’hérésie ; il n’en fut pas de même d’Elipand.

Geoffroi de Clairvaux impute la même erreur à Gilbert de la Porée ; & Scot & Durand semblent ne s’être pas tout-à-fait assez éloignés de cette opinion. Wuitasse, Trait. de l’Incarn. part. II. quest. viij. art. i. pag. 216. & suiv. (G)

ADOPTIF, adj. (Jurisprudence.) est la personne adoptée par une autre. Voyez Adoption.

Les enfans adoptifs, chez les Romains, étoient considérés sur le même pié que les enfans ordinaires, & ils entroient dans tous les droits que la naissance donne aux enfans à l’égard de leurs peres. C’est pourquoi il falloit qu’ils fussent institués héritiers ou nommément deshérités par le pere, autrement le testament étoit nul.

L’Empereur Adrien préféroit les enfans adoptifs aux enfans ordinaires, par la raison, disoit-il, que c’est le hasard qui nous donne ceux-ci, au lieu que c’est notre propre choix qui nous donne les autres.

M. Menage a publié un Livre d’éloges ou de vers adressés à cet Empereur, intitulé Liber adoptivus, auquel il a joint quelques autres ouvrages. Heinsius & Furstemberg de Munster ont aussi publié des Livres adoptifs. (H)

ADOPTION, s. f. (Jurisprud. Hist. anc. mod.) est un acte par lequel un homme en fait entrer un autre dans sa famille, comme son propre fils, & lui donne droit à sa succession en cette qualité.

Ce mot vient de adoptare qui signifie la même chose en latin ; d’où on a fait dans la basse latinité adobare, qui signifie faire quelqu’un chevalier, lui ceindre l’épée ; d’où est venu aussi qu’on appelloit miles adobatus un chevalier nouvellement fait ; parce que celui qui l’avoit fait chevalier étoit censé en quelque façon l’avoir adopté. Voyez Chevalier.

Parmi les Hébreux on ne voit pas que l’adoption proprement dite ait été en usage. Moyse n’en dit rien dans ses lois ; & l’adoption que Jacob fit de ses deux petits-fils Ephraïm & Manassé n’est pas proprement une adoption, mais une espece de substitution par laquelle il veut que les deux fils de Joseph ayent chacun leur lot dans Israel, comme s’ils étoient ses propres fils : Vos deux fils, dit-il, seront à moi ; Ephraim & Manassé seront réputés comme Ruben & Simeon : mais comme il ne donne point de partage à Joseph leur frere, toute la grace qu’il lui fait, c’est qu’au lieu d’une part qu’il auroit eu à partager entre Ephraim & Manassé, il lui en donne deux ; l’effet de cette adoption ne tomboit que sur l’accroissement de biens & de partage entre les enfans de Joseph. Genese xlviij. 5. Une autre espece d’adoption usitée dans Israel,