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consistoit en ce que le frere étoit obligé d’épouser la veuve de son frere décédé sans enfans, ensorte que les enfans qui naissoient de ce mariage étoient censés appartenir au frere défunt, & portoient son nom ; pratique qui étoit en usage avant la Loi, ainsi qu’on le voit dans l’histoire de Thamar. Mais ce n’étoit pas encore la maniere d’adopter connue parmi les Grecs & les Romains. Deut. xxv. 5. Ruth. iv. Matth. xxij. 24. Gen. xviij. La fille de Pharaon adopta le jeune Moyse, & Mardochée adopta Esther pour sa fille. On ignore les cérémonies qui se pratiquoient dans ces occasions, & jusqu’où s’étendoient les droits de l’adoption : mais il est à présumer qu’ils étoient les mêmes que nous voyons dans les lois Romaines ; c’est-à-dire, que les enfans adoptifs partageoient & succédoient avec les enfans naturels ; qu’ils prenoient le nom de celui qui les adoptoit, & passoient sous la puissance paternelle de celui qui les recevoit dans sa famille. Exode II. 10. Esther II. 7. 26.

Par la passion du Sauveur, & par la communication des mérites de sa mort qui nous sont appliqués par le baptême, nous devenons les enfans adoptifs de Dieu, & nous avons part à l’héritage céleste. C’est ce que S. Paul nous enseigne en plusieurs endroits. Vous n’avez pas reçu l’esprit de servitude dans la crainte, mais vous avez reçû l’esprit d’adoption des enfans par lequel vous criez, mon pere, mon pere. Et : Nous attendons l’adoption des enfans de Dieu. Et encore : Dieu nous a envoyé son fils pour racheter ceux qui étoient sous la Loi, afin que nous recevions l’adoption des enfans. Rom. viij. 15. & 23. Galat. iv. 4. & 5.

Parmi les Musulmans la cérémonie de l’adoption se fait en faisant passer celui qui est adopté par dedans la chemise de celui qui l’adopte. C’est pourquoi pour dire adopter en Turc, on dit faire passer quelqu’un par sa chemise ; & parmi eux un enfant adoptif est appellé abiet ogli, fils de l’autre vie, parce qu’il n’a pas été engendré en celle-ci. On remarque parmi les Hébreux quelque chose d’approchant. Élie adopte le Prophete Élisée, & lui communique le don de prophétie, en le revêtant de son manteau : Elias misit pallium suum super illum : & quand Élie fut enlevé dans un chariot de feu, il laissa tomber son manteau, qui fut relevé par Élisée son disciple, son fils spirituel & son successeur dans la fonction de Prophete. D’Herbelot, Bibliot. orient. page 47. III. Reg. xix. 19. IV. Reg. xi. 15.

Moyse revêt Éleasar des habits sacrés d’Aaron, lorsque ce Grand-Prêtre est prêt de se réunir à ses peres, pour montrer qu’Eleazar lui succédoit dans les fonctions du Sacerdoce, & qu’il l’adoptoit en quelque sorte pour l’exercice de cette dignité. Le Seigneur dit à Sobna Capitaine du Temple, qu’il le dépouillera de sa dignité, & en revêtira Éliacim fils d’Helcias. Je le revêtirai de votre tunique, dit le Seigneur, & je le ceindrai de votre ceinture, & je mettrai votre puissance dans sa main. S. Paul en plusieurs endroits dit que les Chrétiens se sont revêtus de Jesus-Christ, qu’ils se sont revêtus de l’homme nouveau, pour marquer l’adoption des enfans de Dieu dont ils sont revêtus dans le baptéme ; ce qui a rapport à la pratique actuelle des Orientaux. num. xx. 26. Isaie xxij. 21. Rom. xiij. Galat. iij. 26. Ephes. iv. 14. Coloss. iij. 10. Calmet, Dictionn. de la Bible, tome 1. lettre A. page 62. (G)

La coûtume d’adopter étoit très-commune chez les anciens Romains, qui avoient une formule expresse pour cet acte : elle leur étoit venue des Grecs, qui l’appelloient υἵωσις, filiation. Voyez Adoptif.

Comme l’adoption étoit une espece d’imitation de la Nature, inventée pour la consolation de ceux qui n’avoient point d’enfans, il n’étoit pas permis aux Eunuques d’adopter, parce qu’ils étoient dans l’impuissance actuelle d’avoir des enfans. V. Eunuque.

Il n’étoit pas permis non plus d’adopter plus âgé

que soi ; parce que c’eût été renverser l’ordre de la Nature : il falloit même que celui qui adoptoit eût au moins dix-huit ans de plus que celui qu’il adoptoit, afin qu’il y eût du moins possibilité qu’il fût son pere naturel.

Les Romains avoient deux sortes d’adoption ; l’une qui se faisoit devant le Préteur ; l’autre par l’assemblée du peuple, dans le tems de la République ; & dans la suite par un Rescrit de l’Empereur.

Pour la premiere, qui étoit celle d’un fils de famille, son pere naturel s’adressoit au Préteur, devant lequel il déclaroit qu’il émancipoit son fils, se dépouilloit de l’autorité paternelle qu’il avoit sur lui, & consentoit qu’il passât dans la famille de celui qui l’adoptoit. Voyez Emancipation.

L’autre sorte d’adoption étoit celle d’une personne. qui n’étoit plus sous la puissance paternelle, & s’appelloit adrogation. Voyez Adrogation.

La personne adoptée changeoit de nom & prenoit le prénom, le nom, & le surnom de la personne qui l’adoptoit. Voyez Nom.

L’adoption ne se pratique pas en France. Seulement il y a quelque chose qui y ressemble, & qu’on pourroit appeller une adoption honoraire : c’est l’institution d’un héritier universel, à la charge de porter le nom & les armes de la famille.

Les Romains avoient aussi cette adoption testamentaire : mais elle n’avoit de force qu’autant qu’elle étoit confirmée par le peuple. Voyez Testament.

Dans la suite il s’introduisit une autre sorte d’adoption, qui se faisoit en coupant quelques cheveux à la personne, & les donnant à celui qui l’adoptoit.

Ce fut de cette maniere que le Pape Jean VIII. adopta Boson, Roi d’Arles ; exemple unique, peut-être, dans l’Histoire, d’une adoption faite par un ecclésiastique ; l’usage de l’adoption établi à l’imitation de la Nature ; ne paroissant pas l’autoriser dans des personnes à qui ce seroit un crime d’engendrer naturellement des enfans.

M. Boussac, dans ses Noctes Theologicæ, nous donne plusieurs formes modernes d’adoption, dont quelques-unes se faisoient au baptême, d’autres par l’épée. (H)

La demande en adoption nommée adrogatio étoit conçue en ces termes : Velitis, jubeatis uti L. Valerius Lucio Titio tam lege jureque filius sibi siet, quàm si ex eo patre matreque familias ejus natus esset ; utique ei vitæ necisque in eum potestas siet uti pariundo filio est. Hoc ità, ut dixi, ità vos ; Quirites, rogo. Dans les derniers tems les adoptions se faisoient par la concession des Empereurs. Elles se pratiquoient encore par testament. In imâ cerâ C. Octavium in familiam nomenque adoptavit. Les fils adoptifs prenoient le nom & le surnom de celui qui les adoptoit ; & comme ils abandonnoient en quelque sorte la famille dont ils étoient nés, les Magistrats étoient chargés du soin des dieux Pénates de celui qui quittoit ainsi sa famille pour entrer dans une autre. Comme l’adoption faisoit suivre à l’enfant adoptif la condition de celui qui l’adoptoit, elle donnoit aussi droit au pere adoptif sur toute la famille de l’enfant adopté. Le Sénat au rapport de Tacite condamna & défendit des adoptions feintes dont ceux qui prétendoient aux Charges avoient introduit l’abus afin de multiplier leurs cliens & de se faire élire avec plus de facilité. L’adoption étoit absolument interdite à Athenes en faveur des Magistrats avant qu’ils eussent rendu leurs comptes en sortant de charge. (G & H)

* ADOR & ADOREA, (Myth.) gâteaux faits avec de la farine & du sel, qu’on offroit en sacrifice ; & les sacrifices s’appelloient adorea sacrificia.

ADORATION, s. f. (Théol.) l’action de rendre à un être les honneurs divins. Voyez Dieu.

Ce mot est formé de la préposition Latine ad & de