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celui de la même quantité d’air dans la plus grande chaleur de l’été comme 6 à 7.

Lorsque l’air se trouve en liberté & délivré de la cause qui le comprimoit, il prend toûjours une figure sphérique dans les interstices des fluides où il se loge, & dans lesquels il vient à se dilater. Cela se voit lorsqu’on met des fluides sous un récipient dont on pompe l’air : car on voit d’abord paroître une quantité prodigieuse de bulles d’air d’une petitesse extraordinaire, & semblables à des grains de sable fort menus, lesquelles se dispersent dans toute la masse du fluide & s’élevent en-haut. Lorsqu’on tire du récipient une plus grande quantité d’air, ces bulles se dilatent davantage, & leur volume augmente à mesure qu’elles s’élevent, jusqu’à ce qu’elles sortent de la liqueur, & qu’elles s’étendent librement dans le récipient.

Mais ce qu’il y a sur-tout de remarquable, c’est que dans tout le trajet que font alors ces bulles d’air, elles paroissent toûjours sous la forme de petites spheres.

Lorsqu’on met dans la liqueur une plaque de métal, & qu’on commence à pomper, on voit la surface de cette plaque couverte de petites bulles ; ces bulles ne sont autre chose que l’air qui étoit adhérent à la surface de la plaque, & qui s’en détache peu-à-peu. Voyez Adhérence & Cohésion.

On n’a rien négligé pour découvrir jusqu’à quel point l’air peut se dilater lorsqu’il est entierement libre, & qu’il ne se trouve comprimé par aucune force extérieure. Cette recherche est sujette à de grandes difficultés, parce que notre atmosphere est composée de divers fluides élastiques, qui n’ont pas tous la même force ; par conséquent, si l’on demandoit combien l’air pur & sans aucun mêlange peut se dilater, il faudroit pour répondre à cette question, avoir premierement un air bien pur ; or c’est ce qui ne paroît pas facile. Il faut ensuite savoir dans quel vase & comment on placera cet air, pour faire ensorte que ses parties soient séparées, & qu’elles n’agissent pas les unes sur les autres. Aussi plusieurs Physiciens habiles désesperent-ils de pouvoir arriver à la solution de ce problème. On peut néanmoins conclurre, selon M. Musschenbroek, de quelques expériences assez grossieres, que l’air qui est proche de notre globe, peut se dilater jusqu’à occuper un espace 4000 fois plus grand que celui qu’il occupoit. Mussch.

M. Boyle, dans plusieurs expériences, l’a dilaté une premiere fois jusqu’à lui faire occuper un volume neuf fois plus considérable qu’auparavant ; ensuite il lui a fait occuper un espace 31 fois plus grand ; après cela il l’a dilaté 60 fois davantage ; puis 150 fois ; enfin il prétend l’avoir dilaté 8000 fois davantage, ensuite 10000 fois, & en dernier lieu 13679 fois, & cela par sa seule vertu expansive, & sans avoir recours au feu. Voyez Raréfaction.

C’est sur ce principe que se regle la construction & l’usage du Manometre. Voyez Manometre.

Il conclut de-là que l’air que nous respirons près de la surface de la terre est condensé par la compression de la colonne supérieure en un espace au moins 13679 fois plus petit que celui qu’il occuperoit dans le vuide. Mais si ce même air est condensé par art, l’espace qu’il occupera lorsqu’il le sera autant qu’il peut l’être, sera à celui qu’il occupoit dans ce premier état de condensation, comme 550000 est à 1. Voyez Dilatation.

L’on voit par ces différentes expériences, qu’Aristote se trompe lorsqu’il prétend que l’air rendu dix fois plus rare qu’auparavant, change de nature & devient feu.

M. Amontons & d’autres, comme nous l’avons

déjà observé, font dépendre la raréfaction de l’air du feu qu’il contient : ainsi en augmentant le degré de chaleur, la raréfaction sera portée bien plus loin qu’elle ne pourroit l’être par une dilatation spontanée. Voyez Chaleur.

De ce principe se déduit la construction & l’usage du Thermometre. Voyez Thermometre.

M. Amontons est le premier qui ait découvert que plus l’air est dense, plus avec un même degré de chaleur il se dilatera. Voyez Densité.

En conséquence de cette découverte, cet habile Académicien a fait un discours pour prouver que « le ressort & le poids de l’air joints à un degré de chaleur moderé, peuvent suffire pour produire même des tremblemens de terre, & d’autres commotions très-violentes dans la nature ».

Suivant les expériences de cet Auteur, & celles de M. de la Hire, une colonne d’air sur la surface de la terre, de la hauteur de 36 toises, est égale au poids de trois lignes de mercure ; & des quantités égales d’air occupent des espaces proportionnels aux poids qui les compriment. Ainsi le poids de l’air qui rempliroit tout l’espace occupé par le globe terrestre, seroit égal à celui d’un cylindre de mercure, dont la base égaleroit la surface de la terre, & qui auroit en hauteur autant de fois trois lignes que toute l’atmosphere contient d’orbes égaux en poids à celui que nous avons supposé haut de 36 toises. Donc en prenant le plus dense de tous les corps, l’or par exemple, dont la gravité est environ 14630 fois plus grande que celle de l’air que nous respirons ; il est aisé de trouver par le calcul que cet air seroit réduit à la même densité que l’or, s’il étoit pressé par une colonne de mercure qui eût 14630 fois 28 pouces de haut, c’est-à-dire 409640 pouces ; puisque les densités de l’air en ce cas seroient en raison directe des poids par lesquels elles seroient pressées. Donc 409640 pouces expriment la hauteur à laquelle le barometre devroit être dans un endroit où l’air seroit aussi pesant que l’or, & lignes l’épaisseur à laquelle seroit réduite dans ce même endroit notre colonne d’air de 36 toises.

Or nous savons que 409640 pouces ou 43528 toises ne sont que la 74e partie du demi-diametre de la terre. Donc si au lieu de notre globe terrestre, on suppose un globe de même rayon, dont la partie extérieure soit de mercure à la hauteur de 43538t. & l’intérieure pleine d’air, tout le reste de la sphere dont le diametre sera de 6451538t. sera rempli d’un air dense plus lourd par degré que les corps les plus pesans que nous ayons. Conséquemment, comme il est prouvé que plus l’air est comprimé, plus le même degré de feu augmente la force de son ressort & le rend capable d’un effet d’autant plus grand ; & que, par exemple, la chaleur de l’eau bouillante augmente le ressort de notre air au-delà de sa force ordinaire d’une quantité égale au tiers du poids avec lequel il est comprimé ; nous en pouvons inférer qu’un degré de chaleur qui dans notre orbe ne produiroit qu’un effet modéré, en produiroit un beaucoup plus violent dans un orbe inférieur ; & que comme il peut y avoir dans la nature bien des degrés de chaleur au-delà de celle de l’eau bouillante, il peut y en avoir dont la violence secondée du poids de l’air intérieur soit capable de mettre en pieces tout le globe terrestre. Mém. de l’Ac. R. des Sc. an. 1703. Voyez Tremblement de terre.

La force élastique de l’air est encore une autre source très-féconde des effets de ce fluide. C’est en vertu de cette propriété qu’il s’insinue dans les pores des corps, y portant avec lui cette faculté prodigieuse qu’il a de se dilater, qui opere si facilement ; conséquemment il ne sauroit manquer de causer des oscillations perpétuelles dans les particules du corps auxquelles il se mêle. En effet le degré de chaleur, la gra-