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dre tantôt du tems que la colonie a été envoyée : tantôt du regne du prince à qui elle étoit soumise alors : tantôt du regne de quelqu’autre prince qui leur avoit fait quelque nouvelle grace, d’où il est arrivé quelquefois que la même ville, telle par exemple qu’Antioche, s’est servie de différentes époques ; & c’est à quoi il faut faire une attention sérieuse, pour ne pas confondre des faits dont les médailles nous intéressent.

Les villes grecques soumises à l’empire étoient jalouses d’une époque particuliere, c’étoit de l’honneur qu’elles avoient eû d’être néocores, c’est-à-dire, d’avoir eû des temples, où s’étoient faits les sacrifices solemnels de toute une province pour les empereurs. Voyez Néocore.

Les Grecs marquoient encore une époque particuliere sur leurs médailles, qui est celle du pontificat. Il y avoit des villes grecques où les pontifes étoient perpétuels ; ils s’appelloient Ἀρχιερεις διὰ βίου : dans les autres villes où le pontificat étoit annuel, ceux qui possédoient cette charge, n’étoient pas moins soigneux de le marquer, sur-tout lorsqu’ils étoient élus pour la seconde ou pour la troisieme fois. Il faut observer en passant que ces lettres Α Ρ Χ ne signifient pas seulement pontife ; mais que le plus souvent elles signifient archonte ; c’étoit le titre des magistrats grecs qui gouvernoient les villes soumises aux loix d’Athènes. M. Vaillant en a fait une grande énumération.

Les époques qui forment les années du regne des empereurs se marquent presque toujours sur les revers, en une de ces deux manieres : quelquefois en exprimant les mots entiers Ἑτους Δεϰατου, &c. Plus souvent par les simples chifres, & le mot abrégé Ε. ou ΕΤ. Α. Β. presque toujours par le lambda antique L, qui signifie, selon la tradition des antiquaires, Λυϰάϐαντος, mot poétique & inusité dans le langage ordinaire, mais qui veut dire anno, & qui probablement étoit plus commun en Egypte que dans la Grece, puisque c’est sur les médailles de ce pays qu’il se trouve toujours. Nous avons cependant un canope au revers d’Antonin Ἑτους. Β. comme nous avons du même empereur un revers L. Ενατου, & plusieurs autres, avec les simples chifres L. Ζ. L. Η. L. Ι. Γ. chargés de la figure de l’Equité, de la tête de Sérapis, & d’un dauphin entortillé autour d’un trident.

Les époques des villes, sont communément exprimées par le simple chifre sans Ε. ni L. & le nombre plus bas est ordinairement le premier posé. Dans les médailles d’Antioche Δ. Μ. non pas Μ. Δ. Dans une de Pompéopolis, qui a d’un côté la tête d’Aratus, & de l’autre celle de Chrysipe, Θ. Κ. Ϲ. aulieu de Ϲ. Κ. Θ. &c.

Dans le bas empire Grec, les époques sont marquées en latin, anno III. V. VII. &c. depuis Justin jusqu’à Théophile, & elles occupent le champ de la médaille sur deux lignes de haut en bas. (D. J.)

Médailles, ornemens des (Art numismat.) ce sont toutes les choses qui ornent les têtes, les bustes, & les revers d’une médaille ; ainsi le diademe, la couronne, le voile se nomment les ornemens des têtes couvertes. Les divers types ou symboles qui sont empreints sur les revers des médailles, en sont tout autant d’ornemens. Voyez-en la description au mot Symbole. (D. J.)

MÉDAILLER, s. m. (Gram.) il se dit d’une collection de médailles ; & se dit aussi des tiroirs où on les conserve.

MÉDAILLISTE, s. m. (Gram.) il se dit de celui qui s’est appliqué à l’étude des médailles. Il se dit aussi de celui qui en a beaucoup ramassé. Il est aussi facile d’avoir bien des médailles & de n’y rien en-

tendre, que d’avoir beaucoup de livres & d’être un ignorant.

MÉDAILLON, (Art numismat.) médaille d’une grandeur extraordinaire, & communément d’un beau travail. Nous avons emprunté des Italiens le mot de médaillon pour exprimer une grande médaille, comme le mot de sallon pour signifier une grande salle.

La plûpart des antiquaires prétendent que les médaillons n’étoient pas des monnoies courantes, du moins chez les Romains ; mais qu’on les frappoit comme des monumens publics, pour répandre parmi le peuple, dans les cérémonies des jeux & des triomphes, ou pour donner aux ambassadeurs & aux princes étrangers. Ces pieces étoient nommées par les Latins missilia.

Il y a des médaillons d’or, d’argent & de bronze, & comme ceux d’or sont fort rares, les particuliers qui en possédent, se contentent de les mettre à la tête de l’or ou de l’argent, pour faire l’honneur de leur cabinet.

Le cardinal Gaspard Carpegna est un des premiers qui se soit attaché à former une suite de médaillons. Cependant dans la premiere édition de son recueil, on en fit graver seulement 23, & on donna la description de 45. Dans la suite cette collection s’étant fort augmentée, dans la seconde édition, à laquelle on ajouta les observations de M. Buonarotti, on en fit graver jusqu’à 129. M. Vaillant en a décrit environ 450 depuis César jusqu’à Constance, qu’il avoit vûs dans différens cabinets de France & d’Italie. On publia à Venise il y a quelques années, sans date, & sans nom de ville ni d’imprimeur, un autre recueil de médaillons sous le titre de Numismata ærea selectior a maximi moduli, è musæo Pisano olim corrario. Il s’y trouve environ 229 médaillons gravés en 92 planches.

Les chartreux de Rome avoient une très-belle collection de médaillons, qu’ils avoient aussi fait graver ; mais cette collection ayant été vendue à l’empereur, les planches sont passées avec les originaux, dans le cabinet de S. M. impériale ; & on a supprimé toutes les épreuves qui avoient été tirées, mais qui n’avoient pas encore été distribuées ; ensorte que ces gravures sont aujourd’hui d’une extrème rareté, je n’en ai vû qu’un seul exemplaire à la grande chartreuse.

Dans le siecle passé on fit graver plus de 400 médaillons qui se trouvoient alors dans le cabinet du Roi : le nombre en a été extrèmement augmenté depuis ce tems-là, & il vient de l’être tout récemment par l’acquisition que le roi a faite de tous ceux de M. le maréchal d’Estrées. Cette suite comprend tous les médaillons qui avoient appartenu à l’abbé de Camp ; outre ceux qui avoient paru avec des explications de M. Vaillant, & qui n’alloient qu’à 140, dont j’ai vû des épreuves tirées. M. l’abbé de Rothelin en avoit aussi une suite assez considérable. Ainsi on pourroit aujourd’hui, sans sortir de Paris, exécuter le projet de M. Morel, c’est-à-dire, faire graver plus de mille médaillons ; & le cabinet du Roi suffiroit seul pour fournir ce nombre, & peut-être davantage.

Il est vraissemblable que l’intention de ceux qui faisoient frapper ces médaillons n’étoit pas qu’ils servissent de monnoies ; nous pensons cependant que lorsque ces pieces avoient rempli leur premiere destination, & qu’elles étoient distribuées, on leur donnoit un libre cours dans le commerce, en reglant leur valeur à proportion de leur poids & de leur titré. C’est du moins ce que M. de la Bastie croit en pouvoir induire des contre-marques qu’il à observées sur plusieurs médaillons, telles que sur deux de Caracalla, & sur une de Mactin. Ces trois médaillons sont grecs, & il est certain que les -