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incommodent considérablement. Voyez Gas, Exhalaison, Mouffete, Pousse ; c’est cette terre pure, nue & résoute, ou réduite en liqueur, qui est le véritable alkahest. Voyez Alkahest & Menstrue ; cette liqueur est si pénétrante que si on la respire imprudemment, on est frappé comme de la foudre, accident qui arriva une fois à Becher, qui fut sur le point d’en périr. La terre mercurielle se masque, larvatur, quelquefois dans les mines sous l’apparence d’une fumée ou d’une eau, & s’attache aussi quelquefois aux parois des galeries sous la forme d’une neige légere & brillante. La terre mercurielle est le principe de toute volatilité ; elle est surabondante dans le mercure ordinaire, qu’elle met par cet excès dans l’état de décomposition. Voyez l’article Mixtion, & c’est par son accrétion au corps métallique parfait, absolutum, qu’elle opere la mercurification. Voyez Mercurification. Elle est le premier être, primum ens, du sel marin. Quelques chimistes la regardent comme le principe de l’arsenic ; les métaux cornés, les sels alkalis volatils & ammoniacaux lui doivent leur volatilité, &c. Ceux qui ont appellé ce principe mercure, & qui l’ont pris bonnement pour le mercure coulant ordinaire, ou même pour le mercure des métaux, se sont grossierement trompés. Cette terre est appellée mercurielle au figuré ; ce nom ne signifie autre chose, sinon qu’elle est volatile & fluide, fluxilis, comme le mercure.

Nous venons d’exposer sommairement les propriétés fondamentales & caractéristiques que Becher attribue à sa troisieme terre. Le point de vûe sous lequel ce profond & ingénieux chimiste a considéré la composition des corps naturels, lorsqu’il s’est trouvé forcé à recourir à un pareil principe, est véritablement sublime, plein de génie & de sagacité : la chaîne, l’analogie, l’identité des phénomenes qu’il a rapprochés, qu’il a liés, en les déduisant de ce principe, est frappante, lumineuse, utile, avançant l’art. Mais enfin on est forcé d’avouer que ce n’est pourtant là qu’une coordination de convenance, qu’un système artificiel, & qu’elle fait tout au plus soupçonner ou desirer un principe quelconque. Stahl qui a tant médité le Becherianisme, & qui a été doué du génie éminent propre à en sonder les profondeurs & à en dévoiler les mysteres, confesse & professe, confiteor & profiteor, ce sont ses termes en dix endroits de son Specimen becherianum, que l’existence du principe mercuriel, & son influence dans les phénomenes que lui attribue Becher, ne sont rien moins que démontrés ; qu’il penche très fort à se persuader que la troisieme terre de Becher ne differe qu’en nombre, & non pas en espece, de sa seconde terre, du phlogistique ; c’est-à-dire qu’une certaine quantité d’un même, seul & unique principe étant admise dans les mixtes, y produit les effets attribués aux phlogistiques ; & qu’une quantité différente y produit les effets attribues à la terre mercurielle. Voyez Mixtion. Et enfin il promet en son nom, & en celui de tous les vrais chimistes, une éternelle reconnoissance à quiconque rendra simple, facile, praticable la doctrine de Becher sur cette troisieme terre, comme il l’a fait lui sur la seconde, sur le phlogistique. (b)

Mercurielle, eau ou liqueur. Voyez sous le mot Eau & l’article Mercure, (Mat. méd.)

Mercurielle, liqueur ou huile. Voyez Mercure, (Mat. méd.)

Mercurification, (Chimie.) opération par laquelle on produit, ou prétend produire du vrai mercure coulant, par une transmutation quelconque des autres substances métalliques en celles-ci.

Ce changement est une des promesses de l’alchimiste. Le produit de cette opération s’appelle mercu-

re des métaux, & en particulier selon l’espece, mercurifier, mercure d’or, d’argent, de plomb, &c. & ces

produits sont non-seulement précieux en soi, mais plus encore parce qu’ils fournissent la matiere propre & hypostatique, le sujet, la matrice du grand-œuvre.

Les chimistes antérieurs à Becher ont tous pensé que le mercure coulant étoit un principe essentiel de toute substance métallique, & que la conversion dont nous parlons étoit une vraie extraction. Becher a pensé que le mercure n’étoit point contenu actuellement dans les métaux, mais que le corps, le mixte métallique devoit recevoir une surabondance, un excès de l’un de ses principes, savoir de la terre mercurielle pour être changée en mercure coulant. Selon cette opinion la mercurification se fait donc par augmentation, par accrétion, par composition, par syncrese.

Stahl a prononcé sur la mercurification en particulier le même arrêt que sur le dogme de la terre mercurielle en général. Voyez la fin de l’article Mercurielle, terre, ce témoignage est très-grave, comme nous l’avons déjà observé en cet endroit. Mais on peut avancer que Stahl accorde même trop à cette doctrine, & sur-tout à l’affaire de la mercurification en particulier, en laissant le champ libre aux chimistes laborieux qui voudront entreprendre d’éclaircir cette matiere. Tout ce qui en a été écrit jusqu’à présent est si arbitraire quant au dogme, & si mal établi quant aux faits ; la maniere de ces ouvrages est si alchimique, c’est-à-dire si marquée par le ton affecté de mystere, & le vain étalage de merveilles, que tout bon esprit est nécessairement rebuté de cette étude. Je n’en excepte point les ouvrages de Becher sur cette matiere, qui a été sa prétention ou sa manie favorite, son véritable donquichotisme, s’il est permis de s’exprimer ainsi, & de parler avec cette espece d’irrévérence d’un si grand homme. Le second supplément à sa physique souterreine que je me suis dix fois obstiné à lire sur la réputation de l’auteur, pendant le zele de mes premieres études, m’est autant de fois tombé des mains. Le supposé que les ouvrages de cette espece renferment réellement des immenses trésors de science, certes c’est acheter trop cher la science que de la poursuivre dans ces ténebreux abîmes. Voyez ce que nous avons déjà observé à ce sujet à l’article Hermétique, philosophie. (b)

MERDIN, (Géog.) les voyageurs écrivent aussi MARDIN, MEREDIN, MIRIDEN, ville d’Asie dans le Diarbeck, avec un château, qui passe pour imprenable ; le terroir produit du coton en abondance. Elle appartient aux Turcs qui y ont un pacha avec garnison. Merdin est située à 6 lieues du Tigre, entre Mosoul & Bagdat, près d’Amed. Long. selon M. Petit de la Croix, 62. 30. lat. 35. 13. (D. J.)

MERE, s. f. (Jurisprud.) est celle qui a donné la naissance à un enfant.

Il y avoit aussi chez les Romains des meres adoptives ; une femme pouvoit adopter des enfans quoiqu’elle n’en eût point de naturels.

On donne aussi le titre de mere à certaines églises, relativement à d’autres églises que l’on appelle leurs filles, parce qu’elles en ont-été pour ainsi dire détachées, & qu’elles en sont dépendantes.

Pour revenir à celles qui ont le titre de meres selon l’ordre de la nature, on appelloit chez les Romains meres-de famille les femmes qui étoient épousées per coemptionem, qui étoit le mariage le plus solemnel ; on leur donnoit ce nom parce qu’elles passoient en la main de leur mari, c’est-à-dire en sa puissance, ou du-moins en la puissance de celui auquel il étoit lui-même soumis, elles passoient en la famille du mari, pour y tenir la place d’héritier comme en-