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dont les fruits sont imputés sur le principal qui diminue à proportion.

Dans quelques coutumes, les peres avantagent quelques-uns de leurs enfans par des morts-gages, en leur donnant la jouissance d’une terre, jusqu’à ce qu’un autre enfant la rachete pour un certain prix.

Le terme de mort-gage signifie aussi quelquefois un bien engagé qui ne se peut racheter ; c’est en ce sens que la coutume de Tournai, tit. des fiefs, art. 33 & 35. parle des fiefs donnés à morts gages.

Quelquefois au contraire gage-mort se prend pour la jouissance d’un bien, donné sous la condition de le rendre au bon plaisir de celui qui l’a ainsi engagé, c’est alors une possession fiduciaire ; ainsi tenir une hoirie à mort-gage, c’est l’avoir jure fiduciario.

Enfin, mort gage ou gage mort se dit quelquefois pour le gage que l’on donne pour la délivrance du bétail pris en débit sur le mort-gage. Voyez l’anc. coutume de Normandie, ch. xx. Loyseau, du déguerpiss. liv. I. ch. vij. n. 13. les coutumes d’Artois & de Lille & le gloss. de Lauriere, au mot mort-gage. Voyez aussi Gage & Mariage à mort-gage. (A)

Mortier, s. m. en Architecture, composition de chaux, de sable, &c. mélés avec de l’eau qui sert à lier les pierres, &c. dans les bâtimens. Voyez Batiment, Ciment.

Les anciens avoient une espece de mortier si dur & si liant, que, malgré le tems qu’il y a que les bâtimens qui nous restent d’eux durent, il est impossible de séparer les pierres du mortier de certains d’entr’eux ; il y a cependant des personnes qui attribuent cette force excessive au tems qui s’est écoulé depuis qu’ils sont construits, & à l’influence de quelques propriétés de l’air qui durcit en effet certains corps d’une maniere surprenante. Voyez Air.

On dit que les anciens se servoient, pour faire leur chaux, des pierres les plus dures, & même de fragmens de marbre. Voyez Chaux.

Delorme observe que le meilleur mortier est celui qui est fait de pozzolane au lieu de sable, ajoutant qu’il pénetre même les pierres à feu, & que de noires il les rend blanches. Voyez Pozzolane.

M. Worledge nous dit que le sable fin fait du mortier foible, & que le sable plus rond fait de meilleur mortier : il ordonne donc de laver le sable avant que de le méler ; il ajoute que l’eau salée affoiblit beaucoup le mortier. Voyez Sable.

Wolf remarque que le sable doit être sec & pointu, de façon qu’il pique les mains lorsqu’on s’en frotte ; & qu’il ne faut pas cependant qu’il soit terreux, de façon à rendre l’eau sale lorsqu’on l’y lave.

Nous apprenons de Vitruve que le sable fossile seche plus vîte que celui des rivieres, d’où il conclut que le premier est plus propre pour les dedans des bâtimens, & le dernier pour les dehors : il ajoute que le sable fossile exposé long-tems à l’air devient terreux. Palladio avertit que le sable le plus mauvais est le blanc, & qu’il en faut attribuer la raison à son manque d’aspérité.

La proportion de la chaux & du sable varie beaucoup dans notre mortier ordinaire. Vitruve prescrit trois parties de sable fossile & deux de rivieres contre une de chaux ; mais il paroît qu’il met trop de sable. A Londres & aux environs, la proportion du sable à la chaux vive est de 36 à 25 ; dans d’autres endroits, on met parties égales des deux.

Maniere de méler le mortier. Les anciens maçons, selon Felibien, étoient si attentifs à cet article, qu’ils employoient constamment pendant un long espace de tems dix hommes à chaque bassin, ce qui rendoit le mortier d’une dureté si prodigieuse, que Vitruve nous dit que les morceaux de plâtre qui tomboient des anciens bâtimens servoient à faire des tables :

Felibien ajoute que les anciens maçons prescrivoient à leurs manœuvres comme une maxime de le délayer à la sueur de leurs sourcils, voulant dire par-là de le meler long tems au lieu de le noyer d’eau pour avoir plutôt fait.

Outre le mortier ordinaire dont on se sert pour placer des pierres, des briques, &c. il y a encore d’autres especes ce mortiers, comme :

Le mortier blanc dont on se sert pour plâtrer les murs & les platonds, & qui est composé de poil de bœuf melé avec de la chaux & de l’eau sans sable.

Le mortier dont on te sert pour faire les aqueducs, les citernes, &c. est très ferme & dure long tems. On le fait de chaux & de graisse de cochon qu’on mêle quelquefois avec du jus de figues, ou d’autres fois avec de la poix liquide : après qu’on l’a applique, on le lave avec de l’huile de lin. Voyez Citerne.

Le mortier pour les fourneaux se fait d’argille rouge, qu’on mêle dans de l’eau où on a fait tremper de la fiente de cheval & de la suie de cheminée. Voyez Fourneau.

On se plaint journellement du peu de solidité des bâtimens modernes ; cette plainte paroît très-bien fondée, & il est certain que ce défaut vient du peu de soin que l’on apporte à faire un mortier durable, tandis que les anciens ne négligeoient rien pour sa solidité. D’abord la bonté du mortier dépend de la qualité de la chaux que l’on y emploie ; plus la pierre à chaux que l’on a calcinée est dure & compacte, plus la chaux qui en résulte est bonne. Les Romains tentoient cette vérité, puisque, lorsqu’il s’agissoit de bâtir de grands édifices, ils n’employoient pour l’ordinaire que de la chaux de marbre. La bonté du mortier dépend encore de la qualité du sable que l’on mêle avec la chaux ; un sable fin paroît devoir s’incorporer beaucoup mieux avec la chaux qu’un sable grossier ou un gravier, vû que les pierres qui composent ce dernier doivent nuire à la liaison intime du mortier. Enfin, il paroît que le peu de solidité du mortier des modernes vient du peu de soin que l’on prend pour le gâcher, ce qui fait que le sable ne se mêle qu’imparfaitement à la chaux.

M. Shaw, célebre voyageur anglois, observe que les habitans de Tunis & des côtes de Barbarie bâtissent de nos jours avec la même solidité que les Carthaginois. Le mortier qu’ils emploient est composé d’une partie de sable, de deux parties de cendres de bois, & de trois parties de chaux. On passe ces trois substances au tamis, on les mêle bien exactement, on les humecte avec de l’eau, & on gâche ce melange pendant trois jours & trois nuits consécutives, sans interruption, pour que le tout s’incorpore parfaitement ; &, pendant ce tems, on humecte alternativement le mélange avec de l’eau & avec de l’huile : on continue à remuer le tout jusqu’à ce qu’il devienne parfaitement homogene & compacte. Voyez Shaw, Voyage en Afrique. (—)

Mortier, (Jurisprud.) est une espece de toque ou bonnet qui étoit autrefois l’habillement de tête commun, & dont on a fait une marque de dignité pour certaines personnes.

Le mortier a été porté par quelques empereurs de Constantinople, dans la ville de Ravene : l’empereur Justinien est représenté avec un mortier, enrichi de deux rangs de perle.

Nos rois de la premiere race ont aussi usé de cet ornement, ceux de la seconde & quelques-uns de la troisieme race s’en servirent aussi. Charlemagne & S. Louis sont représentés dans certaines vieilles peintures avec un mortier ; Charles VI. est représenté en la grand’chambre avec le mortier sur la tête.

Lorsque nos rois quitterent le palais de Paris pour en faire le siége de leur parlement, ils communiquerent l’usage du mortier & autres ornemens à ceux qui