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porter l’équilibre. On y ajoute un tiers en sus pour les frottemens. Voyez Force. (K)

Moteurs, en Anatomie, c’est le nom qu’on a donné aux nerfs de la troisieme & de la sixieme paire, parce qu’ils font mouvoir les yeux.

Ceux de la troisieme paire se nomment encore moteurs communs, musculaires communs, oculaires communs, oculo-musculaires communs ; & ceux de la sixieme moteurs externes, oculaires externes, musculaires externes, oculo-musculaires externes. Voyez Nerf.

Les moteurs communs prennent leur origine immédiatement devant le bord antérieur de la protubérance annulaire. Voyez Protubérance & Annulaire.

De-là, en perçant la dure-mere, ils viennent passer de chaque côté dans l’orbite, où ils se divisent en quatre branches qui se distribuent aux muscles de l’œil.

La branche qui va au petit oblique, fournit quelquefois un rameau, dans lequel il se forme un ganglion. Il naît le plus souvent un filet du rameau inférieur, qui se distribue au muscle droit inférieur, qui avec un rameau de la cinquieme paire, forme le ganglion opthalmique, duquel naissent les nerfs ciliaires seulement suivant Morgagni. Voyez Œil.

Les moteurs externes naissent de l’union de la moëlle alongée entre la protubérance annulaire & les éminences olivaires. Voyez Éminence & Olivaire.

Chacun de ces deux nerfs perce la dure-mere, rampe ensuite dans sa duplicature le long des parties latérales de la selle sphénoïdale à côté de l’artere carotide, il s’avance en-dehors, & au bord extérieur de cette artere, il donne l’intercostal à un angle un peu plus obtus ou droit avec le tronc qui chemine & qui va ensuite passer par la fente sphénoïdale & se distribuer au muscle abducteur de l’œil. Voyez Abducteur.

MOTIF, s. m. (Gramm.) la raison qui détermine un homme à agir. Il y a peu d’hommes assez attentifs à ce qui se passe au-dedans d’eux mêmes, pour bien connoître les motifs secrets qui les font agir. Une action peut avoir plusieurs motifs : les uns louables, les autres honteux ; dans ces circonstances, il n’y a qu’une longue expérience qui puisse rassurer sur la bonté ou la malice de l’action. C’est elle qui fait que l’homme se dit à lui-même, & se dit sans s’en imposer : je me connois ; j’agirois de la même maniere, quand je n’aurois aucun intérêt qui pût m’y déterminer. Un homme de bien cherche toujours, aux actions équivoques des autres, des motifs qui les excusent. Un philosophe se méfie des bonnes actions qu’il fait, & examine s’il n’y a point à côté d’un motif honnête, quelque raison de haine, de vengeance, de passion, qui le trompe.

Si le goût de l’ordre, l’amour du bien sont les motifs de nos actions, la considération publique & la paix de la conscience en seront la récompense assurée. Il est bien doux d’être estimé des autres ; il l’est bien davantage de s’estimer soi-même. Il n’y a que celui qui n’appréhende point de se rendre compte de ses motifs, qui puisse habiter tranquillement en lui : les autres se haïssent malgré qu’ils en aient, & sont obligés de fuir devant eux-mêmes.

Motif, (Musique.) Les Italiens appellent motivo la principale pensée d’un air, celle qui constitue le caractere de son chant & de sa déclamation.

L’air (aria) est divisé en deux parties, dont la premiere se partage de nouveau en deux parts : l’une de ces deux parts commence le motif dans le ton que le musicien a choisi, & le conduit à la dominante de ce ton ; l’autre reprend le motif à cette dominante & le ramene à la tonique.

La seconde partie de l’air, s’il est dans un ton naturel, se fait ordinairement dans la sixieme de son ton tierce mineure, & finit quelquefois dans la dominante de cette sixieme. Quelquefois cette seconde partie se fait dans le mineur du ton de l’air en conservant son motif. Quelquefois aussi les paroles de la seconde partie exigent tout un autre caractere de chant & de déclamation ; ou bien le musicien juge nécessaire de changer de mesure & de caractere pour en interrompre l’uniformité : alors il quitte le motif de son air, & donne à sa seconde partie un nouveau motif qui n’a aucune analogie avec le premier.

Lorsque l’air est lui-même dans un ton tierce-mineure, le motif se conduit dans la premiere partie de la tonique à la médiante, tierce-majeure, & de la médiante il est ramené à la tonique ; ensuite dans la seconde partie le motif se transporte ordinairement dans la sixieme du ton, tierce-majeure ; & passe, si l’on veut, par toutes les modulations dont le ton mineur est susceptible.

En général, les secondes parties des airs sont plus particulierement consacrées aux effets de l’harmonie ; le musicien s’y montre grand artiste, après s’être montré dans la premiere partie homme de génie. Mais en tout ceci il n’y a aucune loi universelle. Comme la Musique est plus qu’aucun autre art l’ouvrage de l’enthousiasme, l’homme inspiré ne suit aucune regle certaine ; il n’obéit qu’à une impulsion supérieure qui le conduit souvent par des routes inconnues & nouvelles ; son exemple & ses succès deviennent bientôt des modeles & les principes d’une poétique musicale.

Les différens genres d’ailleurs varient les préceptes à l’infini. Ce qui convient à la musique tragique ne va guere à la musique comique ; celle de l’église a encore un caractere qui lui est propre ; & ces caracteres sont si différens chez les nations qui ont excellé dans la Musique, qu’une oreille un peu exercée n’a pas besoin du secours des paroles pour les distinguer & les reconnoître.

Le motif est ce qui constitue le plus particulierement le génie musical. L’étude & les instructions de l’école enseigneront au musicien la science de l’harmonie & de ses effets ; avec du goût il apprendra à en faire usage à propos ; mais en vain sera-t-il profond dans la science de son art ; si ses motifs sont communs ou vuides d’idées & de caracteres, ses productions resteront toujours médiocres. En vain voudra-t-il dérober le défaut de pensées & la pauvreté de génie sous les effets les plus imposans de l’harmonie, sous l’appareil des instrumens d’un nombreux & bruyant orchestre, il ne réussira pas à donner le change à celui qui entend le langage de la Musique. C’est ainsi que le rhéteur forme l’oreille de son éleve à l’harmonie, au nombre des périodes ; mais la noblesse, la chaleur, la force des pensées, les belles images, les grandes & sublimes idées ne se remplacent point par un bruit de paroles harmonieuses, & ne s’apprennent pas à l’école.

Le musicien commencera par choisir le mouvement propre aux paroles que le poëte lui a données. Lorsqu’il aura à exprimer les mortelles alarmes d’Andromaque ou de Mérope, son genre de mesure sera agité. Lorsqu’il aura à exprimer les regrets d’un amant, qu’un devoir cruel arrache aux embrassemens de sa maîtresse, le mouvement de son air sera languissant, doux, posé. Ainsi son air s’appellera largo, cantabile, andante, allegro, presto, aggitato, suivant les différens caracteres de la mesure ; mais si la beauté du motif ne répond point à la beauté du sujet ; si ce motif ne rend pas d’une maniere énergique & vraie la passion que le poëte