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que vous devez les impressions les plus fortes & les plus délicieuses : sans elles, quelle que soit la variété des modulations & des effets de l’harmonie, ce n’est qu’un vain bruit dont vous vous sentez bientôt excédé, si le musicien ne sait vous fixer par des idées qui vous reviennent & vous restent.

D’ailleurs, comme l’air est réservé pour les momens passionnés, & qu’il est, pour ainsi dire, la récapitulation & la peroraison de la scene, la répétition des mêmes paroles y est ordinairement sublime par la variété de déclamation, par laquelle le compositeur cherche à imiter les différens accens de la même passion. En effet, lorsque Mérope, dans l’excès de sa douleur, déclare qu’elle mourra désespérée, en conservant le motif de son air, elle ne se contentera pas de le dire une fois ; elle le dira vingt fois ; elle le dira de toutes les manieres : tantôt en suppliant, elle cherchera à s’attirer la pitié ; tantôt elle le dira avec tous les cris du désespoir ; tantôt suffoquée par la douleur, la parole lui manquera ; & ne pouvant articuler, elle poussera des syllabes entrecoupées : ah… mo… ri… ra… jusqu’à ce qu’un accès de frénésie lui rende la force de crier. Dans toutes ces différentes déclamations, elle ne chantera jamais que les mots disperata morira ; mais celui qui n’y trouvera qu’une répétition des mêmes paroles, ne doit jamais entendre de la musique.

On a aussi attaqué l’usage de reprendre la premiere partie de l’air après la seconde. Lorsque cela ne se peut sans un contre-sens dans les paroles, cela ne peut être approuvé ; mais il faudroit prier les poëtes de ne point mettre le compositeur dans le cas de ne pouvoir reprendre son air sans blesser le sens commun. Car en y réfléchissant, on trouvera le dà capo très nécessaire à l’effet d’un air dont le motif & le caractere échapperoient sans cela à l’oreille avec trop de facilité.

Pour ne point ôter à l’air son effet, on ne sauroit employer trop de soins pour faire sortir son motif, ni trop de délicatesse pour le ménager. Deux ou trois airs faits avec le plus de goût & de génie, ne pourroient se succéder sans s’entre-nuire, & voilà une des raisons qui ont engagé de partager le drame en musique, en récitatif & en airs. Car indépendamment de la raison musicale qui veut que l’acteur ne chante qu’au moment le plus intéressant de chaque situation, il est certain qu’on ne pourroit chanter plusieurs airs de suite sans fatiguer & rebuter l’oreille la plus avide de musique.

Toute cette théorie du drame en Musique qui a reçu sa perfection dans ces derniers tems par l’illustre Metastasio, & par Vinci, Leo, Feo, par le divin Pergolesi, par l’immortel Hasse que l’Italie a nommé le saxon par excellence, par d’autres grands maîtres qui ont suivi ces hommes de génie, mériteroit d’être mieux approfondie ? Une musique dont le récitatif & le chant se confondroient & n’auroient pas un caractere distinct, ne pourroit manquer d’être fastidieuse & insupportable.

Le récitatif ne doit être qu’une déclamation notée ; ainsi il ne peut avoir ni motif, ni mesure, deux choses essentielles à l’air ; la maniere de le débiter ne peut donc être transmise que par tradition ; mais il imite par la variété des inflexions & des tons, toutes les variétés du discours & du dialogue : & pour bien faire le récitatif, il ne faut pas souvent moins de génie, que pour faire un bel air. Aussi tous les grands maîtres ont écrit le récitatif d’une maniere supérieure ; & Pergolesi & Hasse, si sublimes, si profonds dans leurs motifs, sont encore étonnans dans leur maniere d’écrire le récitatif.

La musique instrumentale suit les regles & les principes de la musique vocale. Il faut, à chaque morceau, outre le caractere du mouvement, son motif & son idée principale qu’il faut conduire & dessiner avec le même goût & la même intelligence. La nation qui chante le mieux, aura la plus belle musique instrumentale ; aussi lorsque la musique instrumentale d’une nation est reconnue supérieure, on peut parier pour l’excellence de sa musique vocale.

Le genie de la Musique demande peut-être plus de délicatesse & plus délévation qu’aucun autre art. Il a je ne sai quoi de divin ; mais ses effets disparoissent comme l’éclair du feu du ciel, & ses ouvrages ne résistent point au tems. Nous ne connoissons que par l’histoire les effets prodigieux de la musique ancienne ; dans cent ans, peut-être, on ne connoîtra que par oui dire, les chefs-d’œuvres de tant de grands maîtres de notre siecle. On retrouve par-tout également, & dans le marbre solide, & dans le son fugitif, la vanité des choses humaines, &c. (Article de M. Grimm.)

MOTIR, (Géog.) île des Indes orientales, une des Moluques, entre celles de Gilolo à l’orient, des Celebes à l’occident, de Tidor au septentrion & de Machian au midi. Elle n’a que 4 lieues de tour. Long. 144. 40. lat. 20.

MOTRICE, feminin de moteur, se dit d’une puissance ou force qui a le pouvoir ou la faculté de mouvoir. Voyez Mouvement, Force & Accélératrice

MOTRIL, (Géog.) petite ville d’Espagne, au royaume de Grenade, avec un port, à 11 lieues espagnoles S. E. de Grenade. Quelques auteurs conjecturent que c’est l’ancienne Hexi, ou Sexi, dont les habitans s’appelloient Sexitains. Son terroir produit d’excellens vins. Long. 14. 57. lat. 36. 22.

MOTTE, s. f. en général, petite élévation de terre labourée ou non.

Motte, (Jardinage.) est une grosseur de terre adhérente aux racines d’un arbre, & qui les conserve ; ce qui dispense d’en couper la tête. Voyez Lever.

C’est aussi la terre qu’on laisse au pié des fleurs que l’on leve sur la couche, & qui est si nécessaire à leur reprise, que quand elle vient à s’ébouler, les Jardiniers regardent la plante comme perdue, & la mettent au rebut.

Motte, (Fayanc. Pot.) masse de terre épluchée, marchée, & prête à être mise sur le tour pour y prendre la forme d’un vaisseau.

Motte a bruler, terme de Tanneur, c’est une espece de pain rond & plat, qu’on fabrique avec du tanné qu’on foule avec les piés dans un moule.

Le petit peuple & les pauvres se servent de mottes pour faire du feu, parce qu’elles se vendent à bon marché & qu’elles conservent long-tems la chaleur lorsqu’elles sont embrasées.

Motte, terme de Chasse & de Fauconnerie, prendre motte, se dit d’un oiseau qui, au lieu de se percher sur un arbre, se pose à terre.

Motte, (Géogr.) nom par lequel les François désignent une petite élévation, & qu’ils ont ensuite étendu à des villes, bourgs, châreaux, villages ou maisons de campagne situés sur quelque éminence. Je ne parlerai cependant que de la seule ville nommée la Motte en Lorraine, dans le bailliage de Bassigny, aux frontieres de la Champagne, & à une lieue de la Meuse. Cette ville passoit pour une place imprénable par sa situation au haut d’un rocher escarpé. Le cardinal Mazarin la fit assiéger par Magalotti son neveu, & ensuite par M. de Villeroi, qui contraignit finalement le gouverneur de la place à se rendre en 1644. La capitulation portoit, qu’elle