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contiennent les paniers dans une chaudiere pour en faire la cire. Il est pourtant certain que cet entassement des gâteaux qui ont été lacerés, malgré les grands vuides qu’ils laissent entr’eux dans les paniers, n’ont pu suffire pour laisser écouler tout le miel de l’entre-deux : de sorte que ce qui y reste se perd dans les eaux dans lesquelles on fait fondre la cire. On le gagneroit sans doute par des lotions avec de l’eau, qui, mêlées avec celles où les gens qui font le miel lavent leurs mains, produiroient ensemble une eau emmielée, qu’il faudroit réduire ensuite à une certaine consistence par l’action du feu, afin qu’elle se conservât pour servir de nourriture aux abeilles pendant l’hyver. On peut encore extraire ce miel par expression, en mettant dans un sac de toile claire à diverses reprises, & partie par partie, ce qui est dans les paniers pour le faire presser. Le peu qui en découlera sera roux, & de la derniere qualité. On peut en extraire un plus grand volume, & l’avoir bien moins roux, si l’on donne des passages libres à ce miel afin qu’il coule vîte, & afin qu’il reste moins de tems mêlé avec la matiere qui compose les gâteaux. Je voudrois à cette fin qu’on se servît d’une caisse plus grande, mais semblable à celles de ces grandes rapes quarrées longues avec lesquelles on rape le tabac, & qu’on mît à la place du chassis mobile qui porte la feuille de tole ou de fer-blanc, un chassis en bois à haut bord avec des fils de fer arrangés entr’eux sur le fond à la place de la grille de tole, comme ils le sont aux cribles avec trémie pour le blé ; sur lesquels déposent le résidu des gateaux en couche mince ; on verroit découler dessous dans la caisse le miel entremélé, d’où il s’écouleroit en inclinant la machine dans un vase mis au-dessous. Ce même crible, ou plusieurs ensemble, seroit favorable pour hâter l’écoulement de tout le miel. Il en résulteroit sans doute plus de beauté en diminuant la durée du mêlange avec la matiere des gâteaux. S’il passoit plus de parties de cire par ce crible, mêlées avec le miel, qu’il n’en passe par la méthode ordinaire, on auroit la même ressource qu’on a en celle-ci, d’écumer & de faire filtrer les écumes en les remettant sur les parties qui resteront sur le crible.

Il nous reste à conseiller un autre épurement du miel que j’ai vu faire à une personne à qui j’en avois envoyé un barril ; quoiqu’il fût beau, elle voulut l’avoir encore plus beau, & le filtra au moyen d’une toile de canevas ; il en devint en effet bien plus beau ; le canevas arrêta des parties mêlées de plusieurs couleurs, qui n’avoient pu s’en séparer sans cela. Ce que j’en ai vu m’a déterminé de faire à l’avenir quelque chose de semblable. J’ai fait faire deux chausses d’hipocrat de canevas, dont l’ouverture de chausse est un cercle de bois d’environ quatre pouces de diametre, autour duquel j’ai attaché chacune ayant environ un pié de longueur. J’ai attaché aussi sur le cercle une anse de ruban de fil par lequel je veux suspendre cette chausse au col du vase où loge le panier, & par où coule le miel qui en sort. En passant dans cette chausse, il y déposera les saletés & les écumes qu’on vuidera, à mesure qu’elles s’y entasseront, ou dans les paniers ou dans les cribles que je propose, ou dans une autre chausse, tandis que le miel épuré tombera dans le vase au-dessous. Article de M. Barthés le pere, de la Société royale des sciences de Montpellier.

Mouches a miel du continant des îles de l’Amérique. Elles sont plus petites & plus noires que celles de l’Europe, errantes & vagabondes dans les bois, cherchant des troncs d’arbres creusés pour y établir leur demeure ; leur miel est toujours liquide comme du sirop, ce qui provient, sans doute, de l’extrème chaleur du climat ; c’est pourquoi ces mouches ont soin de l’enfermer dans des especes de ves-

sies, bien jointes les unes auprès des autres, &

disposées à-peu-près comme les alvéoles que font nos abeilles.

La cire qu’elles emploient dans leur travail est d’un noir un peu roussâtre, très-fine, très-douce au toucher, & s’étendant facilement entre les doigts, ce qui la rend très-propre pour tirer fort exactement les empreintes des pierres gravées en creux. Les moines de la nouvelle Espagne & de la côte de Carac s’en servent pour faire des cierges, qui donnent une lumiere fort triste : on en fait aussi des petits emplâtres pour ramolir les durillons & corps des piés. Les Caraïbes en composent une espece de mastic, qu’ils appellent many, servant à différens usages. Voyez l’article Many.

Cette cire est connue dans les Antilles sous le nom de cire de la Guadeloupe, d’où on l’apporte à la Martinique pour en faire des bouchons de bouteille ; elle ne blanchit jamais, pas même en la faisant bouillir dans une forte dissolution d’alkali fixe ; elle y prend seulement une couleur brune, ses parties perdent leur liaison, & elle devient séche & friable ; si, après l’avoir lotionnée plusieurs fois dans de l’eau bouillante on la fait liquefier sur le feu, elle reprend sa couleur noire ; mais elle n’a plus sa premiere qualité, & se trouve fort altérée, l’alkali ayant décomposé une portion de son huile constituante. M. le Romain.

Mouche guêpe, voyez Guêpes.

Mouche porte-lanterne, voyez Porte-lanterne.

Mouche baliste ; on nous en a envoyé la description suivante de Lizieux : cette mouche, la seule que j’aye vû de son espece, dit M. l’abbé Préaux, avoit seize ou dix-sept lignes de long, sur à peu-près deux lignes de diametre dans la plus grosse partie de son ventre ; la tête brune, le dos d’un verd olive, & le ventre rouge de grenade, partagé dans sa longueur d’une ligne jaune : elle a quatre aîles attachées à un corcelet ; mousse dans sa partie postérieure. (Nous n’avons pu en insérer ici la figure.) J’étois à la chasse, dit l’auteur, lorsque je pris cet insecte. La chaleur m’avoit contraint de m’asseoir à l’ombre d’un chêne : je sentis un petit corps me frapper le visage, ce qui me fit lever la vue : j’apperçus une grosse mouche de l’espece que les enfans nomment messieurs, pour la distinguer d’une autre espece de demoiselles beaucoup plus petite, qui naît de la chrysalide du fourmi-lion. Cet animal voloit avec une très-grande rapidité autour de l’arbre, & je ne fus pas long-tems à m’appercevoir qu’il régloit son vol sur les tours & les détours d’un autre insecte plus petit qui fuyoit devant lui. Pendant que je considérois ce combat, je reçus sur le front un coup semblable au premier qui m’avoit touché un moment auparavant, & cela dans l’instant où la mouche poursuivie & son ennemi, passoient à peu-près à la hauteur de ma tête. Je dis son ennemi, parce que je connois les messieurs très friands des autres mouches : j’ignore cependant s’ils mangent indifféremment tous les insectes volans. Je ne sais trop sur quel soupçon je pris mon mouchoir pour abattre le plus gros des deux insectes, il m’échappa, mais je frappai la mouche, qui tomba au pié de l’arbre. L’ayant prise par les aîles je la considérois, lorsqu’après avoir retroussé son corps vers les doigts où je la tenois, comme pour me piquer, elle le rabaissa d’un mouvement aussi subit que celui d’un ressort qui reprend sa ligne. Ce jeu se répéta trois ou quatre fois sans que j’eusse lieu de deviner quel en étoit l’objet ; mais un petit corps qui me tomba sur l’autre main m’ayant rendu plus attentif aux mouvemens de ma mouche, que je nommerai si vous le voulez, mouche baliste, de βάλλω, je lance, je vis qu’en