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nous allons principalement la considérer.

L’histoire de cette philosophie est fort courte ; les principes n’en furent publiés qu’en 1686, par l’auteur, alors membre du college de la Trinité à Cambridge, ensuite publiés de nouveau en 1713, avec des augmentations considérables.

En 1726, un an avant la mort de l’auteur, on donna encore une nouvelle édition de l’ouvrage qui les contient, & qui est intitulé Philosophiæ naturalis principia mathematica, ouvrage immortel, & un des plus beaux que l’esprit humain ait jamais produits.

Quelques auteurs ont tenté de rendre la philosophie newtonienne plus facile à entendre, en mettant à part ce qu’il y avoit de plus sublime dans les recherches mathématiques, & y substituant des raisonnemens plus simples, ou des expériences : c’est ce qu’ont fait principalement Whiston dans ses Prælections physico-mathem. Gravesande dans ses Elémens & Institutions.

M. Pemberton, membre de la Société royale de Londres, & auteur de la 3° édition des Principes, a donné aussi un ouvrage intitulé View of the newtonian philosophy, idée de la philosophie de Newton ; cet ouvrage est une espece de commentaire par lequel l’auteur a tâché de mettre cette philosophie à la portée du plus grand nombre des géometres & des physiciens : les peres le Seur & Jacquier, minimes, ont aussi donné au public en trois volumes in-4°. le livre des principes de Newton avec un commentaire fort ample, & qui peut être très-utile à ceux qui veulent lire l’excellent ouvrage du philosophe anglois. On doit joindre à ces ouvrages celui de M. Maclaurin, qui a pour titre, Exposition des découvertes du chevalier Newton, traduite en françois depuis quelques années, & le commentaire que madame la marquise du Chatelet nous a laissé sur les principes de Newton, avec une traduction de ce même ouvrage.

Nonobstant le grand mérite de cette philosophie, & l’autorité universelle qu’elle a maintenant en Angleterre, elle ne s’y établit d’abord que fort lentement ; à peine le Newtonianisme eut-il d’abord dans toute la nation deux ou trois sectateurs : le cartésianisme & le léibinitianisme y regnoient dans toute leur force.

M. Newton a exposé cette philosophie dans le troisieme livre de ses principes ; les deux livres précédens servent à préparer, pour ainsi dire, la voie, & à établir les principes mathématiques qui servent de fondement à cette philosophie.

Telles sont les lois générales du mouvement, des forces centrales & centripetes, de la pesanteur des corps, de la résistance des milieux. Voyez Central, Gravité, Resistance, &c.

Pour rendre ces recherches moins seches & moins géométriques l’auteur les a ornées par des remarques philosophiques qui roulent principalement sur la densité & la résistance des corps, sur le mouvement de la lumiere & du son, sur le vuide, &c.

Dans le troisieme livre l’auteur explique sa philosophie, & des principes qu’il a posés auparavant il déduit la structure de l’univers, la force de la gravité qui fait tendre les corps vers le Soleil & les planetes ; c’est par cette même force qu’il explique le mouvement des cometes, la théorie de la Lune, & le flux & reflux.

Ce livre, que nous appellons de mundi systemate, avoit d’abord été écrit dans une forme ordinaire, comme l’auteur nous l’apprend ; mais il considera dans la suite que les lecteurs peu accoutumés à des principes tels que les siens, pourroient ne pas sentir la force des conséquences, & auroient peine à se défaire de leurs anciens préjugés ; pour obvier à cet inconvénient, & pour empêcher son système

d’être l’objet d’une dispute éternelle, l’auteur lui donna une forme mathématique en l’arrangeant par propositions, de sorte qu’on ne peut la lire & l’entendre que quand on est bien au fait des principes qui précedent ; mais il n’est pas nécessaire d’entendre généralement tout. Plusieurs propositions de cet ouvrage seroient capables d’arrêter les géometres même de la plus grande force. Il suffit d’avoir lû les définitions, les lois du mouvement, & les trois premieres sections du premier livre, après quoi l’auteur avertit lui-même qu’on peut passer au livre de systemate mundi.

Les différens points de cette philosophie sont expliqués dans ce dictionnaire aux articles qui y ont rapport. Voyez Soleil, Lune, Planete, Comete, Terre, Milieu, Matiere, &c. nous nous contenterons de donner ici une idée générale du tout, pour faire connoître au lecteur le rapport que les différentes parties de ce système ont entre elles.

Le grand principe sur lequel est fondée toute cette philosophie, c’est la gravitation universelle : ce principe n’est pas nouveau. Kepler, long-tems auparavant, en avoit donné les premieres idées dans son Introd. ad mot. martis. il découvrit même quelques propriétés qui en résultoient, & les effets que la gravité pouvoit produire dans les mouvemens des planetes ; mais la gloire de porter ce principe jusqu’à la démonstration physique, étoit reservée au philosophe anglois. Voyez Gravité.

La preuve de ce principe par les phénomenes, jointe avec l’application de ce même principe aux phénomenes de la nature, ou l’usage que fait l’auteur de ce principe pour expliquer ces phénomenes, constitue le système de M. Newton, dont voici l’extrait abrégé.

I. Les phénomenes sont 1°. que les satellites de Jupiter décrivent autour de cette planete des aires proportionnelles aux tems, & que les tems de leurs révolutions sont entre eux en raison sesquiplée de leurs distances au centre de Jupiter, observation sur laquelle tous les Astronomes s’accordent. 2°. Le même phénomene a lieu dans les satellites de Saturne, considérés par rapport à Saturne, & dans la Lune considérée par rapport à la Terre. 3°. Les tems des révolutions des planetes premieres autour du Soleil sont en raison sesquiplée de leurs moyennes distances au Soleil. 4°. Les planetes premieres ne décrivent point autour de la terre des aires proportionnelles aux tems : elles paroissent quelquefois stationnaires, quelquefois rétrogrades par rapport à elle. Voyez Satellite, Période.

II. La force qui détourne continuellement les satellites de Jupiter du mouvement rectiligne & qui les retient dans leurs orbites, est dirigée vers le centre de Jupiter, & est en raison inverse du quarré de la distance à ce centre : la même chose a lieu dans les satellites de Saturne à l’égard de Saturne, dans la Lune à l’égard de la Terre, & dans les planetes premieres à l’égard du Soleil ; ces vérités sont une suite du rapport observé des distances aux tems périodiques, & de la proportionnalité des aires aux tems. Voyez les articles Central & Force, où vous trouverez tous les principes nécessaires pour tirer ces conséquences.

III. La Lune pese vers la terre, & est retenue dans son orbite par la force de la gravité ; la même chose a lieu dans les autres satellites à l’égard de leurs planetes premieres, & dans les planetes premieres à l’égard du Soleil. Voyez Lune & Gravitation.

Cette proposition se prouve ainsi pour la Lune : la moyenne distance de la Lune à la Terre est de 60 demi diametres terrestres ; sa période, par rapport aux étoiles fixes, est de 27 jours, 7 heures,