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dans le III. liv. de ses métamorphoses. C’est une leçon utile pour nous développer les funestes effets de l’amour propre. (D. J.)

NARCISSITE, s. f. (Hist. nat.) c’est une pierre dont parle Pline, & dont il ne nous apprend rien, sinon que l’on y voit des veines ou taches semblables à des narcisses.

NARCISSO-LEUCOIUM, (Botan.) genre de plante que nous nommons en François perce-neige. Voyez Perce-neige.

NARCOTIQUE, adj. (Méd. thérap.) ναρκοτικὸς, narcoticus, soporiferus, obstupefaciens. Ce mot tiré du grec ναρκοσις, sopor, stupor, que l’on trouve fréquemment employé dans Hippocrate, pour signifier la diminution du sentiment & du mouvement, par l’effet de celle de la distribution du fluide nerveux, d’où s’ensuit le relachement des nerfs.

Ainsi, on a appellé narcotiques les médicamens que l’on emploie pour diminuer le ton des solides trop augmenté par l’influence du cerveau ; par conséquent, pour relâcher le système nerveux : ensorte que ces médicamens sont absolument opposés aux stimulans, qui servent à relever, à augmenter le ton de ces mêmes solides.

Le ton est trop augmenté, ou il péche par excès ; lorsqu’il y a trop de sensibilité, ou de contractilité, ou de mouvement dans tout le corps, ou dans quelques-unes de ses parties : le trop de mouvement suit ordinairement le trop de sensibilité.

Tous les secours de l’art que l’on emploie pour faire cesser cet état violent, sont regardés comme relâchans : les anciens distinguoient trois sortes de relâchans ; & voici sur quoi ils se fondoient.

Le ton peut être généralement augmenté dans tous les solides du corps humain par des causes internes ; ou bien il peut être augmenté seulement dans une partie déterminée, & de-là, par communication, dans toute sa machine. Par exemple, supposé qu’une épine soit fichée dans une partie tendineuse ; le ton des solides des nerfs de cette partie paroît évidemment augmenté ; puisqu’il y survient des mouvemens convulsifs : souvent même les convulsions s’étendent à tout le corps : dans ce cas-là, par conséquent, le ton est augmenté dans toutes les parties du corps ; mais seulement par une suite de l’augmentation du ton dans la partie affectée.

Cela posé, les anciens considéroient les médicamens qui agissoient immédiatement, & diminuoient l’éréthisme dans la partie affectée, dont le vice se communiquoit à toutes les autres parties : ils appelloient anodins, ceux qui diminuoient le ton excessif en diminuant la sensibilité.

Il peut aussi se faire, que ce ton soit diminué en faisant cesser la cause qui l’avoit augmenté : comme lorsque dans la supposition qui a été faite, on parvient à ôter, à tirer l’épine qui étoit fichée dans une partie bien sensible ; car ce corps étranger étant emporté, le ton, & par conséquent la sensibilité, diminuent dans cette partie presque sur le champ, & par conséquent dans toutes les autres où ils n’étoient augmentés que conséquemment à la partie affectée.

Les médicamens qui diminuent ainsi le ton, en servant à ôter la cause qui l’avoit trop augmentée, sont ceux que les anciens appelloient parégoriques ; c’est-à-dire, consolans ; parce que la cause du mal étant ôtée, les malades se sentent promptement soulagés, & comme consolés d’en être délivrés.

Les anciens consideroient encore une autre sorte de médicamens relâchans, en tant qu’ils concevoient des moyens qui n’opéroient le relâchement qu’en diminuant la faculté de sentir, & l’irritabilité, sans agir immédiatement & spécialement sur la partie affectée ; mais en portant leur effet sur tout le système nerveux, sur l’origine même des nerfs : ce sont les

médicamens qu’ils appelloient narcotiques. Les médicamens qui, en relâchant de cette maniere, procurent en même tems le sommeil, sont ceux qu’ils appelloient hypnotiques.

Ce qui vient d’être dit n’empêche pas qu’en général, par le mot anodin, on n’entende tout médicament qui calme la douleur par le relâchement ; mais le même mot pris à la rigueur, signifie un médicament qui calme la douleur, en agissant immédiatement & spécialement sur la partie affectée, dont il diminue le ton : & de même on entend en général par narcotique, les médicamens qui font dormir, en agissant sur l’origine des nerfs, sur tout le système nerveux ; quoique les médicamens qui produisent cet effet soient appellés proprement hypnotiques. Voyez Relachant, Anodin, Hypnotique, Parégorique, Calmant, Sédatif, Nerf, Sensibilité, Irritabilité, Douleur, Sommeil .

Comme les anodins proprement dits appartiennent à la matiere médicale externe, il ne sera question ici que des médicamens de la troisieme classe, c’est-à-dire, des narcotiques, qui sont presque tous tirés du pavot & de ses préparations.

Les effets sensibles des narcotiques sont généraux ou particuliers : on entend par effets généraux des narcotiques, ceux qu’ils produisent le plus constamment. Les effets particuliers sont ceux qu’ils produisent par rapport à certaines circonstances.

Voici l’exposition des effets généraux : quelque tems après qu’on a donné un narcotique à une personne qui en a besoin, l’exercice des sens diminue peu-à-peu ; elle se sent appesantie : les organes du mouvement se refusent de plus en plus à leurs actions ordinaires ; l’assoupissement vient ; la chaleur animale augmente ; le pouls devient plus élevé, plus plein, plus souple, ou plus mou, sans augmenter cependant en fréquence ; la peau paroît moette, & se couvre ensuite de sueur, pendant que toutes les autres sécrétions & excrétions diminuent. Le sommeil est plus ou moins long, plus ou moins profond, suivant l’activité des narcotiques & la disposition du sujet. La personne en s’éveillant sent sa tête appesantie, se trouve comme engourdie, & se plaint d’une espece de langueur d’estomac : ce qui arrive toujours, si le reméde n’a pas été donné avec une certaine précaution.

Les effets particuliers des narcotiques dépendent 1o . de l’idiosyncrasie ; 2o . de l’habitude ; 3o . de certaines causes particulieres.

A l’égard de l’idiosyncrasie, l’expérience fait voir que les narcotiques, bien loin de produire les effets ci-devant, procurent, au contraire, des insomnies, des veilles opiniâtres, des agitations d’estomac, des nausées, des vomissemens, des mouvemens convulsifs, des délires maniaques, furieux, dans les tempéramens vifs, bilieux, dans ces personnes dont la tête se prend aisément, comme dans les femmes hystériques.

L’habitude ou la coutume met aussi de grandes différences dans les effets des narcotiques ; car on observe tous les jours que les personnes qui se sont habituées peu-à-peu aux narcotiques, ont besoin quelquefois d’une grande dose d’opium pour faire leurs fonctions dans la veille avec une certaine aisance ; autrement ils sont pesans, engourdis pour l’esprit comme pour le corps. C’est ainsi que les Turcs habitués à l’opium, au lieu de prendre de l’eau-de-vie, comme nos soldats, pour s’animer au combat, prennent, au contraire, une forte dose d’opium ; par où l’on voit que les effets particuliers sont bien différens des généraux, tant à cause du tempérament, qu’à cause de la coutume.

Il arrive assez souvent que les excrétions, comme celles de l’urine, de l’expectoration, &c. sont supprimées, à cause du spasme, de l’éréthisme des par-