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qu’après qu’ils sont pondus : tels sont les œufs des poissons, où se forme un albumen pour les garantir de l’eau lorsqu’ils sont déja hors du corps de la mere.

Une autre différence, c’est qu’il y en a de fécondés & d’autres qui ne le sont point : les premiers sont ceux qui contiennent un sperme que le mâle injecte dans le coït, pour les disposer à la conception ; les autres ne sont point imprégnés de ce sperme, & ne donnent jamais des petits par incubation, mais seulement par putréfaction. Un œuf fécondé contient les rudimens du poulet avant même que la poule ait commencé à le couver. Le microscope nous fait voir à découvert dans le milieu de la cicatricule la carcasse du poulet qui nage dans le liquamen ou l’humeur ; elle est composée de cinq petites zones ou cordons que la chaleur de l’incubation future grossit en rarefiant & liquefiant la matiere premiere de l’albumen, & ensuite celle du germe, & les faisant entrer dans les vaisseaux de la cicatricule pour y recevoir encore une préparation, une digestion, une assimilation & une accrétion ultérieure, jusqu’à ce que le poulet devenu trop gros, ait rompu la coque & soit éclos.

On croyoit autrefois qu’il n’y avoit que les oiseaux & les poissons, avec quelques autres animaux, qui fussent produits ab ovo, par des œufs ; mais le plus grand nombre des modernes inclinent plutôt à penser que tous les animaux & les hommes mêmes sont engendrés de cette maniere. Harvé, Graaf, Kerkringius, & quelques grands anatomistes, ont si bien défendu cette opinion, qu’elle est à-présent généralement reçue.

On voit dans les testicules des femmes de petites vésicules qui sont environ de la grosseur d’un pois verd, qu’on regarde comme des œufs : c’est ce qui a fait donner par les modernes le nom d’ovaires à ces parties, que les anciens appelloient testicules ; ces œufs fécondés par la partie la plus volatile & la plus spiritueuse de la semence du mâle, se détachent de l’ovaire & tombent par le conduit de Fallope dans la matrice, où ils se forment & grossissent. Voyez Conception & Génération.

Plusieurs observations & plusieurs expériences concourent pour donner plus de poids à ce système, & pour le confirmer. M. de Saint-Maurice ayant ouvert une femme à Paris en 1682, lui trouva un fœtus parfaitement formé dans le testicule.

M. Olivier médecin de Brest, assure qu’en 1684, une femme qui étoit grosse de sept mois accoucha dans son lit d’un grand plat d’œufs, liés ensemble comme une grappe de raisin, & de différentes grosseurs, depuis celle d’une lentille, jusqu’à celle d’un œuf de pigeon. Wormius rapporte avoir vu lui-même une femme qui étoit accouchée d’un œuf ; & Bartholin confirme la même chose, Cent. prem. hist. anat. IV. p. 11. Le même auteur dit qu’il avoit connu à Coppenhague une femme, qui au bout de douze semaines de grossesse, avoit jetté un œuf enveloppé d’une coque mollasse. Lauzonus, Dec. 11. ann. IX. obs. xxxviij. p. 731. des mém. des curieux de la nature, rapporte la même chose d’une autre femme grosse de sept semaines. L’œuf qu’elle rendit, n’étoit ni aussi gros qu’un œuf de poule, ni aussi petit qu’un œuf de pigeon : il étoit couvert de membranes, au lieu de coque. La membrane extérieure appellée chorion, étoit épaisse & sanguinolente ; l’intérieure nommée amnios, étoit déliée & transparente ; & elle renfermoit une humeur blanchâtre, dans laquelle nageoit l’embryon attaché par les vaisseaux umbilicaux, lesquels ressembloient à des fils de soie.

Bonnet dans sa lettre à Zuinger, publiée dans les éphémérides des curieux de la nature, Déc. ann.

2. observ. clxxxvj. p. 417. rapporte qu’une jeune fille avoit rendu une grande quantité de petits œufs. Conrade Virsungius dit qu’en faisant l’anatomie d’une femme qui avoit une descente, il trouva dans une des trompes des œufs de différentes grosseurs. Enfin, on voit encore de semblables exemples dans Rhodius, Cent. 111. observ. lvij. & dans différens endroits des mémoires des curieux de la nature : de sorte que Berger dans son traité de naturâ humanâ, liv. II. chap. j. p. 461. n’hésite point de penser que la seule différence qu’il y ait entre les animaux qu’on nomme vivipares, & ceux qu’on appelle ovipares, c’est que les derniers jettent leurs œufs hors de leur corps, & les déposent dans un nid, & que leurs œufs contiennent toute la nourriture nécessaire à leur fruit ; au lieu que dans les derniers, les œufs sont déposés des ovaires dans la matrice, qu’ils ont peu de suc, & que la mere fournit le reste de l’aliment.

Il n’y a pas jusqu’aux plantes dont Empedocles, & depuis Malpighi, Rallius, Fabrice d’Aquapendente, Grew, & d’autres, n’ayent prétendu que la génération se fait par des œufs. Voyez Plante.

D’un autre côté, nous avons plusieurs exemples où les animaux ovipares ont produit leurs petits tout vivans & sans œufs. On en rapporte en particulier d’un corbeau, d’une poule, de serpens, d’un poisson, d’anguilles, &c. Voyez Isibord, ab Amelanxen, breviar. memorabil. n°.28. in append. mém. nat. cur. dec. 11. an. 4. p. 201. Lyserus, observ. VI. envoyée à Bartholin, Aldrovand. hist. serp. & dracon. p. 309. Seb. Nuremberg, de miraculis naturæ in Europ. c. xlj. franc. Paulin, de anguilla, sect. prem. chap. ij. &c.

Ce n’est pas tout : les Physiciens rapportent des exemples de mâles qui ont jetté des œufs par le fondement. Ce fait paroîtra si ridicule à un lecteur sage, qu’on pourroit nous blâmer de transcrire ici les passages sur lesquels on l’appuie ; & ainsi nous nous contenterons de renvoyer le lecteur qui aura assez de curiosité pour les confronter aux auteurs d’où nous aurions pû les tirer : savoir, Christophe Paulin, Cynograph. curios. sect. I. liv. III. §. 56. M. nat. cur. Dec. 11. ann. 8. observ. cxvij. p. 261. & Dec. 1. ann. 2. observ. ccl. & Dec. 11. ann. 4. append. 199. Schculk, hist. monast. p. 129. &c.

M. Hotterfort pense qu’il a bien pu se faire au moins dans quelque cas, que ce qu’on avoit pris pour des œufs, ne fût que des alimens mal digérés & coagulés, ainsi qu’il l’a trouvé une fois lui-même. Quant aux œufs des femmes, Wormius & Fromann, lib. III. de fascinat. v. 6. cap. xx. §. 9. pag. 882. ont cru que c’étoit un effet du pouvoir du démon ; mais M. Bartholin & M. Stotterfoht, se moquent avec raison de cette relation.

Gousset, de causis linguæ hebraïcæ, taxe le sentiment moderne de la génération ab ovo, d’être contraire à l’Ecriture ; & d’autres ont cru voir dans la semence des animaux mâles, l’animal en vie & tout formé. Voyez Animalcule & Semence.

Malpighi fait des observations très-curieuses avec le microscope de tous les changemens qui arrivent dans l’œuf qu’une poule couve de demi-heure en demi-heure. Vossius & divers autres auteurs sont fort embarrassés de décider cette question, lequel a existé le premier de l’œuf ou de la poule, de idol. lib. III. cap. lxxviij.

En Egypte, on fait éclore les œufs par la chaleur d’un fourneau ou d’un four, & on en fait quelquefois éclore sept ou huit mille tout-à-la-fois. On trouve la maniere dont on se sert pour cela décrite dans les Transactions philosophiques. Voyez Éclore. Voyez ces fours, Pl. d’Agricul.

On dit qu’à Tunquin on conserve les œufs pen-