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gieuse dépend peu de nous, & qui prêchent sans cesse aux souverains la tolérance générale, & aux peuples l’amour & la concorde ; de celles de tous les bons politiques qui savent les pertes immenses que l’état a faites par cet édit de révocation, qui exila du royaume une infinité de familles, & envoya nos ouvriers & nos manufactures chez l’étranger.

Il est certain qu’on viola à l’égard des Protestans, la foi des traités & des édits donnés & confirmés par tant de rois ; & c’est ce que Bayle démontre sans réplique dans ses lettres critiques sur l’histoire du Calvinisme. Sans entrer ici dans la question, si le prince a droit ou non de ne point tolérer les sectes opposées à la religion dominante dans son état, je dis que celui qui penseroit aujourd’hui qu’un prince doit ramener par la force tous ses sujets à la même croyance, passeroit pour un homme de sang ; que graces à une infinité de sages écrivains, on a compris que rien n’est plus contraire à la saine religion, à la justice, à la bonne politique & à l’intérêt public que la tyrannie sur les ames.

On ne peut nier que l’état ne soit dans un danger imminent lorsqu’il est divisé par deux cultes opposés, & qu’il est difficile d’établir une paix solide entre ces deux cultes ; mais est-ce une raison pour exterminer les adhérans à l’un des deux ? n’en seroit-ce pas plutôt une au contraire pour affoiblir l’esprit de fanatisme, en favorisant tous les cultes indistinctement ; moyen qui appelleroit en même tems dans l’état une infinité d’étrangers, qui mettroit sans cesse un homme à portée d’en voir un autre séparé de lui par la maniere de penser sur la religion, pratiquer cependant les mêmes vertus, traiter avec la même bonne foi, exercer les mêmes actes de charité, d’humanité & de bienfaisance ; qui rapprocheroit les sujets les uns des autres ; qui leur inspireroit le respect pour la loi civile qui les protegeroit tous également ; & qui donneroit à la morale que la nature a gravée dans tous les cœurs, la préférence qu’elle mérite.

Si les premiers chrétiens mouroient en bénissant les empereurs payens, & ne leur arrachoient pas par la force des armes des édits favorables à la Religion, ils ne s’en plaignoient pas moins amérement de la liberté qu’on leur ôtoit, de servir leur Dieu selon la lumiere de leur conscience.

En Angleterre, par édit de pacification on entend ceux que fit le roi Charles I. pour mettre fin aux troubles civils entre l’Angleterre & l’Ecosse en 1638. Voyez Edit.

On appelle aussi pacification en Hongrie des conditions proposées par les états du royaume, & acceptées par l’archiduc Léopold en 1655 ; mais ce prince devenu empereur, ne se piqua pas de les observer exactement, ce qui causa de nouveaux troubles dans ce royaume pendant tout son regne.

PACIFIER, v. act. (Gramm.) appaiser, rétablir la paix. Les troubles du royaume ont été pacifiés par les soins de ce ministre.

Pacifier, se pacifier, (Marine.) on se sert de ce terme sur mer. La mer se pacifia ; l’air fut pacifié par un grand calme.

PACIFIQUE, adj. (Gram.) qui aime la paix. On dit ce fut un prince pacifique. Le Christ dit bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appellés enfans de Dieu. Voilà un titre auquel l’auteur de l’apologie de la révocation de l’édit de Nantes doit renoncer. Un regne pacifique est celui qui n’a été troublé ni par des séditions ni par des guerres. Un possesseur pacifique est celui dont le tems de la jouissance tranquillise & assure la possession. Un bénéfice pacifique celui dont le titre n’est & ne peut être contesté.

Pacifiques ou Pacificateurs, s. m. (Hist. eccl.) est le nom qu’on donna dans le vj. siecle à ceux qui suivoient l’hénotique de l’empereur Zénon, & qui

sous prétexte d’union entre les Catholiques & les Hérétiques, détruisoient la vérité de la foi, exprimée dans le concile de Chalcédoine. Evagre, liv. III. Scandere, Hœr, 103. Baronius A. C. 582. n. 25. Voyez Hénotique.

Pacifiques, (Hist. ecclés.) on donna dans le xvj. siecle ce nom à certains anabatistes qui courant dans les bourgs, se vantoient d’annoncer la paix, & par cet artifice trompoient les peuples. Prateole V. pacif. fœdere. Hœer. 232.

Pacifiques, (Jurisprud.) voyez Lettres Pacifique & le mot Pacificis.

Pacifique, adj. (Géogr.) les Géographes appellent la mer du Sud mer pacifique, mare pacificum, parce qu’elle est, dit-on, beaucoup moins sujette aux tempêtes que l’Océan atlantique ou mer du Nord. Cependant quelques navigateurs assurent qu’elle ne mérite point ce nom, & qu’ils y ont essuyé des tempêtes aussi violentes que dans aucune autre mer. Mais Magellan ayant vogué sur cette vaste mer avec un vent favorable, & y ayant fait un voyage fort tranquille lorsqu’il la traversa pour la premiere fois en 1520, lui donna le nom de mer pacifique, qu’elle a toujours conservé depuis.

Les vents y sont ordinairement si réglés, que les vaisseaux peuvent aller de l’Amérique aux îles Philippines en dix semaines de tems ou environ. Voyez Alisé & Vent. Chambers.

La mer Pacifique en Géographie, s’appelle mer du Sud. Voyez Mer du Sud. L’Océan pacifique ou grande mer du Sud est située entre la côte occidentale d’Asie & d’Amérique ; elle s’étend jusqu’à la Chine & aux îles Philippines.

PACIFICIS, regle de, (Jurisprud.) Voyez au mot Regle. (A)

PACKBUYS, s. m. (Commerce.) on nomme ainsi en Hollande les magasins de dépôt où l’on serre les marchandises soit à leur arrivée, soit à la sortie du pays, lorsque pour quelque raison légitime on n’en peut sur-le-champ payer les droits, ou qu’elles ne peuvent être retirées par les marchands & propriétaires, ou dans quelqu’autre pareille circonstance. Dictionn. de Comm.

PACO, s. m. (Minéralog.) c’est ainsi que les Espagnols d’Amérique nomment une substance minérale que l’on tire des mines d’argent du Pérou & du Chily. Elle est d’un rouge jaunâtre, tendre & naturellement brisée par morceaux ; elle est peu riche, c’est-à-dire qu’elle ne produit que très-peu d’argent.

PACOBA, s. m. (Hist. nat. Botan.) petit arbre qui croit dans plusieurs provinces des Indes orientales & occidentales ; il s’appelle autrement musa. V. Musa.

PACO-CAATINGA, s. m. (Botan. exot.) genre de canne conifere du Brésil qui contient quelques especes distinguées les unes par des fleurs tétrapétales rouges, & les autres par des fleurs tétrapétales bleues. Ray, hist. plant.

PACONIA, (Géog. anc.) île sur la côte septentrionale de la Sicile. Ptolomée la place vers l’embouchure du fleuve Bathys. Cluvier juge que cette île est celle que l’on nomme aujourd’hui isola di Fimi, ou isola delle Femine.

PACOS, s. m. (Zoologie.) espece de chameau qui passe si communément pour être une espece de mouton, qu’on l’appelle le mouton des Indes, le mouton du Pérou. Il ressemble fort au chameau nommé glama par les Naturalistes ; mais il est beaucoup plus petit, moins traitable, & même très-revêche.

Ce qui a fait regarder cet animal comme une espece de mouton, c’est qu’il est prodigieusement couvert d’un long poil qui imite de la laine ; sa tête & son col seulement en sont plus garnis qu’il n’y a de laine sur les gros moutons d’Angleterre ; tout le reste de son corps n’est pas moins chargé de poil laineux & très-fin.