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vertu, & félicitoit Menélas d’avoir obtenu la préférence sur ses rivaux.

Les premiers défenseurs de la religion chrétienne, saint Justin, saint Clément, & Eusebe, ont cité sous ce titre une hymne qu’ils attribuent à Orphée : elle est fort belle pour le fond des choses & pour la grandeur des images ; le lecteur en va juger, même par une foible traduction.

« Tel est l’Etre suprême que le ciel tout entier ne fait que sa couronne ; il est assis sur un trône d’or, & entouré d’anges infatigables ; ses piés touchent la terre ; de sa droite il atteint jusqu’aux extrémités de l’Océan ; à son aspect les plus hautes montagnes tremblent, & les mers frissonnent dans leurs plus profonds abîmes ».

Mais il est difficile de se persuader qu’Orphée qui avoit établi dans la Grece jusqu’à trois cens divinités, ait pû changer ainsi de sentiment, chanter une semblable palinodie ; aussi la critique range celle-ci parmi les fraudes pieuses qui ne furent pas inconnues aux premiers siecles du christianisme.

La sixieme ode du premier livre des Odes d’Horace, qui commence par ces mots, ô matre pulchra filia pulchrior, est une vraie palinodie, mais la plus mignonne & la plus délicate.

PALINTOCIE, s. m. (Mytholog.) nom tiré du grec πάλιν, de nouveau, & τόκος, du verbe τίκτω, je mets au monde, par lequel les anciens exprimoient la renaissance, ou la seconde naissance d’un enfant. Il n’y a guere que la fable de Bacchus tiré des entrailles de sa mere expirante, renfermé ensuite dans la cuisse de Jupiter, d’où il sortit à terme, à laquelle ou puisse ajouter une pareille expression.

Palintocie est aussi en usage pour signifier la restitution d’une usure, ou le remboursement des intérêts. Les habitans de Mégare, après avoir chassé leur tyran, ordonnerent la palintocie, c’est-à-dire qu’ils obligerent par une loi tous les créanciers à rembourser à leurs débiteurs les intérêts qu’ils avoient reçus de ceux-ci pour toutes les sommes prêtées. Voyez Intérêt & Usure.

PALINURUS, (Géog. anc.) promontoire d’Italie, à l’extrémité du golfe Pæstanus, aujourd’hui le cap Palinure, Palenudo, ou Palmiro. Virgile raconte que ce cap a pris son nom de Palinure, pilote d’Enée, qui étant accablé de sommeil, se laissa tomber dans la mer avec son gouvernail. Les flots ayant porté son corps jusqu’au port de Vilia, les habitans le dépouillerent & le rejetterent dans la mer, ce qui leur attira une grande peste : peu de tems après, ayant consulté sur ce fléau l’oracle d’Apollon, il leur fut répondu d’appaiser les manes de Palinure ; après cette réponse ils lui dédierent un bois sacré, & lui éleverent un tombeau sur le promontoire voisin, qui a retenu le nom de Palinure.

Et statuent tumulum, & tumulo solemnia mittent,
Æternumque locus Palinuri nomen habebit.

Enéid. l. VI. v. 380.

Pline, Mela, Paterculus en parlent ; mais Denis d’Halycarnasse est le seul qui y joigne un port de même nom. (D. J.)

PALIQUES, s. m. pl. (Mythol.) c’est ainsi que l’on a nommé deux enfans jumeaux que Jupiter eut de la nymphe Thalie. Thalie craignit tellement la colere de Junon, qu’elle pria la Terre de l’engloutir. Elle fut exaucée. Elle accoucha dans le sein de la Terre de deux enfans qui en sortirent un jour par une seconde ouverture. Ces deux enfans appellés paliques de leur renaissance, furent adorés comme des dieux. Il se forma sur la seconde ouverture une fontaine qu’on nomma paliune, & qui étoit en telle vénération, qu’elle servoit à l’épreuve des parjures. L’accusé écrivoit sur des tablettes ce qu’il préten-

doit être vrai, & les jettoit dans l’eau ; si elles de

meuroient suspendues à la surface, il étoit innocent, si elles alloient au fond, il étoit coupable. On sacrifioit aux deux paliques des victimes humaines ; toutes ces merveilles se passerent en Sicile, où la coûtume barbare de répandre le sang humain aux autels des paliques, fut abolie avec le tems.

PALIR. Voyez Pale & Paleur. Les passions qui viennent presque toutes se répandre sur le visage, y produisent des effets si différens, qu’il ne nous manque que plus d’expérience & de meilleurs yeux pour les y reconnoître comme dans un miroir fidele, & lire sur le front de l’homme l’histoire de son ame ; à mesure qu’elle se forme, ses desirs, ses haines, ses aversions, la colere, la peur, l’incertitude, &c. La honte fait rougir ; la crainte fait pâlir.

PALI, s. m. terme de Pêche, usité dans le ressort de l’amirauté d’Abbéville ; c’est une sorte de rets ou filet tendu en maniere de haut parc.

Les rets de hauts parcs ou pali, sont de deux sortes ; les plus serrés ont neuf lignes & un pouce en quarré pour la pêche des maquereaux ou roblots, des harangs & autres poissons passagers ; les plus larges mailles ont dix-huit à dix-neuf lignes, & servent à la pêche des solles & autres poissons plats ; c’est plûtôt une espece de cibaudiere non flottée ou montée sur piquets ; le pié du rets est enfoui dans le sable, sans quoi il seroit impossible d’arrêter aucun poisson autre que ceux qui se maillent ; ce qui n’arrive point au poisson plat, mais seulement au poisson rond, les premiers ne se prenant qu’au pié du filet, où ils restent à sec de basse marée.

Les rets de bas parcs commencent à être en regle par le soin & la vigilance des officiers du ressort, qui ont fait brûler à Berclk un grand nombre de filets abusifs par leur usage, & par la petitesse de leurs mailles ; ces rets ont leurs mailles de dix-neuf, vingt-une à vingt-trois lignes en quarré ; ces dernieres approchent fort de la police ordonnée par la déclaration de sa majesté du 18 Mars 1727.

PALIS, s. m. (Charpenterie.) c’est un petit pal pointu, dont plusieurs arrangés ensemble, font une clôture ou séparation dans des cours, ou dans des jardins. (D. J.)

PALISSADES, s. f. pl. en terme de Fortification, sont des pieux de chêne épointés, d’environ neuf piés de hauteur, qu’on enfonce de trois dans les terres. On en met sur la banquette du chemin couvert, & on s’en sert aussi pour faire des retranchemens dans les ouvrages qu’on veut disputer à l’ennemi ; on les met à deux pouces ou deux pouces & demi les uns des autres ; les pieux des palissades sont quarres & rangés en losange, c’est-à-dire qu’ils ont deux angles sur la ligne, un angle du côté de la campagne, & l’autre angle du côté de la place. Les palissades sont debout ou à-peu-près perpendiculaires à l’horison, en quoi elles different des fraises dont les pieux sont posés presque horisontalement. Voyez Fraise.

Les palissades servent à fortifier les avenues des postes ouverts, des gorges, des demi-lunes, le fond des fossés, les parapets des chemins couverts, & en général tous les postes où l’on craint des surprises & dont les approches sont faciles.

Il y a différens sentimens sur la maniere de planter les palissades. M. le maréchal de Vauban a fait une dissertation sur ce sujet dont on croit devoir donner ici l’extrait.

« On plante les palissades des chemins couverts de quatre manieres différentes.

» La premiere & la plus ancienne est celle qui les établit sur le haut du parapet, à deux piés près du bord qu’elle surmonte ordinairement de trois piés & demi ; les meilleures qualités de ces palissades