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D’autres avec M. Geoffroi le jeune mettent les perles au nombre des bezoards, comprenant sous cette classe toutes les pierres qui se forment par couches dans le corps des animaux. Voyez Bezoard.

M. de Reaumur a donné dans les mémoires de l’académie des Sciences, année 1717, un mémoire sur la conformation des coquilles & des perles… Il croit que les perles se produisent de même que les autres pierres dans les animaux ; par exemple, comme celles qui se forment dans la vessie, dans les reins, &c. & qu’elles sont apparemment les effets de quelques maladies ou de quelque desordre de l’animal où elles se trouvent. En effet, elles sont toutes formées d’une liqueur extravasée de quelques vaisseaux rompus, qui est retenue & fixée entre les membranes. Afin d’en faire sentir la possibilité, il fait voir que les coquilles de mer aussi-bien que celles de terre, par exemple celles des limaçons, &c. sont entierement formées d’une matiere glutineuse & pierreuse qui suinte du corps de l’animal ; ainsi il n’est pas étonnant qu’un animal, qui a des vaisseaux où circule une quantité de sucs pierreux, suffisante pour former une coquille, en ait assez pour produire des perles, dans le cas où les sucs, destinés à l’accroissement de la coquille, viendroient en trop grande abondance, & s’épancheroient dans quelque cavité du corps ou entre les membranes.

Pour confirmer ce système, l’auteur observe que la partie intérieure de la moule qui produit la perle commune, & que l’on trouve sur les côtes de Provence, est en partie d’une couleur de perle ou de nacre de perle, & en partie rougeâtre ; que les couleurs des perles sont précisément les mêmes que celles de la coquille ; que les perles d’une couleur se trouvent toujours dans la partie de la coquille de même couleur qu’elles. ce qui fait voir que dans le même endroit où la transpiration d’un certain suc a formé & auroit continué à former une tunique, ou une couche de coquille d’une certaine couleur, les vaisseaux qui ont apporté ce suc étant rompus, il s’y est formé une petite masse ou un petit amas de liqueur, laquelle venant à s’endurcir est devenue une perle de même couleur que la partie de la coquille qui lui correspond.

Ajoutez à cela que la partie de la coquille qui est de couleur d’argent ou de perle, est formée de couches posées les unes sur les autres, comme celles d’un oignon ; & que la partie rougeâtre est composée de petites fibres cylindriques & fort courtes, appliquées l’une contre l’autre : cette même tissure convient aux perles des deux couleurs ; ce n’est pas que ces deux especes soient composées toutes deux de couches concentriques, car celles des perles rougeâtres sont beaucoup moins sensibles, & de plus elles ont des traits ou des filets qui, semblables à des rayons, vont du centre à la circonférence. Toutes ces circonstances paroissent effectivement déterminer la formation des perles. Chambers.

Pour une perle qui se trouve dans le corps de l’animal, il y en a mille qui sont attachées à la coquille comme autant de verrues. Tous les coquillages de l’espece des meres-perles ne renferment pas des perles ; il y a lieu de croire que l’on n’en trouve que dans ceux qui sont viciés, aussi l’on a remarqué que les côtes où se fait la pêche des perles sont mal-saines, & que la chair de l’animal des meres-perles est encore plus mauvaise à manger, lorsqu’il y a réellement des perles, que lorsqu’il ne s’y en trouve point.

La perfection des perles, soit qu’elles soient rondes, en forme de poires, d’olives, ou d’une figure irréguliere, consiste principalement dans le lustre & la netteté de sa couleur ; c’est ce que l’on appelle son eau. Il y en a quelques-unes dont l’eau est blanche, ce sont les plus estimées en Europe, l’eau des autres tire sur le jaune ; quelques indiens & quelques arabes les

préferent aux blanches. Il y en a quelques-unes d’une couleur de plomb, quelques autres tirant sur le noir, & d’autres tout-à-fait noires.

Elles sont sujettes à changer quand on les porte ; dans l’espace de 80 ou 100 ans elles deviennent ordinairement d’une fort petite valeur, particulierement les blanches qui se jaunissent & qui se gâtent en 40 ou 50 ans.

Il n’est pas douteux que la différence des couleurs vient des différentes parties de l’huitre, ou les perles formées, quand le sperme ou la semence vient à être chassée dans le mesentere, ou dans le foie, ou dans les parties qui y répondent ; il n’est pas étonnant que les impuretés du sang changent leur blancheur naturelle.

En Europe, les perles se vendent au carat : le carat contenant quatre grains en Asie, on fait usage de différens poids pour les perles, suivant la différence des états. Voyez Carat.

On ne donne proprement le nom de perle qu’à ce qui ne tient point à la coquille, la coquille elle-même s’appellant nacre de perle. Les pieces qui ont tenu à la coquille, & qui en ont été détachées par l’adresse de l’ouvrier, se nomment loupes de perles, qui ne sont en effet autre chose que des excroissances arrondies, ou des pieces de sa coquille, quoiqu’on les prenne fort souvent pour la coquille même.

Le pere Bouhours observe que les perles ont cet avantage sur les pierres précieuses que l’on détache des rocs, &c. en ce que ces dernieres doivent leur lustre à l’industrie des hommes ; la nature ne faisant, pour ainsi dire, que les ébaucher, & laissant à l’art le soin de les finir : mais les perles ont d’elles-mêmes cette eau charmante qui en fait tout le prix. Elles se trouvent parfaitement polies dans les abysmes de la mer ; & la nature y a mis la derniere main avant que d’être séparées de leur mere.

Les perles d’une figure irréguliere, c’est-à-dire, qui ne sont ni rondes, ni en poires, sont appellées baroques ou perles d’Ecosse. Les perles parangones sont des perles d’une grosseur extraordinaire, comme celles de Cléopatre, que Pline évalue à quatre-vingt mille livres sterling : on en apporta une à Philippe II. en 1579, grosse comme un œuf de pigeon, prisée 14400 ducats. L’empereur Rodolphe avoit une perle parangone, grosse comme une poire muscade, pesante 30 carats, selon Boëce, & appellée la pelegrina ou l’incomparable : Tavernier fait mention d’une autre qui étoit entre les mains de l’empereur de Perse en 1633, & que l’on avoit achetée d’un arabe pour 32000 tomans ; à 3 livres 9 sols le toman, cela produit 110400 livres sterling.

Les perles sont de quelque usage en médecine, mais il n’y a que celles de la plus petite espece qui aient cette propriété ; on les appelle semence de perles : il faut pour cela qu’elles soient blanches, claires, transparentes, & véritablement orientales. Elles servent à composer des potions cordiales dont on faisoit autrefois un très-grand cas ; mais aujourd’hui elles ont perdu beaucoup de leur ancienne réputation, & il n’y a guère que des charlatans qui en fassent quelque cas.

Les dames font aussi usage, pour leur teint, de certaines préparations de perles, comme on leur fait accroire ; tels sont les blancs de perles, les fleurs, les essences, les esprits, les teintures de perles, &c. mais il y a beaucoup d’apparence que ce sont de pures tromperies.

Once-perles, voyez l’article Once.

Pêches des perles. On prend des perles dans les mers des Indes orientales, dans celles de l’Amérique, & en quelques parties de l’Europe. Voyez Pêche.

Les pêches de perles qui se font aux Indes orientales, sont 1°. à l’île de Bahren ou Baharem dans le golfe Persique : cette pêche appartenoit aux Portu-