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Poudre de Zell connue aussi sous le nom de pulvis auratus germanorum ; prenez cinnabre factice porphyrisé une once, cinnabre d’antimoine pulverisé demi-gros, sucre candi en poudre deux onces ; pulverisez de nouveau ces trois ingrediens en les porphyrisant ensemble : alors prenez d’ailleurs ambre gris une dragme que vous pulveriserez avec une partie de la poudre précédente & que vous mêlerez ensuite exactement avec tout le reste de cette poudre. Le mélange étant exactement fait, ajoutez peu-à-peu huile de cannelle un gros, & gardez cette poudre dans un vase exactement fermé.

La poudre de Zell est un de ces remedes précieux que la charlatanerie & la crédulité ont mis en vogue en divers tems par la considération même de leur prix, comme si être cher étoit la même chose qu’être bon. Quoi qu’il en soit, la poudre de Zell n’est véritablement, ou du moins évidemment médicamenteuse, que par l’ambre gris (qui est en même tems son ingrédient le plus cher), & par l’huile de cannelle, qu’au reste il seroit plus conforme aux regles de l’art d’unir d’avance au sucre. Ces deux substances sont cordiales, toniques, stomachiques, échauffantes, aphrodisiaques, nervines ; les cinnabres qui sont donnés pour posséder cette derniere vertu, & même la vertu anti-spasmodique, sont très-vraisemblablement des substances sans vertu, lorsqu’on les prend intérieurement en substance : d’ailleurs c’est pure charlatanerie ou ignorance grossiere, que d’employer en même tems le cinnabre factice & le cinnabre d’antimoine, & de les employer en des doses si différentes ; car le cinnabre factice vulgaire, & le cinnabre d’antimoine ne different point chimiquement ou absolument, & ne different certainement point médicinalement, lors même qu’on les emploie utilement, par exemple dans les fumigations.

Au reste, la poudre de Zell est très-peu usitée en France. (b)

Poudre, (Chimie & Pharmacie.) produit de la pulvérisation. Voyez Pulvérisation. (Chimie & Pharmacie.)

Poudre d’Ailhand, voyez Secrets, (Médecine.)

Poudre d’Algaroth, Voyez sous l’article Poudres officinales.
Antispasmodique,
Contre vers,
Cornachine,
de Guttete,
Pectorale,
Sternutatoire,
Tempérante,
de Zell,

Poudre de Projection, (Alch.) voyez sous le mot Projection.

Poudre de Sympathie, voyez Vitriol.

Poudre d’Algaroth, ou Mercure de vie, noms qu’on donne en Chimie, au beurre d’antimoine précipité par l’eau. Voyez à l’article Antimoine.

Poudre des Chartreux, (Chim. & Mat. méd.) voyez Kermès minéral.

Poudre du comte de Palma, (Mat. méd.) voyez Magnésie blanche.

Poudre de Sentinelli, (Mat. méd.) voyez Magnésie blanche.

Poudre solaire, (Chimie.) nom donné par Basile Valentin & autres chimistes, à une poudre de couleur pourpre qu’on tire de l’or. On la fait en préparant un amalgame d’or & de mercure, & après que le mercure a été exhalé par un feu de reverbere, le résidu se mêle avec du soufre & se calcine par un feu gradué, jusqu’à ce qu’il soit réduit en poudre de couleur purpurine. On appelle aussi cette poudre le manteau rouge, & on lui attribue plusieurs vertus, fondées sur l’imagination. (D. J.)

Poudre de sympathie, (Médec.) poudre de

vitriol blanc calciné, à laquelle on a donné des vertus occultes pour guérir les hémorrhagies, sans qu’il fût besoin de l’employer intérieurement ni extérieurement sur la blessure. Les effets admirables de la poudre sympathique, firent grand bruit vers le milieu du dernier siecle : tout le monde en a oui parler ; mais tout le monde n’en sait pas l’histoire : retraçons-la briévement.

Le chevalier Kénelme Digby irlandois, étant à Rome, acheta d’un moine italien le secret d’une préparation de vitriol, pour arrêter les hémorrhagies. Il la nomma poudre de sympathie, parce que loin de se contenter des éloges que sa poudre pouvoit justement mériter en qualité de styptique dans les légeres effusions de sang, il lui donna des vertus romanesques, prétendant que sa poudre guérissoit toutes sortes de blessures, sans qu’il fût besoin de toucher, ni même de voir les malades. Un seul fait trompeur en imposa à la crédulité de Jacques I. & fit à sa cour la fortune du remede sympathique. La merveille de ce remede passa la mer avec le chevalier Digby : il vint se réfugier à Paris, détailla avec quelque art dans un ouvrage, la relation de ses cures surprenantes, & s’efforça de prouver par des hypothèses, la possibilité des guérisons sympathiques. Il séduisit par son esprit une nation avide des nouveautés, & sur-tout des nouveautés agréables. On ne s’entretenoit que des miracles de la poudre sympathique ; & comme tout le monde en vouloit avoir, les charlatans se multiplierent pour en distribuer ; ils ne s’embarrasserent plus dans leurs préparations, de purifier le vitriol. Ils firent & debiterent diverses poudres blanches, composées des matieres les plus bisarres qui s’offrirent à leur imagination, d’ongles, de cheveux. d’os calcinés, pulvérisés, & mêlés avec un peu de vitriol.

Les gens de bon sens se récrierent en vain contre la crédulité pitoyable des grands & du peuple ; ils ne furent point écoutés : mais ce qu’ils ne purent gagner par des raisonnemens solides, la comédie en triompha par la plaisanterie. Montfleury s’avisa de jouer cette folie sur le théâtre, & y jetta tant de ridicule, qu’il en guérit sa nation pour toujours. C’est dans la piece intitulée la Fille médecin, que notre auteur dramatique a traité ce sujet, & l’a traité si parfaitement, qu’il n’a rien laissé à desirer. La scene de cette piece, où il se moque ingénieusement de la poudre de sympathie, est un modele d’excellent comique. Le lecteur à qui je vais la mettre sous les yeux, ne me dédira peut-être pas : les personnages sont, Géronte, pere de Lucile malade, le medecin sympathique, Eraste, Crispin valet, & Lisette suivante. Il est question de la maladie de la fille de Géronte : écoutons leur conversation. Acte III. scene iv.

Le Médecin sympathique.

Le logis de monsieur Géronte, est-ce-là ?

Géronte.

Oui ; voici ma maison, monsieur, & me voilà.

Crispin.

Voici le médecin en question sans doute !
A sa mine,

Eraste.

A sa mineDans peu nous le saurons, écoute.

Le médecin.

Votre fille a, dit-on, besoin de mon secours,
Monsieur, & je viens mettre une allonge à ses jours.
La santé par mes soins, à qui tout est facile,
Va faire élection chez vous de domicile ;
Car je guéris par-tout où je me vois mandé :
Tutò, citò, monsieur, & de plus jucundè.

Géronte.

Mais par malheur pour moi ma fille prévenue,
D’un autre médecin qui dès hier l’avoit vue,