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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/870

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méthode, les augmenter, & même jusqu’à cinq cens, en faisant entrer une caractéristique de plus dans chaque classe. Mais l’auteur nous assure que pendant un grand nombre d’années, s’étant servi d’un index entierement semblable à celui dont il trace le plan pour ses collections, il n’y avoit jamais remarqué ce défaut.

Tel est le précis que M. Chambers donne de la méthode de M. Locke, auquel nous n’avons rien changé que les deux exemples cités ci dessus, que nous avons substitués à ceux qu’allegue l’auteur anglois sur les mots beauté & bienveillance, qui commencent par les mêmes lettres en anglois, s’écrivant beauté & benevolence, ce qu’on ne pouvoit rendre en françois par la différence de la premiere voyelle, ni par conséquent alléguer en exemple de la lettre initiale & de la caractéristique ; mais afin que le lecteur ne soit pas entierement privé de ce que M. Chambers a dit, nous allons ajouter ici ce qu’on trouve dans son article sur la beauté.

Beauté. C’est avec raison qu’on appelle sens la faculté que nous avons d’appercevoir les idées de la beauté ; son affinité avec les autres sens étant si semblable, que de même que dans ceux-ci, le plaisir qu’elle excite en nous ne vient point d’aucune connoissance de l’utilité de l’objet, de principes de proportions ou de causes, puisque ce plaisir de la beauté n’est point augmenté par le savoir le plus exact, quoiqu’à la vérité il puisse, par des vûes d’utilité, ajouter au plaisir de la beauté, un plaisir raisonnable entierement différent. De plus, les idées de la beauté, comme les autres idées sensibles, nous sont nécessairement agréables, aussi-bien qu’elles le sont immédiatement, puisque nulle résolution de notre part, nulles considérations d’aucun avantage ou desavantage, ne sont capables de changer la beauté ou la laideur d’un objet ; car de même que dans les sensations externes, nulle vûe d’intérêt, nulle crainte de dommage, distincte de la sensation immédiate de la douleur, ne peuvent nous rendre un objet agréable ou desagréable ; tellement que si vous nous proposiez un monde entier pour récompense, ou que vous nous menaciez du plus grand malheur, pour nous faire aimer un objet difforme, ou haïr un objet aimable ; les récompenses ou les menaces nous feroient bien dissimuler ou nous porteroient à nous abstenir extérieurement de la recherche de l’objet aimable, & à rechercher l’objet difforme ; mais les sensations résultantes de leurs formes, & les perceptions qu’ils produisent en nous seroient toujours invariablement les mêmes. De-là il paroit clairement que certains objets sont les causes immédiates du plaisir qu’excite en nous la beauté ; que nous sommes organisés pour les appercevoir, & que ce plaisir est réellement distinct de cette joie produite par l’amour-propre, à la vûe de tout avantage futur. Ne voyons-nous pas souvent qu’on sacrifie la commodité & l’utilité à la beauté, sans d’autres vues d’avantages dans la belle forme que de se procurer les idées flatteuses de la beauté ? Ceci nous montre donc, que de quelque maniere que l’amour-propre nous engage à rechercher les beaux objets dans la vue de ressentir les plaisirs qu’ils excitent en nous, comme dans l’architecture, le jardinage, &c. que cependant il doit y avoir en nous un sens de beauté, antérieur même à la perspective de ces avantages, sans lequel sens ces objets ne nous paroitroient pas avantageux sous ce point de vue, ni n’exciteroient point en nous ce plaisir qui les constitue avantageux. Le sentiment de beauté que certains objets excitent en nous, par lequel nous les constituons avantageux, est fort distinct du desir que nous en avons, lorsqu’ils sont ainsi constitués : notre desir de la beauté peut être contre-balancé par les

récompenses & les punitions ; mais le sentiment qu’elle excite en nous, est toujours le même ; ôtez ce sentiment de la beauté, les maisons, les jardins, les habits, les carrosses, pourront bien nous intéresser comme commodes, fertiles, chauds, doux, mais jamais comme beaux, & dans les visages je ne vois rien qui nous plairoit que la vivacité des couleurs & la douceur de la peau.

RECUEILLEMENT, s. m. terme de Grammaire, action qui consiste à détacher son esprit de tous les objets de la terre, & à le ramener en soi pour l’appliquer à la contemplation des choses de la vie éternelle. Les mondains & les médecins prennent le recueillement habituel pour une affection mélancolique.

RECUEILLIR, v. act. terme de Grammaire, c’est ramasser des choses éparses, les rassembler, en faire la recolte. On recueille les fruits, les blés, les grains ; on recueille une succession. On recueille des nouvelles, des connoissances, des matériaux. On recueille dans la vieillesse le fruit des études de la jeunesse. On recueille les débris d’un repas, d’un naufrage. On recueille chez soi toutes sortes de gens. On recueille les poëtes, les historiens dans sa bibliotheque. On recueille les suffrages. On recueille ses esprits. Voyez Recueillement.

Recueillir, v. act. en Architecture, c’est raccorder une reprise par sous œuvre d’un mur de face ou mitoyen avec ce qui est au-dessus. Ainsi on dit se recueillir, lorsqu’on érige à plomb la partie du mur à rebâtir, & qu’elle est conduite de telle sorte qu’elle se raccorde avec la partie supérieure du mur estimée bonne à conserver, ou du-moins avec un petit porte-à-faux en encorbellement, qui ne doit avoir au plus que le sixieme de l’épaisseur du mur. Daviler.

Recueillir le papier, terme de Papeterie, qui signifie l’ôter de dessus les cordes des étendoirs après qu’il a été bien collé & séché, afin de le mettre en presse ; cette opération se nomme aussi ramasser le papier. Voyez Papier & les Pl. de Papeterie.

RECUEILLOIR, s. m. terme de Cordier, outil de bois dont se servent les cordiers pour tortiller leur ficelle, & c’est ce qu’ils appellent recueillir la ficelle.

RECUIRE, v. act. terme de Grammaire, c’est cuire de nouveau. Il faut recuire ces confitures. Mais il se dit particulierement des métaux ; on les recuit après qu’ils ont été trempés, pour les rendre plus flexibles, moins cassans, plus doux, plus faciles à redresser. Le recuit se fait de tous les ouvrages tranchans après la trempe. Pour cela, on a des brasiers ardens sur lesquels on les expose. L’action du feu produit l’un de ces deux effets ; ou elle restitue la piece recuite dans l’état où elle étoit avant la trempe dans laquelle elle s’est envoilée, ou elle la dispose à être restituée avec le marteau à redresser. Ce marteau à redresser est d’un acier très-fin, très-dur & bien trempe ; sa tête est en biseau tranchant. On appuie fermement la piece sur une enclume, un tas, en un mot, quelque soutien qui ait de la solidité ; & en la frappant convenablement en différens endroits avec le marteau à redresser, on la fait revenir à son premier état. Les traits du marteau à redresser sont ensuite effacés à la meule.

Recuire, en termes d’Epinglier fabriquant d’aiguilles pour les Bonnetiers, est l’action de détremper la matiere au feu dans une espece de gaufrier, où elle n’est enfermée qu’à moitié du côté du bec. Voyez Bec & Gaufrier. On recuit le fil pour le rendre moins cassant.

Recuire, en termes de Bijoutier, c’est rendre à l’or sa ductilité & sa malléabilité en le faisant rougir au feu toutes les fois qu’il a été durci, soit par le marteau, l’estampe ou l’extension au banc à tirer, à la filiere, au ciselet, &c.

Recuire, (Coutel.) voyez l’article Recuire en général & les articles Coutelier & Rasoir.