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seront responsables du meurtre, à-moins qu’ils ne représentent le meurtrier. (D. J.)

Repas funéraire, (Antiq. greq. & rom.) cérémonie de religion instituée pour honorer la mémoire de celui dont on pleuroit la perte, & pour rappeller à ceux qui s’y trouvoient le souvenir de sa mort ; ils s’embrassoient en sortant, & se disoient adieu, comme s’ils n’eussent jamais dû se revoir ; le repas se faisoit chez quelqu’un des parens du mort. La république d’Athènes fit un de ces repas aux obseques de ceux qui avoient été tués à Chéronnée, & elle choisit la maison de Démosthene pour le donner. Le repas funéraire s’appelloit silicernium ; c’est pourquoi Térence se sert de ce mot au figuré, & donne ce nom à un vieillard décrépit, peut-être parce qu’un homme de cet âge est à la veille de couter à ses parens un repas funéraire. (D. J.)

Repas des Hébreux, (Critique sacrée.) les anciens Hébreux ne mangeoient pas avec toute sorte de personnes, ils auroient cru se souiller de manger avec des gens d’une autre religion ou d’une profession décriée. Du tems du patriarche Joseph, ils ne mangeoient point avec les Egyptiens, ni les Egyptiens avec eux. Du tems de Jesus-Christ, les Juifs ne mangeoient pas avec les Samaritains, Jean iv. 9. Aussi étoient-ils fort scandalisés de voir notre Sauveur manger avec les publicains & les pécheurs, Matth. ix. 11.

Comme il y avoit plusieurs sortes de viandes interdites aux Juifs par la loi, ils ne pouvoient manger avec ceux qui en mangeoient, de peur de contracter quelque souillure en touchant de ces viandes ; l’on remarque dans les repas des anciens Hébreux que chacun avoit sa table à-part. Joseph donnant à manger à ses freres en Egypte, les fit asseoir séparément ; & lui-même s’assit séparément avec les Egyptiens qui mangeoient avec lui. Genèse xliij. 31.

On trouvoit dans leurs repas l’abondance, mais peu de délicatesse. Avant que de se mettre à table, ils avoient grand soin de se laver les mains, & regardoient cette pratique comme obligatoire, Marc vij. 3. Leurs festins solemnels étoient accompagnés de chants & d’instrumens. Les parfums & les odeurs précieuses y regnoient. D’abord les Hébreux furent assis à table, de même comme nous le sommes aujourd’hui ; mais dans la suite, ils imiterent les Perses & les Chaldéens qui mangeoient couchés sur des lits. (D. J.)

Repas de réception, (Littérature.) il y avoit des repas de réception lorsqu’on étoit promu à la charge des augures & des pontifes. Tous les augures étoient obligés de se trouver au repas que leur nouveau collegue donnoit à sa réception, à-moins qu’ils ne fussent malades ; & il falloit alors que trois témoins ou plus jurassent qu’ils étoient véritablement malades. Ces repas s’appelloient æditiales cænæ ; & on en faisoit de pareils à la consécration des pontifes. Ut excuser morbi causa in dies singulos signifie, « j’atteste que ma santé ne me permet pas encore de me trouver au repas qu’Apuléius doit donner, & je demande qu’on le fasse différer d’un jour à l’autre ». (D. J.)

Repas des Romains, (Usage des Romains.) les Romains déjeûnoient, dînoient & soupoient ; ils déjeûnoient le matin fort légerement de quelque morceau de pain trempé dans du vin pur ; ils appelloient ce repas en latin jentaculum, & en grec ἀκράτισμα & ἀκρατισμός d’ἀκρατος, qui signifie du vin pur. Le second repas étoit le prandium, le dîner, d’ὔρα, le matin, & ἒνδιον ou d’ἄριστον, qui signifie simple & fort sobre. Voyez Déjeûner, Dîner.

Leur troisieme & leur meilleur repas étoit le souper. Voyez Souper. Nous nous étendrons beaucoup sur cet article.

Après le souper, ils faisoient encore quelquefois

un quatrieme repas qu’ils appelloient commessatio ou commissatio, une collation, un réveillon.

Suétone & Dion font mention de ces quatre repas dans la vie de Vitellius : Epulas trifariam semper, interdum quadrifariam dispertiebat : in jentacula, & prandia, & cænas, commessationesque. Ils ajoutent que ceux qui avoient entrepris de le régaler n’avoient pas peu à faire, quoiqu’il partageât ses faveurs, déjeûnant chez les uns, dînant chez les autres, & taxant de nouveaux hôtes à lui donner le souper & le réveillon ; mais l’intempérance de cet empereur ne conclut rien pour l’usage ordinaire. Le déjeûner n’étoit guere que pour les enfans. Le dîner étoit fort léger, comme il paroît par le détail qu’en fait Varron ; & la collation d’après souper n’avoit lieu que par extraordinaire & dans les festins d’apparat. (D. J.)

Repas du mort, cæna mortui, cérémonie funéraire en usage chez les anciens Hébreux, aussi-bien que chez plusieurs autres peuples. Elle consistoit à faire un festin ou sur le tombeau même d’une personne qu’on venoit d’inhumer, ou dans sa maison après ses funérailles.

Le prophete Baruch, chap. vj. vers. 31. parle en ces termes de ceux des païens, rugiunt autem clamantes contra deos suos, sicut in cænâ mortui, les païens hurlent en présence de leurs dieux, comme dans un repas qu’on fait pour les morts. Il parle de certaines solemnités où les idolâtres faisoient de grandes lamentations, comme dans les fêtes d’Adonis. Voyez Adonies ou Adoniennes.

Quant aux repas pour les morts, on en distinguoit de deux sortes, les uns se faisoient dans la maison du mort au retour du convoi, entre ses parens & ses amis qui ne manquoient pas d’y faire éclater leur douleur par des cris & des lamentations ; les autres se faisoient sur le tombeau même du mort, l’on y servoit à manger pour les ames errantes, & on croyoit que la déesse Trivia qui présidoit aux rues & aux chemins s’y trouvoit pendant la nuit : mais en effet c’étoient les pauvres qui venoient pendant les ténebres enlever tout ce qui étoit sur le tombeau.

Est honor, & tumulis animas placare paternas,
Parvaque in extructas munera ferre pyras.

Ovid. fast.

Quelquefois néanmoins les parens faisoient un petit repas sur le tombeau du mort. Ad sepulcrum antiquo more silicernium consecimus, id est περιδειπνον quo pransi discedentes dicimus alius alii : vale. Nonn. Marcell. ex Varron.

L’usage de mettre de la nourriture sur les sépulcres des morts étoit commun parmi les Hébreux. Tobie exhorte son fils à mettre son pain sur la sépulture du mort & de n’en point manger avec les pécheurs, c’est-à-dire avec les païens qui pratiquoient la même cérémonie.

Cette coutume étoit presque générale, elle avoit lieu chez les Grecs, chez les Romains, & presque dans tout l’Orient. Encore aujourd’hui, dans la Syrie, dans la Babylonie, dans la Chine la même chose est en usage. Saint Augustin, épitre 22, remarque que de son tems en Afrique on portoit à manger sur les tombeaux des martyrs & dans les cimetieres. La chose se fit dans les commencemens fort innocemment, mais ensuite il s’y glissa des abus que les plus saints & les plus zélés évêques, comme S. Ambroise & S. Augustin, eurent assez de peine à déraciner.

Les repas qu’on faisoit dans la maison du mort parmi les Juifs étoient encore de deux sortes ; les uns se faisoient pendant la durée du deuil, & ces repas étoient considérés comme souillés, parce que tous ceux qui y avoient part, étoient impurs à cause des obseques du mort : les autres qu’on faisoit dans le deuil sont ceux qui se donnoient après les funérailles. Jo-