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ce que l’on commence à s’appercevoir de quelque légere sueur, & enfin une bonne dose de sommeil dans un lit où l’on prenne soin d’être bien couvert, c’est le moyen de relâcher les vaisseaux engorgés, de délayer les humeurs épaisses, & de disposer à être évacuées celles qui pourroient nuire.

III. Du régime curatif. La maniere de vivre des malades doit être presqu’aussi différente de celles qu’ils suivoient étant en santé, que cet état differe de celui dans lequel ils sont tombés ; ainsi on peut la régler en général par la maxime que les contraires se guérissent ou sont guéris par les contraires.

Mais il s’agit ici de faire l’exposition abrégée des préceptes que les Médecins, tant anciens que modernes, ont établis pour servir à diriger les malades dans la conduite qu’ils doivent ou que l’on doit tenir à leur égard, tant par rapport aux alimens & à la boisson qu’ils doivent prendre, que par rapport aux qualités de l’air qui leur conviennent, & aux différentes situations dans lesquelles ils doivent se tenir relativement au repos ou au mouvement du corps.

Comme il n’est rien à l’égard de quoi l’on peche plus aisément dans les maladies qu’en fait de nourriture, les regles, à ce sujet, sont les plus importantes à prescrire, & doivent être traitées les premieres : on va les présenter en abrégé, d’après le grand Boerhaave, dans ses aphorismes, & leur illustre commentateur le baron Vanswieten.

L’indication principale pour le régime que l’on doit prescrire aux malades, doit être sans doute de soutenir les forces, parce que ce n’est que par leur moyen que la nature peut détruire la cause de la maladie : ainsi, contre l’avis d’Asclépiade, on ne doit pas d’abord interdire tout aliment à ceux qui paroissent être dans un commencement de maladie inévitable ; mais s’il est dangereux alors d’affoiblir trop par une diete sévere, il l’est bien davantage de ne pas diminuer assez la quantité de la nourriture, parce que, comme le dit Celse, lib. III. cap. iv. il ne faut pas trop occuper la nature à faire la digestion des alimens, tandis qu’elle a besoin d’employer ses efforts à corriger la matiere morbifique, ou si elle n’en est pas susceptible, à en faire la coction & à la dissiper par les évacuations auxquelles elle peut être disposée.

Cependant, comme Hippocrate avertit, aphor. 5. sect. 1. qu’il y a plus à craindre de mauvais effets d’une trop grande abstinence que d’une nourriture trop forte, & que celle-là est toujours très-nuisible dans les maladies aiguës ; il vaut mieux s’exposer à pécher par excès que par défaut, parce que la nature, avec des forces entieres que lui fournissent les alimens, peut se suffire pour les travailler & attaquer en même tems avec succès la cause de la maladie ; au lieu que manquant de forces faute de nourriture, elle reste, pour ainsi dire, dans l’inaction.

Pour déterminer donc la quantité de nourriture que l’on peut permettre dans les maladies, on doit se regler sur les symptomes qui annoncent ce que sera la maladie, par rapport à sa violence & à sa durée : plus la maladie paroit devoir être aiguë & courte, moins il faut nourrir le malade ; & au contraire si elle doit être longue & peu considérable, on doit permettre une plus grande quantité d’alimens à proportion & plus nourrissans : mais on doit avoir attention, sur-tout à observer l’effet que produit la nourriture qu’on donne au malade, parce que si elle est trop forte, il ne tardera pas à ressentir une pesanteur dans l’estomac & un abattement dans les forces, qui fera connoître qu’il faut diminuer la quantité des alimens ; si au contraire il n’en reste aucune incommodité, on peut augmenter la quantité & la force de la nourriture, selon que l’état des forces du malade & celui de la maladie peuvent le permettre.

On doit aussi se regler par l’âge du malade, parce

qu’en général tous les animaux supportent d’autant moins la privation des alimens, tout étant égal, qu’ils sont plus jeunes ou plus avancés dans la vieillesse. Voyez Enfans (maladies des), Vieillesse. Ainsi l’on ne doit pas exiger dans les maladies une aussi grande abstinence des jeunes gens & des vieillards, que des adultes dans l’âge moyen.

Il faut encore avoir égard aux différens tems de la maladie ; ensorte que lorsqu’elle est parvenue à sa plus grande intensité, on doit, à proportion, donner toujours moins de nourriture, & toujours plus légere : au lieu que pendant son accroissement & pendant son déclin on doit en permettre une quantité d’autant plus grande & plus forte à proportion, que l’on est plus éloigné, avant ou après, du tems où le malade est dans l’état le plus violent, c’est-à-dire que la diete doit être moins sévere dans le tems de la maladie où il y a moins de fonctions lésées, ou lorsque les lésions des fonctions qui la constituent sont moins considérables.

On doit encore faire attention au climat dans lequel on se trouve, pour déterminer la maniere de se nourrir des malades ; parce qu’à proportion qu’on habite des pays plus chauds, plus prés de l’équateur, on soutient plus facilement l’abstinence des alimens, & que c’est le contraire à l’égard des pays plus froids, plus voisins des poles ; la différence des saisons exige la même proportion dans l’administration des alimens dans les maladies, que la différence des climats. On doit par conséquent, tout étant égal, prescrire une diète moins severe en hiver qu’en été.

On doit aussi avoir beaucoup d’égard au tempérament des malades & à leur habitude en santé relativement à leur nourriture, pour regler celle qui leur convient dans l’état opposé ; ensorte qu’il faut en permettre davantage à proportion aux personnes d’un tempérament chaud & vif, & à ceux qui mangent beaucoup lorsqu’ils se portent bien, & donner des alimens plus nourrissans à ceux qui sont accoutumés à la bonne chere.

Il convient encore, selon que le recommande Hippocrate, de affect. cap. xj, que les alimens qu’on accorde aux malades soient d’une nature approchante de ceux dont ils usent en santé. Les choses dont on a l’habitude, dit encore le pere de la Médecine, aphor. 50. sect. 2. quoique de moins bonne qualité, sont moins nuisibles que celles auxquelles on n’est pas accoutumé, quelque bonnes qu’elles puissent être.

Pour ce qui est du tems de donner des alimens aux malades, on doit avoir égard à la nature de la maladie, & les faire administrer dans la partie du jour, où les symptomes sont le moins considérables, où il reste le moins de lésion de fonctions, parce que la digestion s’exécute mieux à proportion qu’il y a un plus grand nombre de fonctions qui restent ou qui redeviennent integres, & que celles qui sont lésées se rapprochent davantage de l’état naturel ; & au contraire, &c. Ainsi c’est dans le tems de l’intermission de la fievre où l’on doit permettre le plus de nourriture à un malade, parce que les fonctions lésées sont alors rétablies, & que l’exercice s’en fait presqu’aussi parfaitement que dans l’état de santé : on doit dans cette circonstance donner des alimens en d’autant plus grande quantité & d’autant plus solides, plus nourrissans, que l’intervalle des accès est plus considérable, & que l’on est plus éloigné du retour de la fievre ; & au contraire, &c.

Dans les fievres continues avec remission, c’est dans le tems où la fievre est moins considérable, que l’on doit le plus donner de la nourriture aux malades ; mais comme il y a toujours lésion de fonctions, cette nourriture doit être d’autant moins abondante & d’autant moins forte qu’il subsiste encore plus de lé-