Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/13

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

part des habitans des grandes villes, selon Celse, surtout les hommes de lettres, & tous ceux qui menent une vie studieuse & sédentaire ; toutes ces différentes personnes doivent continuellement s’occuper à compenser par la tempérance, la régularité dans leur maniere de vivre, & les attentions sur ce qui regarde la conservation de leur santé, ce qu’ils perdent journellement de la disposition à jouir d’une vie saine & longue, par une suite naturelle de leur foiblesse naturelle ou de leur genre de vie. Avec ces précautions, bien de ces personnes se soutiennent, à tout prendre, beaucoup mieux que les gens les plus robustes, parce que ces derniers comptant trop sur leurs forces, négligent ou méprisent absolument les soins, les attentions sur leur santé, & s’attirent mille maux par l’abus qu’ils en font & les excès de toute espece.

Les femmes ont particulierement à observer de ne rien faire qui puisse déranger les évacuations menstruelles, & de favoriser cette excrétion de la maniere la plus convenable. Voyez Menstrues. Elles doivent être encore plus attentives sur elles-mêmes dans le tems de grossesse. Voyez Grossesse. Elles ont à ménager dans tous les tems de la vie, sur-tout dans celui de la suppression naturelle des regles, la délicatesse, la sensibilité de leur genre nerveux. Voyez Nerveux genre, Hystéricité, Vapeurs. Elles doivent chercher à se fortifier le corps & l’esprit, par l’habitude de l’exercice & de la dissipation, en s’y livrant avec modération.

4°. A l’égard des saisons, l’été demande que l’on se nourrisse d’alimens légers, doux, humectans, laxatifs ; que l’on mange peu de viande, beaucoup de fruits que la nature donne alors à nos desirs & à nos véritables besoins ; d’herbages, de laitage, avec une boisson abondante d’eau pure ou de vin leger bien trempé, ou de quelque tisane acescente ; que l’on ne fasse que peu d’exercice, en évitant soigneusement tout excès à cet égard. L’hiver, au contraire exige que l’on prenne une nourriture qui ait de la consistence, tirée des alimens solides, fermes, secs & assaisonnés de sel & d’épiceries : on doit préférer la viande rôtie, le pain bien cuit ; la boisson doit être peu abondante, souvent de bon vin sans eau ; & il faut dans cette saison se livrer beaucoup à l’exercice. Pour ce qui est du printems & de l’automne, la nourriture & l’exercice doivent être reglés de maniere qu’ils tiennent le milieu entre ce qu’exige le tems bien froid ou bien chaud, en proportionnant le régime selon que l’un ou l’autre est plus dominant ; & pour se précautionner contre les injures de l’air & sa variabilité dans ces saisons moyennes, rien ne convient mieux, n’est plus nécessaire que d’avoir attention au printems à ne pas quitter trop tôt les habits d’hiver, & en automne, à ne pas différer trop long-tems de quitter les habits legers, & de se vêtir chaudement. Voyez Non-naturelles, choses.

5°. Par rapport aux climats, on n’a autre chose à dire du différent régime qu’ils exigent ; si ce n’est, qu’il doit être déterminé par le rapport qu’ils ont, comme il a été dit ci-devant, avec les différentes saisons de l’année ; & selon que le chaud, le froid ou le tempéré y sont dominans ; la maniere de vivre doit être proportionnée, d’après ce qui vient d’être prescrit pour chaque saison : en général on mange beaucoup, & des alimens grossiers, sur-tout beaucoup de viande dans les pays froids, & on vit plus sobrement, plus frugalement, on ne mange presque que des végétaux dans les pays chauds ; la boisson y est cordiale par l’usage du vin que la nature y donne pour servir à relever les forces : l’abus des liqueurs fortes, coagulantes est très-nuisible aux habitans du nord auquel la nature les refuse ; ils sont plus disposés aux travaux du corps, & les peuples du midi plus portés à se livrer au repos, à l’oisiveté, sont plus propres

aux travaux de l’esprit. Voyez Climat.

II. Du régime préservatif. Après avoir parcouru les différentes combinaisons qui constituent le régime propre à conserver la santé relativement aux différentes circonstances qui exigent ces différences dans la maniere de vivre, il se présente à dire quelque chose du régime, qui convient pour préserver des maladies dont on peut être menacé.

Un homme, dit Galien, de med. art. constit. c. xix. est dans un état mitoyen, entre la santé & la maladie, lorsqu’il est affecté de quelqu’indisposition, qui ne l’oblige pas cependant à quitter ses occupations ordinaires & à garder le lit : comme, par exemple, lorsqu’il éprouve un embarras considérable dans la tête, avec un sentiment de pesanteur, quelquefois de douleur, du dégoût pour les alimens, de la lassitude, de l’engourdissement dans les membres, de l’assoupissement ou autres symptomes semblables qui annoncent une altération dans la santé, sans lésion assez décidée pour constituer une maladie ; il ne faut pas attendre que le mal empire, on doit tâcher de détruire les principes de ces indispositions avant qu’elles deviennent des maladies réelles.

Ainsi en supposant que la cause du mal est une plénitude produite par des excès de bouche, ou par une suppression de la transpiration, ou de quelqu’autre évacuation naturelle, ou par une vie trop sédentaire ; après avoir été exercé habituellement, on doit d’abord retrancher les alimens, & se tenir à la tisane pendant un jour ou deux, ce qui suffit souvent pour dissiper les causes d’une maladie naissante : mais si les symptomes sont assez pressans pour exiger un remede plus prompt, plus efficace, on aura recours à la saignée, ou aux purgatifs ou aux sudorifiques : si la menace d’une maladie vient d’indigestion ou d’un amas de crudités, il faut se tenir chaudement dans une grande tranquillité, vivre quelques jours dans l’abstinence avec beaucoup de lavage, & de tems en tems quelque peu de bon vin pour fortifier l’estomac.

En général, dit encore Galien, on opposera aux principes des maux dont on se plaint & dont on veut prévenir les suites, des moyens propres à produire des effets contraires à ceux qu’on doit attendre naturellement des causes qui ont produit ces dérangemens dans la santé ; si les humeurs pêchent par l’épaississement, on travaillera à les atténuer, à les adoucir ; si elles sont trop actives, âcres, à les évacuer ; si elles sont trop abondantes, à faciliter la coction ; si elles sont trop crues, tantôt à détendre les parties en contraction, tantôt à déboucher les vaisseaux obstrués, ainsi du reste.

Souvent quand un commencement de frisson ou de toux annonçoit un prochain accès de fievre, le grand médecin Sydenham arrêtoit les progrès du mal, en ordonnant de prendre l’air, de se livrer à l’exercice, de boire quelque tisane rafraîchissante, de ne point manger de viande, & de s’abstenir de toute boisson fermentée. Voyez ses œuvres de tussi epidemicâ.

Boerhaave qui avoit si bien lu tous les ouvrages des Médecins anciens & modernes de quelque réputation, & qui possédoit si parfaitement l’art d’extraire de leurs écrits ce qui s’y trouve de plus intéressant, a compris toute la prophylactique par rapport aux maladies naissantes dans les préceptes qui suivent, qui ne different point de ceux de Galien & de Sydenham.

On prévient les maux, dit le professeur de Leyde, institut. med. §. 1050. en attaquant leurs causes dès qu’on en apperçoit les premiers effets ; & les préservatifs qu’il faut y opposer sont principalement l’abstinence, le repos, la boisson abondante d’eau chaude, ensuite un exercice modéré, mais continué, jusqu’à