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aux horreurs de l’exécution militaire des villes innocentes du délit prétendu qu’on impute à leur souverain, est un droit de politique barbare, & qui n’émana jamais du droit de la nature, qui abhorre de pareilles voies, & qui ne connoît que l’humanité & les secours mutuels. (D. J.)

Représailles, lettres de, (Droit polit.) ou lettres de marque ; ce sont des lettres qu’un souverain accorde à ses sujets, pour reprendre sur les biens de quelqu’un du parti ennemi, l’équivalent de ce qu’on leur a pris, & dont le prince ennemi n’aura pas voulu leur faire justice. Voyez Représailles. (D. J.)

REPRÉSENTANT, s. m. (Jurisp.) est celui qui représente une personne du chef de laquelle il est héritier. Voyez Représentation. (A)

Représentans, (Droit politiq. hist. mod.) Les représentans d’une nation sont des citoyens choisis, qui dans un gouvernement tempéré sont chargés par la société de parler en son nom, de stipuler ses intérêts, d’empêcher qu’on ne l’opprime, de concourir à l’administration.

Dans un état despotique, le chef de la nation est tout, la nation n’est rien ; la volonté d’un seul fait la loi, la société n’est point représentée. Telle est la forme du gouvernement en Asie, dont les habitans soumis depuis un grand nombre de siecles à un esclavage héréditaire, n’ont point imaginé de moyens pour balancer un pouvoir énorme qui sans cesse les écrase. Il n’en fut pas de même en Europe, dont les habitans plus robustes, plus laborieux, plus belliqueux que les Asiatiques, sentirent de tout tems l’utilité & la nécessité qu’une nation fût représentée par quelques citoyens qui parlassent au nom de tous les autres, & qui s’opposassent aux entreprises d’un pouvoir qui devient souvent abusif lorsqu’il ne connoît aucun frein. Les citoyens choisis pour être les organes, ou les représentans de la nation, suivant les différens tems, les différentes conventions & les circonstances diverses, jouirent de prérogatives & de droits plus ou moins étendus. Telle est l’origine de ces assemblées connues sous le nom de dietes, d’états-généraux, de parlemens, de senats, qui presque dans tous les pays de l’Europe participerent à l’administration publique, approuverent ou rejetterent les propositions des souverains, & furent admis à concerter avec eux les mesures nécessaires au maintien de l’état.

Dans un état purement démocratique la nation, à proprement parler, n’est point représentée ; le peuple entier se réserve le droit de faire connoître ses volontés dans les assemblées générales, composées de tous les citoyens ; mais dès que le peuple a choisi des magistrats qu’il a rendus dépositaires de son autorité, ces magistrats deviennent ses représentans ; & suivant le plus ou le moins de pouvoir que le peuple s’est réservé, le gouvernement devient ou une aristocratie, ou demeure une démocratie.

Dans une monarchie absolue le souverain ou jouit, du consentement de son peuple, du droit d’être l’unique représentant de sa nation, ou bien, contre son gré, il s’arroge ce droit. Le souverain parle alors au nom de tous ; les lois qu’il fait sont, ou du moins sont censées l’expression des volontés de toute la nation qu’il représente.

Dans les monarchies tempérées, le souverain n’est dépositaire que de la puissance exécutrice, il ne représente sa nation qu’en cette partie, elle choisit d’autres représentans pour les autres branches de l’administration. C’est ainsi qu’en Angleterre la puissance exécutrice réside dans la personne du monarque, tandis que la puissance législative est partagée entre lui & le parlement, c’est-à-dire l’assemblée générale des différens ordres de la nation britannique, composée du clergé, de la noblesse & des communes ;

ces dernieres sont représentées par un certain nombre de députés choisis par les villes, les bourgs & les provinces de la Grande-Bretagne. Par la constitution de ce pays, le parlement concourt avec le monarque à l’administration publique ; dès que ces deux puissances sont d’accord, la nation entiere est reputée avoir parlé, & leurs décisions deviennent des lois.

En Suede, le monarque gouverne conjointement avec un sénat, qui n’est lui-même que le représentant de la diete générale du royaume ; celle-ci est l’assemblée de tous les représentans de la nation suédoise.

La nation germanique, dont l’empereur est le chef, est représentée par la diete de l’Empire, c’est-à-dire par un corps composé de vassaux souverains, ou de princes tant ecclésiastiques que laïques, & de députés des villes libres, qui représentent toute la nation allemande. Voyez Diete de l’Empire.

La nation françoise fut autrefois représentée par l’assemblée des états-généraux du royaume, composée du clergé & de la noblesse, auxquels par la suite des tems on associa le tiers-état, destiné à représenter le peuple. Ces assemblées nationales ont été discontinuées depuis l’année 1628.

Tacite nous montre les anciennes nations de la Germanie, quoique féroces, belliqueuses & barbares, comme jouissant toutes d’un gouvernement libre ou tempéré. Le roi, ou le chef, proposoit & persuadoit, sans avoir le pouvoir de contraindre la nation à plier sous ses volontés : Ubi rex, vel princeps, audiuntur autoritate suadendi magis quam jubendi potestate. Les grands delibéroient entre eux des affaires peu importantes ; mais toute la nation étoit consultée sur les grandes affaires : de minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes. Ce sont ces peuples guerriers ainsi gouvernés, qui, sortis des forêts de la Germanie, conquirent les Gaules, l’Espagne, l’Angleterre, &c. & fonderent de nouveaux royaumes sur les débris de l’empire romain. Ils porterent avec eux la forme de leur gouvernement ; il fut par-tout militaire, la nation subjuguée disparut ; réduite en esclavage, elle n’eut point le droit de parler pour elle-même ; elle n’eut pour représentans que les soldats conquérans, qui après l’avoir soumise par les armes, se subrogerent en sa place.

Si l’on remonte à l’origine de tous nos gouvernemens modernes, on les trouvera fondés par des nations belliqueuses & sauvages, qui sorties d’un climat rigoureux, chercherent à s’emparer de contrées plus fertiles, formerent des établissemens sous un ciel plus favorable, & pillerent des nations riches & policées. Les anciens habitans de ces pays subjugués ne furent regardés par ces vainqueurs farouches, que comme un vil bétail que la victoire faisoit tomber dans leurs mains. Ainsi les premieres institutions de ces brigands heureux, ne furent pour l’ordinaire que des effets de la force accablant la foiblesse ; nous trouvons toujours leurs lois partiales pour les vainqueurs, & funestes aux vaincus. Voilà pourquoi dans toutes les monarchies modernes nous voyons partout les nobles, les grands, c’est-à-dire des guerriers, posséder les terres des anciens habitans, & se mettre en possession du droit exclusif de représenter les nations ; celles-ci avilies, écrasées, opprimées, n’eurent point la liberté de joindre leurs voix à celles de leurs superbes vainqueurs. Telle est sans doute la source de cette prétention de la noblesse, qui s’arrogea long-tems le droit de parler exclusivement à tous les autres au nom des nations ; elle continua toujours à regarder ses concitoyens comme des esclaves vaincus, même un grand nombre de siecles après une conquête à laquelle les successeurs de cette noblesse conquérante n’avoit point eu de part. Mais l’intérêt