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il a par la force de l’association, tous les avantages des grandes monarchies.

La république fédérative d’Allemagne est composée de villes libres, & de petits états soumis à des princes. L’expérience fait voir, qu’elle est plus imparfaite que celle de Hollande & de Suisse ; elle subsiste cependant, parce qu’elle a un chef ; le magistrat de l’union, est en quelque façon le monarque.

Toutes les républiques fédératives n’ont pas les mêmes lois dans leur forme de constitution. Par exemple, dans la république de Hollande, une province ne peut faire une alliance sans le consentement des autres. Cette loi est très-bonne, & même nécessaire dans la république fédérative ; elle manque dans la constitution Germanique, ou elle préviendroit les malheurs qui y peuvent arriver à tous les membres, par l’imprudence, l’ambition, ou l’avarice d’un seul. Une république qui s’est unie par une confédération politique s’est donnée entiere, & n’a plus rien à donner.

On sent bien qu’il est impossible que les états qui s’associent, soient de même grandeur, & aient une puissance égale. La république des Lyciens étoit une association de vingt-trois villes : les grandes avoient trois voix dans le conseil commun ; les médiocres deux, les petites une. La république de Hollande est composée de sept provinces, grandes ou petites, qui ont chacune une voix. Les villes de Lycie payoient les charges, selon la proportion des suffrages. Les provinces de Hollande ne peuvent suivre cette proportion ; il faut qu’elles suivent celle de leur puissance.

En Lycie, les juges & les magistrats des villes étoient élûs par le conseil commun, & selon la proportion que nous avons dite ; dans la république de Hollande, ils ne sont point élus par le conseil commun, & chaque ville nomme ses magistrats. S’il falloit donner un modele d’une belle république fédérative, ce seroit la république de Lycie, qui mériteroit cet honneur.

Après tout, la concorde est le grand soutien des républiques fédératives ; c’est aussi la devise des Provinces-unies confédérées : concordiâ res parvæ crescunt, discordiâ dilabuntur.

L’histoire rapporte qu’un envoyé de Bysance vint au nom de sa république, exhorter les Athéniens à une alliance fédérative contre Philippe, roi de Macédoine. Cet envoyé dont la taille approchoit fort de celle d’un nain, monta dans la tribune pour exposer sa commission. Le peuple d’Athènes au premier coup d’œil sur sa figure, éclata de rire. Le bysantin sans se déconcerter, lui dit : « Voilà bien dequoi rire, Messieurs, vraiment j’ai une femme bien plus petite que moi ». Les éclats redoublerent ; & lorsqu’ils eurent cessé, le pygmée plein d’esprit qui ne perdoit point de vûe son sujet, y ajusta l’aventure, & substitua à sa harangue préparée, le simple propos que voici. « Quand une femme telle que je vous la dépeins, & moi, tel que vous me voyez, ne faisons pas bon ménage, nous ne pouvons tenir dans Bysance toute grande qu’elle est, mais aussitôt que nous nous accordons, nous sommes heureux, le moindre gîte nous suffit : O, Athéniens, continua-t-il, tournez cet exemple à votre avantage ! Prenez garde que Philippe, qui vous menace de près, profitant bientôt de vos discordes & de votre gayeté hors de saison, ne vous subjugue par sa puissance, par ses artifices, & ne vous transporte dans un pays, où vous n’aurez pas envie de rire ». Cette apostrophe produisit un effet merveilleux ; les Athéniens rentrerent en eux mêmes ; les propositions du ministre de Bysance furent écoutées, & l’alliance fédérative fut conclue. Esprit des Lois. (D. J.)

République de Platon, (Gouvern. politiq.) Je sais bien que c’est une république fictive, mais il

n’est pas impossible de la réaliser à plusieurs égards. « Ceux qui voudront faire des institutions pareilles, dit l’auteur de l’esprit des Lois, établiront, comme Platon, la communauté de biens, ce respect qu’il demandoit pour les dieux, cette séparation d’avec les étrangers pour la conservation des mœurs, & la cité faisant le commerce, & non pas les citoyens ; donneront nos arts sans notre luxe, & nos besoins sans nos desirs ; ils proscriront l’argent, dont l’effet est de grossir la fortune des hommes au-delà des bornes que la nature y avoit mises, d’apprendre à conserver inutilement ce qu’on avoit amassé de même, de multiplier à l’infini les desirs, & de suppléer à la nature, qui nous avoit donné des moyens très bornés d’irriter nos passions, & de nous corrompre les uns les autres ». (D. J.)

RÉPUDIATION, s. f. (Jurispr.) Ce terme s’applique à deux objets différens.

On dit répudier une femme, c’est-à-dire l’abandonner & rompre l’engagement de mariage que l’on avoit contracté avec elle, en un mot, faire divorce avec elle, quoad fædus vinculum ; ce qui n’est point admis dans l’Eglise romaine, laquelle tient le lien du mariage pour indissoluble.

La séparation de corps & de biens n’est point un véritable divorce, ni une répudiation, n’opérant pas la dissolution du mariage. Voyez Divorce, Mariage, Séparation.

Répudier une succession, c’est y renoncer. Ce terme est sur-tout usité en pays de droit écrit ; dans les pays coutumiers on dit plus volontiers renoncer à une succession. Voyez Succession, Renonciation. (A)

Répudiation, (Droit canon.) Ce mot est aujourd’hui synonyme avec divorce, qui chez les Catholiques n’aboutit qu’à une séparation de biens & d’habitation. Voyez Divorce.

Je me contenterai d’observer en passant qu’il falloit que dans le xiij. siecle la répudiation fût une chose bien commune ; nous en pourrions citer plusieurs exemples, entr’autres celui de Philippe II. dit Auguste, qui répudia, 1°. Inberge, fille de Valdemar, &, 2°. Agnès de Méranie, laquelle en mourut de douleur en 1211. Mais de plus, nous voyons dans le contrat de mariage de Pierre roi d’Arragon, de l’an 1204, une clause qui étonneroit bien aujourd’hui : ce prince y promet solemnellement de ne jamais répudier Marie de Montpellier, & qui plus est, de n’en épouser jamais aucune autre pendant sa vie. Abrégé de l’hist. de France. (D. J.)

Répudiation, (Critiq. sacrée.) mot synonyme à divorce ; séparation du mari & de la femme, avec la liberté de se remarier. La loi de Moïse permettoit au mari de répudier sa femme quand il lui plaisoit, en lui envoyant seulement l’acte ou la lettre. Voyez Répudiation, lettres de.

Jésus-Christ voulant réprimer une licence qui ne dépendoit que du caprice, la condamne dans S. Marc, ch. x. vers. 2. 12. Dans saint Matthieu il s’explique davantage, & défend de répudier sa femme, si ce n’est pour cause d’adultere. Matth. ch. v. 32. & ch. xjx. vers. 9. Dans saint Luc, xvij. 18, il défend encore d’épouser la femme répudiée, & ajoute que celui qui l’épouse commet adulterre. Il paroît que la plûpart des anciens peres ont mal entendu le précepte de notre Sauveur, en appliquant à la femme répudiée pour cause d’adultere, ce que Jesus-Christ dit seulement de toute femme répudiée pour de legeres causes, comme les Juifs le pratiquoient. Là-dessus les Peres ont à la vérité reconnu qu’il étoit permis à un mari de répudier une femme adultere, mais ils se sont en même tems persuadés qu’il étoit défendu au mari d’épouser une autre femme, & à la femme répudiée d’épouser un autre mari pendant que les deux per-