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gure obscène pendue à leur col. On assure même qu’aux environs de Goa & de Kananor, les nouvelles mariées se font déflorer par ce Priape, avant que de passer dans les bras de leurs époux. On croit que sous cet emblème, les bramines ont voulu représenter la génération de toutes choses, à laquelle, suivant quelques-uns, le dieu Ichuretta qui est le même que Ruddiren, est censé présider. Ce dieu impudique a des religieux qui se consacrent à son service, & qui demeurent constamment dans ses temples ; ils vont quelquefois tout nuds dans les rues de Kananor & de Mangalor, en sonnant une clochette ; alors toutes les femmes, de quelque rang qu’elles soient, sortent de leurs maisons pour venir toucher & pour baiser avec respect les parties de la génération de ces serviteurs du dieu. Voyez l’histoire universelle d’une société de savans anglois. Hist. mod. tome VI. in-8°.

Il y a dans l’Indostan trois sectes consacrées au culte de Ruddiren ou Ischuren ; elles se distinguent par le lingam que portent les sectaires : il est fait de crystal. On les enterre assis, & on ne brule point leurs corps, comme ceux des autres bramines. Ces trois sectes sont comprises sous le nom de Chiwakalan ou Chivamadam.

RUDE, adj. (Gram.) qui affecte le toucher d’une maniere inégale & raboteuse ; voilà une surface bien rude. Il a d’autres acceptions dont je vais donner quelques exemples. On dit d’un chemin qu’il est rude ; d’une saison qu’elle est rude ; d’une voix, du vin, des yeux, de la peau, qu’ils sont rudes. La journée sera rude, disoit froidement un monstre qui avoit commis le plus grand des forfaits, & qui étoit condamné aux plus terribles supplices. Le métier de la guerre est rude ; le choc fut rude ; il a de la rudesse dans le caractere ; il m’a tenu un propos très-rude ; sa versification est rude ; ce cheval a l’allure inégale & rude ; c’est un rude joûteur.

RUDELSTATT ou RUDOLS-STATT, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne, dans la Thuringe, près de la riviere Sala, entre Orlamund & Salfed, avec un château. (D. J.)

RUDEN, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne, dans la Westphalie, sur la riviere de Moen, aux frontieres de l’évêché de Paderbonn. Elle est à l’électeur de Cologne. (D. J.)

RUDENTE, adj. (Gram.) & RUDENTURE, s. f. (Archit.) il se dit d’un bâton simple ou taillé en maniere de corde ou de roseau, dont on remplit jusqu’au tiers, les cannelures d’une colonne, qu’on appelle alors cannelures rudentées. Il y a aussi des rudentures de relief, sans cannelures sur quelques pilastres en gaine, comme on en voit, par exemple, aux pilastres composés de l’église de la Sapience à Rome.

Il y des rudentures plates, des rudentures à bâton, des rudentures à baguettes, des rudentures à feuilles de refend, des rudentures à cordelettes, &c. (D. J.)

RUDÉRATION, s. f. terme d’Architecture, est employé par Vitruve pour signifier un pavement fait avec du cailloutage ou de petites pierres. Voyez Pavement.

Pour faire une bonne rudération, il faut commencer par bien battre la terre, afin que le pavement soit ferme & ne rompe pas.

Alors on étend dessus un lit de petites pierres, qu’on lie avec du mortier fait de chaux & de sable, que Vitruve appelle statumen.

Si le sable est nouveau, il doit être en proportion avec la chaux, comme 3 est à un ; s’il a été tiré des démolitions de vieux pavés ou de vieilles murailles, il doit être comme 5 est à 2. Voyez Mortier, &c.

Daviler observe que Vitruve emploie aussi le mot de rudération pour toutes sortes de maçonnerie grossiere, & singulierement celle d’un mur. Voyez Maçonnerie.

RUDESHEIM ou RUDISHEIM, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne, dans l’électorat de Mayence, au Rheingaw, sur la droite du Rhein, à une lieue au dessus de Bingen. Longit. 25. 31. latit. 49. 54. (D. J.)

RUDESSE, s. f. (Gram.) voyez l’adjectif Rude.

RUDIÆ, (Géog. anc.) ville d’Italie, dans la Calabre, entre Tarente & Brindes ; cette ville étoit proprement dans la Pouille peucétienne ; mais le nom de Calabre s’est étendu fort loin dans la Pouille. Les ruines de cette ville sont aujourd’hui connues sous le nom de Ruia ou de Musciagna, dans la terre d’Otrante.

Rudies étoit la patrie d’Ennius, ancien poëte latin,

Qui primus amœno
Detulit ex Helicone perenni fronde coronam
Per gentes italas.

Silius Italicus dit, en parlant d’Ennius,

Miserunt Calabri, Rudiae genuere vetustæ,
Nunc Rudiæ solo memorabile alumno.

Il avoit le génie grand, élevé, mais dénué des beautés de l’art. Révérons Ennius, dit Quintilien, comme ces bois consacrés par leur propre vieillesse, dans lesquels nous voyons de grands chênes que le tems a respectés, & qui pourtant nous frappent moins par leur beauté que par je ne sais quels sentimens de religion qu’ils nous inspirent.

Il est considéré comme le premier qui a employé les vers pithiens ou épiques parmi les Romains. Ses ouvrages consistoient en diverses tragédies & comédies, & en dix-huit livres d’annales de la république romaine, dont il ne nous reste plus que des fragmens. Ennius mourut l’an 584 de Rome, âgé de 70 ans.

Ce fut Caton qui l’amena avec lui à Rome pendant sa questure de Sardaigne ; & c’est ce qui nous paroit aussi glorieux, dit l’historien de Caton, que son triomphe du pays. Ennius avoit une maison sur le mont Aventin ; la beauté de son esprit, les charmes de sa conversation & la pureté de ses mœurs lui acquirent l’amitié de tout ce qu’il y avoit de personnes distinguées dans la ville, entr’autres de Galba & de M. Fulvius Nobilior. Ciceron nous apprend que le peuple romain lui donna le droit de bourgeoise en considération de son mérite.

Il suivit Fulvius Nobilior à la guerre contre les Etoliens & les Ambraciens, & célébra le triomphe de son ami sur ces peuples. Il servit sous Torquatus en Sardaigne, ainsi que sous Scipion l’ancien, & il se distingua sous les uns & les autres par sa grande valeur.

Il étoit intime ami de Scipion Nasica, comme on le voit par un passage de Ciceron, dans son livre II. de l’orateur, où il raconte qu’un jour Scipion étant allé chez Ennius, la servante lui dit qu’il n’y étoit pas, quoiqu’il y fût. Scipion s’en apperçut : de sorte qu’Ennius l’étant allé voir à son tour quelques jours après, & l’ayant demandé à la porte, Scipion lui cria : Scipion n’est point au logis. Oh, oh ! s’écria Ennius, vous croyez donc que je ne reconnois pas votre voix ? Je vous trouve bien effronté, repartit Scipion : j’en ai bien cru votre servante, quand elle m’a dit que vous n’y étiez pas ; & vous ne m’en croyez pas moi-même.

Il fut enterré sur la voie Appienne, dans le tombeau de la famille de Scipion, conformément à la volonté de ce grand homme, qui voulut en outre qu’on lui dressât une statue sur le monument. Ennius avoit fait lui-même son épitaphe que voici.

Aspicite, ô ceiveis, senis Ennii imagini formam :
Heic vestrûm panxit maxima facta patrum.
Nemo me lacrimis decoret, nec funera fletu
Fac sit : quur ? volito vivu’ per ora virûm
.