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Horace a exprimé la même pensée dans les vers suivans, lib. II. ode xx.

Absint inani funere neniæ,
Luctusque turpes, & querimoniæ ;
Compesce clamorem, ac sepulcri
Mitte supervacuos honores.


« Ne songez donc point, mon cher Mécène, à me faire des funérailles. Les larmes & les chants lugubres déshonorent un immortel. Gardez-vous d’éclater en des regrets plaintifs, & de rendre à un vain tombeau des devoirs funèbres, qui ne seroient ni devoirs pour vous, ni utiles pour moi ».

Je viens de donner l’épitaphe d’Ennius, je crois devoir ajouter ici son portrait ; car il est vraissemblable qu’il a eu le dessein de se peindre soi-même, en traçant le caractere d’un ami de Servilius, dans le VII. lib. de ses annales. Voici ce morceau qui nous fera connoître son style, le vieux langage de la langue latine.

Hæcce loquutu’ vocat, qui cum benè sæpè libenter
Mensam, sermonesque suos, rerumque suarum
Comiter impartit ; magna quom lapsa diei
Parte fuisse de parveis summeisque gerendis
Consilio, endo foro, lato sanctoque senatu.
Quoi res audacter magnas, parvasque, jocumque
Eloqueret, quæ tincta maleis, & quæ bona dictu
Emoveret, si quid vellet, tutoque locaret.
Qui cum multa volup, ac gaudia clamque, palamque,
Ingenium qua nulla malum sententia suadet,
Ut faceret facinus : lenis tamen, haut malus ; idem
Doctu’ fidelis, suavis homo, facundu’, suoque
Contentus, scitu’, atque beatu’, secunda loquens in
Tempore, commodus, & verborum vir paucorum
Multa tenens antiqua sepulta, & sæpè vetustas
Quæ facit, & mores veteresque, novosque tenentem,
Multorum veterum leges, divûmque hominumque
Prudentem, qui multa loquive tacereve posset.

On dit qu’il possédoit très-bien la langue oscane & la langue grecque. Il est certain qu’il a prodigieusement travaillé à perfectionner la poésie latine, quoiqu’il ait laissé aux siecles suivans bien des choses à faire sur cet article.

Mais ses Annales romaines furent si goûtées, que Q. Vargonteïus les récita publiquement à Rome avec un applaudissement extraordinaire, & le même les partagea en différens livres. Elles furent aussi lues en plein théâtre à Pouzzol, par un homme savant qui prit le nom d’Ennianiste. De toutes les copies de ces annales, la plus estimée a été celle que C. Octavius Lampadius avoit corrigée. On dit que Fl. Caprus avoit composé une explication des endroits obscurs, & des expressions antiques qui s’y trouvoient.

Ennius mit au jour une version latine de l’histoire sacrée d’Evhémere, & une autre de la philosophie d’Epicharme. Enfin il composa plusieurs autres ouvrages qui sont perdus. Il paroit dans ses écrits qu’il avoit de grands sentimens sur l’existence d’un seul être suprème, & qu’il n’ajoutoit pas la moindre foi à l’art prétendu de la divination, comme le prouvent ces vers que Cicéron nous a conservés, lib. I. de divinat. n°. 58.

Non habeo nauci Marsum augurem,
Non vicanos aruspices, non de circo astrologos,
Non isiacos conjectores, non interpretes somnium :
Non enim sunt ii aut scientia, aut arte divinei,
Sed superstitiosi vates, impudentesque hariolei,
Aut inertes, aut insani, aut quibus egestas imperat ;
Qui sibi semitam non sapiunt, alteri monstrant viam ;

De his divitiis deducant drachmam, reddant cætera ;
Quibus divitias pollicentur, ab iis drachmam ipsei petunt,
Qui sui quæstûs caussa fictas suscitant sententias.

Les Etiennes ont rassemblé tous les fragmens d’Ennius. Martin del Rio & Pierre Scriverius ont publié les fragmens de ses tragédies ; mais Jérôme Columna les a accompagnés d’un savant commentaire, imprimé à Naples en 1590, in 4°. & qui dans ce siecle a été enrichi de plusieurs additions, dans l’édition que M. François Hesselius a mis au jour, à Amsterdam en 1707, in-4°. (Le chevalier de Jaucourt.)

RUDIAIRE, s. m. (Art gymn.) nom du gladiateur renvoyé avec honneur, après des preuves de sa force & de son adresse dans les spectacles de l’amphitéatre. On lui donnoit pour marque de son congé un fleuret de bois, appellé rudis, d’où lui vient le nom de rudiarius.

Ces sortes de gladiateurs ne pouvoient pas être forcés à combattre ; cependant on en voyoit tous les jours qui, pour de l’argent, retournoient dans l’arène, & s’exposoient encore aux mêmes dangers. Suétone nous apprend que Tibere donna deux combats de gladiateurs au peuple, l’un en l’honneur de son pere, & l’autre en l’honneur de son ayeul Drusus, le premier dans la place romaine, & le second dans l’amphitéatre, où il trouva le moyen de faire paroitre des gladiateurs qui avoient eu leur congé, rudiarios, à chacun desquels il promit cent mille sesterces de récompense, c’est-à-dire plus de vingt mille livres de notre monnoie actuelle. (D. J.)

RUDIMENT, s. m. Rudimentum dérive de rudis, (brute, que l’art n’a point encore dégrossi) : de-là le nom rudimentum, pour signifier les premieres notions de quelque art que ce soit, destinées aux esprits qui n’en ont encore aucune teinture. Le mot françois rudiment, a une signification moins étendue ; l’usage l’a restraint aux élémens des langues, & même en quelque maniere à ceux de la langue latine. J’ai déjà dit au mot Méthode, ce que je pense sur cette sorte d’ouvrages ; je n’en répéterai ici qu’une seule chose : c’est que les livres élémentaires sont de tous, les plus difficiles à bien faire, & ceux néanmoins que l’on entreprend le plus aisément. Combien d’auteurs rudimentaires ont cru, je parle même des plus savans, qu’il leur suffisoit d’avoir lu beaucoup de latin, & observé beaucoup de phrases latines, sans les avoir comparées à la regle commune de tous les idiomes, qui est l’analyse ! C’est pourtant la seule voie qui nous soit ouverte pour pénétrer jusqu’au génie distinctif d’une langue ; & que prétend nous apprendre celui qui n’a pas pénétré jusque-là, ou qui même n’est pas en état d’y pénétrer ? Voyez Inversion.

RUDIR l’étoffe, (Teinture.) c’est, en noir, augmenter la couperose.

RUDIS, (Hist. anc.) chez les Romains, étoit un bâton noueux & plein d’inégalités, que le préteur donnoit aux gladiateurs, comme une marque de leur liberté, & de la permission qu’on leur accordoit de se retirer. Voyez Gladiateur.

De-là est venue cette phrase latine, rude donare, qui signifioit accorder la liberté à un gladiateur, & le dispenser de combattre à l’avenir. C’est pour cela aussi que les gladiateurs qui avoient obtenu leur congé, s’appelloient rudiarii. Voyez Rudiaire.

RUDOLPHINES, tables, (Astron.) on appelle ainsi les tables du mouvement des astres, calculées par Kepler, qui les dédia à l’empereur Rodolphe, d’où elles ont tiré leur nom. Voyez Tables astronomiques & Astronomie.

RUDOLPHSWORTH, (Géog. mod.) ou Newstadtl, ville d’Allemagne, dans la Carniole, sur la ri-