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re, sont mortes pour la patrie ; les tombeaux où elles vivent sont très-pauvres. Une fille qui travaille de ses mains aux ouvrages de son sexe, gagne beaucoup plus que ne coute l’entretien d’une religieuse. Leur sort peut faire pitié, si celui de tant de couvens d’hommes trop riches, peut faire envie.

Il est bien évident que leur grand nombre dépeuple un état. Les Juifs pour cette raison, n’eurent ni filles esseniennes, ni thérapeutes ; il n’y eut jamais d’asyle consacré à la virginité dans toute l’Asie. Il n’y eut jamais dans l’ancienne Rome que six vestales. Elles n’étoient point recluses, & elles vivoient magnifiquement par les fonds considérables que la république donnoit pour leur entretien. Elles avoient le droit de se faire porter en litiere par la ville, & jusque dans le capitole. Les consuls étoient obligés de baisser leurs faisceaux devant elles. On leur avoit accordé les premieres places aux jeux & aux spectacles. Enfin leur consécration qui se faisoit dès le bas âge, ne duroit que 30 ans, après lequel tems il leur étoit libre de sortir de la maison, & de se marier. (D. J.)

RELIGIEUX, s. m. (Langue franç.) ce mot a divers usages en notre langue. Il se prend dans son origine pour ce qui appartient à la religion ; un culte religieux, c’est le culte qu’on rend à Dieu ; un prince religieux, veut dire un prince qui a de la religion & de la piété. On appelle aussi ceux qui quittent le monde pour vivre dans la retraite, des religieux ; on dit même les maisons religieuses, en parlant de la vie & des maisons de ces personnes-là.

Mais religieux s’emploie quelquefois au figuré en des occasions profanes, où il ne s’agit point de religion. Nous disons qu’un homme garde religieusement sa parole, qu’il est religieux observateur des lois, c’est-à-dire qu’il garde fidélement sa promesse, qu’il est fidele observateur des lois. Sophocle n’est pas moins religieux qu’Euripide, c’est-à-dire n’est pas moins scrupuleux à ne rien mettre sur le théâtre qui puisse blesser les mœurs. (D. J.)

Religieux, (Jurisp.) est celui qui a fait profession de vivre sous une certaine regle monastique, approuvée par l’Eglise, telle que la regle de S. Benoit, celle de S. Augustin, ou autre de cette nature.

Sous le terme de religieux au pluriel, on comprend aussi les religieuses.

On n’acquiert l’état de religieux que par la profession religieuse, c’est-à-dire en faisant des vœux solemnels, tels que la regle de l’ordre les demande. Voyez Profession & Vœu.

La profession d’un religieux pour être valable, doit être précédée d’une année de noviciat ou probation. Voyez Noviciat, Probation, Habit, Prise d’habit.

L’âge fixé par les canons & par les ordonnances pour entrer en religion, est celui de 16 ans accomplis.

Il faut même pour la profession des filles que la supérieure avertisse un mois auparavant l’évêque, ou en son absence, le grand-vicaire ou le supérieur régulier pour les monasteres qui sont en congrégation, afin que l’on puisse examiner si celle qui veut faire profession est réellement dans les dispositions convenables.

Les enfans ne peuvent entrer en religion sans le consentement de leurs pere & mere ; cependant si étant parvenus à un âge mûr, comme de 20 ans ou 22 ans, ils persistoient dans leur résolution de se consacrer à Dieu, les parens ne pourroient les en empêcher.

Il est défendu en général de rien recevoir des religieux & religieuses pour leur entrée en religion ; cela reçoit néanmoins quelques exceptions par rapport aux religieuses. Voyez Dot des religieuses.

Les religieux sont morts civilement du moment de

leur profession, & conséquemment sont incapables de tous effets civils ; ils ne succedent point à leurs parens, & personne ne leur succede ; ils peuvent seulement recevoir de modiques pensions viageres.

Le pécule qu’un religieux acquiert par son industrie, ou par les libéralités de ses parens, ou des épargnes d’un bénéfice régulier, appartient après lui au monastere, en payant les dettes ; mais si le religieux avoit un bénêfice-cure, son pécule appartient aux pauvres de la paroisse.

Un religieux qui quitte l’habit encourt par le seul fait, une excommunication majeure.

Le pape peut seul accorder à un religieux sa translation d’un ordre dans un autre, soit pour passer dans un ordre plus austere, soit dans un ordre plus mitigé, quand la délicatesse de son tempérament ne lui permet pas d’observer la regle dans laquelle il s’est engagé. Il faut que le bref de translation soit émané de la daterie, & non de la pénitencerie.

Celui dont la profession est nulle, peut reclamer contre ses vœux dans les 5 ans du jour de sa profession ; il faut du-moins qu’il ait fait ses protestations dans ce tems.

Quelquefois le pape releve du laps de 5 ans ; mais pour que cette dispense ne soit pas abusive, il faut que le religieux n’ait pas eu la liberté d’agir dans les cinq ans. Voyez Réclamation & Vœux. Voyez le concile de Trente, l’ordonnance de Blois, la déclaration du 28 Avril 1693, les lois ecclésiastiques, part. III. tit. 12. (A)

Les religieux, dit M. de Voltaire, dont les chefs résident à Rome, sont autant de sujets immédiats du pape, répandus dans tous les états. La coutume qui fait tout, & qui est cause que le monde est gouverné par des abus, comme par des lois, n’a pas toujours permis aux princes de rémedier entierement à un danger, qui tient d’ailleurs à des choses utiles & sacrées. Prêter serment à un autre qu’à son souverain, est un crime de lese-majesté dans un laïque ; c’est dans le cloitre un acte de religion. La difficulté de savoir à quel point on doit obéir à ce souverain étranger, la facilité de se laisser séduire ; le plaisir de sécouer un joug naturel, pour en prendre un qu’on se donne à soi-même ; l’esprit de trouble ; le malheur des tems, n’ont que trop souvent porté des ordres entiers de religieux à servir Rome contre leur patrie.

M. de Ségrais disoit, qu’outre les causes générales qui multiplient le nombre des couvens, il avoit remarqué un penchant dans les jeunes filles & garçons dans les pays chauds, de se faire religieux ou religieuses à l’âge de l’adolescence, & que c’étoit-là une attaque de mélancolie d’amour ; il appelloit cette maladie la petite vérole de l’esprit, parce qu’à cet âge d’efflorescence des passions, peu de gens en échappent. Ce n’est pas, continue-t-il, que ces attaques de mélancolie ne viennent aussi quelquefois plus tard, comme la petite vérole vient quelquefois dans un âge avancé. (D. J.)

RELIGION, s. f. (Théolog.) religio, est la connoissance de la divinité, & celle du culte qui lui est dû. Voyez Dieu & Culte.

Le fondement de toute religion est qu’il y a un Dieu, qui a des rapports à ses créatures, & qui exige d’elles quelque culte. Les différentes manieres par lesquelles nous arrivons, soit à la connoissance de Dieu, soit à celle de son culte, ont fait diviser la religion en naturelle & en revélée.

La religion naturelle est le culte que la raison, laissée à elle-même, & à ses propres lumieres, apprend qu’il faut rendre à l’Etre suprême, auteur & conservateur de tous les êtres qui composent le monde sensible, comme de l’aimer, de l’adorer, de ne point abuser de ses créatures, &c. On l’appelle aussi morale ou éthique, parce qu’elle concerne immédiatement les mœurs