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tion aux réglement des mœurs, ordonna que les trois veillées se fissent avec retenue, que le mêlange de la joie ne souillât point la dévotion, & défendit que les jeunes gens de l’un & de l’autre sexe parussent aux cérémonies nocturnes, sans être accompagnés de quelqu’un de leur parens qui fût d’un âge à veiller sur eux & à répondre de leur conduite.

Les premiers jeux séculaires furent représentés l’an de Rome 245, les seconds en 305, les troisiemes en 505, les quatriemes en 605. Auguste fit célébrer les cinquiemes en 737.

Ce prince, persuadé qu’il étoit de conséquence pour l’état de ne pas obmettre la célébration de cette fête, à laquelle on ne pensoit plus, donna ordre aux prêtres sibyllins de consulter en quel tems du siecle courant on devoit les représenter. Ceux-ci s’étant apperçus qu’on les avoit manqués en 705 sous Jules-César, songerent aux moyens de couvrir leur faute, de peur qu’on ne les rendit responsables de toutes les calamnités qui avoient affligé l’empire pendant les gueres civiles.

Trois choses leur applanissoient la route de l’imposture. Ils étoient seuls dépositaires des livres sibyllins ; l’on ne convenoit pas généralement de l’année qui devoit servir de point fixe pour régler celle des jeux séculaires ; & l’on étoit partagé sur la date de ceux que l’on avoit représentés depuis la fondation de Rome. Il leur fut donc aisé de flatter la vanité d’Auguste, en déclarant que l’année séculaire tomboit à l’année 737.

Pour en persuader le public, ils mirent au jour des commentaires sur les livres sibyllins, afin de prouver par les paroles même de la sibylle, que le siecle devoit être de cent dix ans, & non de cent ans. Dans ce projet ils altérerent le texte du vers sibyllin qui portoit cent, hecatontada cuclon, & substituerent à hecatontada, le mot hecatondecas, qui signifie cent dix ans.

L’autorité de ces prêtres infiniment respectée, mit tout-à-coup le mensonge à la place de la vérité, sans que personne pût les démentir, puisqu’il étoit défendu sous peine de la vie de communiquer les livres des sibylles à quiconque ne seroit pas du college des quinze pontifes. Si maintenant quelqu’un de nos lecteurs n’étoit pas au fait de l’histoire de ces pontifes, de celle de la sibylle, & des vers sibyllins, il en trouvera de grands détails aux articles, Sibylle & Sibyllins Livres, (Hist. rom.)

Auguste charmé de voir que suivant ses désirs, cette fourbe pieuse lui réservoit la gloire de célébrer une si grande fête, appuya la découverte des pontifes du poids de ses édits, & chargea Horace de composer l’hymne séculaire, qui devoit se chanter en présence de l’empereur, du peuple, du sénat & des prêtres, au nom de tout l’empire.

Le poëte en homme de cour, n’oublia pas le siecle de cent dix ans. « Qu’après dix fois onze années, dit-il, le siecle ramene ces chants & ces jeux solemnels pendant trois jours & trois nuits, comme nous faisons aujourd’hui ».

Certus undenos decies per annos
Orbis ut cantus, referatque ludos
Ter die claro, totiesque gratâ
Nocteque frequentes.

Cependant les successeurs d’Auguste n’observerent point l’espace de tems qu’il avoit fixé pour la célébration de ces jeux, Claude les solemnisa 64 ans après l’an de Rome 800. Domitien 40 ans après Claude, en fit représenter de nouveaux, auxquels Tacite eut part en qualité de quindecimvir ou de prêtre sibyllin, ainsi qu’il le témoigne lui-même dans ses

annales, l. XI, c. xj. L’empereur Severe accorda le spectacle de ces jeux pour la huitieme fois, 110 ans après Domitien, & par conséquent l’an 950 de Rome. L’an 1000 de la fondation de cette ville ; Philippe le pere donna au peuple les plus magnifiques jeux séculaires qu’on eut encore vus. Constantin ne les fit point célébrer l’année qu’il fut consul avec Licinius pour la troisieme fois, l’an de J. C. 313. Mais l’empereur Honorius ayant reçu la nouvelle de la victoire de Stilicon sur Alaric, permit à tous les payens de célébrer encore les jeux séculaires, qui furent les derniers dont parle l’histoire. Zosime qui nous a donné la plus ample description qu’on ait des jeux séculaires, n’attribue la décadence de l’empire qu’à la négligence qu’eurent les Romains de célébrer exactement.

Je connois deux traités des modernes sur les jeux dont nous parlons ; l’un par le P. Tafin, & l’autre infiniment meilleur par Onuphrius Pamvinius. On peut y recourir. (Le Chevalier de Jaucourt.)

SECULARISATION, s. f. (Gram. & Jurispr.) est l’action de rendre séculier un religieux, un bénéfice ou lieu qui étoit régulier.

Pour parvenir à la sécularisation d’un religieux, il faut obtenir un bref du pape, qu’on appelle bref de sécularisation.

On ne doit point séculariser les monasteres ni les religieux, sans des raisons importantes, & sans avoir obtenu à cet effet un brevet du roi, qui permet de demander au pape la sécularisation.

Les bulles de sécularisation doivent être communiquées à l’évêque du lieu, avant d’être fulminées ; il faut ensuite qu’elles soient revêtues de lettres-patentes, & registrées au parlement. Voyez les mémoires du clergé, tome IV. (A)

Sécularisation, (Hist. mod. polit.) dans le tems que les dogmes de Luther & des réformateurs eurent été adoptés par un grand nombre de princes d’Allemagne, un de leurs premiers soins fut de s’emparer des biens des évêques, des abbés & des moines, qui étoient situés dans leurs états. L’empereur Charles-Quint n’ayant pu venir à bout de réduire les Protestans, ni de faire restituer à l’Église les biens qui en avoient été démembrés ; lassé d’avoir fait une guerre longue & sans succès, il convint que chacun des princes protestans demeureroit en possession des terres ecclesiastiques dont il s’étoit emparé, & que ces biens seroient sécularisés, c’est-à-dire ôtés aux gens d’église. L’Allemagne ayant été déchirée par une guerre de 30 ans sous les regnes de Ferdinand II. & de ses successeurs, on fut encore obligé de recourir à des sécularisations, pour satisfaire les parties belligérantes ; en conséquence par le traité de Westphalie qui rendit la paix à l’Allemagne, on sécularisa un grand nombre d’évêchés & d’abbayes en faveur de plusieurs princes protestans, qui ont continué à jouir de ces biens jusqu’à ce jour, malgré les protestations des papes qui ne vouloient point donner les mains à de pareils arrangemens.

Les immenses revenus que possedent un grand nombre d’évêchés & d’abbayes d’Allemagne, fournissoient une maniere facile de terminer les disputes sanglantes qui déchirent souvent les princes & les états séculiers dont le corps germanique est composé. Il seroit à desirer que l’ont eût recours à la sécularisation pour tirer des mains des ecclésiastiques, des biens que l’ignorance & la superstition ont fait autrefois prodiguer à des hommes, que la puissance & la grandeur temporelles détournent des fonctions du ministere sacré, auxquels ils se doivent tout entiers.

SÉCULARISÉ, s. f. (Gram. & Jurisprud.) se dit de ce qui est rendu au siecle : un moine sécularisé, est celui qui est restitué contre ses vœux, & remis dans